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Il y a quelques semaines, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin tweetait ces quelques mots : « Législatives : Il semble bien qu’un front républicain anti NUPES est en cours de constitution ».
L'homme de droite faisait ici référence à l’élection législative partielle en Ariège, où une candidate dissidente de la « gauche » à la sauce Valls et Hollande avait battu la candidate de la NUPES, Bénédicte Taurine, en comptant sur les voix des macronistes, de la droite LR, mais aussi celles du Rassemblement National, c’est à dire de l’extrême-droite.
Quelle ne fut pas ma surprise, donc, en lisant ces lignes ! À l'occasion du premier anniversaire de la NUPES, quelques lignes pour répondre à Jean-Pierre Raffarin.
Le barrage républicain, outil pour sauver... la République
Lui dire d’abord que le choix des mots est important. L’idée du « barrage républicain » n’est pas nouvelle, et ne concerne d’ailleurs traditionnellement pas la gauche, même radicale, mais bien l’extreme droite, et ce pour une raison simple : dans toute son histoire politique, l’extrême droite a toujours combattu la République Française, en a toujours fait son ennemie, a toujours tenté, par tous les moyens, d’abattre ce système politique.
Quand je dis « tous les moyens », je pense bien « tous les moyens »... et demande aux quelques esprits critiques qui s’intéressent encore à l’Histoire politique de ce pays de se souvenir que Pétain et ses sbires nationalistes sont allés jusqu’à profiter de la capitulation face à l’Allemagne nazie pour essayer de mettre définitivement à mal la République, remplaçant jusqu’à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » par le tristement célèbre « Travail, Famille, Patrie » lorsqu’ils étaient au pouvoir. Si bien que oui, vous ne rêvez pas, ceux qui disent aujourd’hui aimer leur pays avant tout sont la lignée de ceux qui ont serré la main de l’envahisseur et collaboré avec lui.
Bref, l’extrême droite ayant toujours défini la République comme son ennemi à abattre, l’idée de « front républicain » désigne donc la situation où, pour protéger la République avant tout, les partis républicains de droite comme de gauche unissent leurs voix pour battre l’extrême droite dans les urnes. Jean-Pierre Raffarin devrait d'ailleurs bien le savoir, lui qui a été le 1er Ministre d’un Président élu par cette méthode, Jacques Chirac en 2002 face à Jean-Marie Le Pen. Ce fut aussi le cas pour Macron en 2017 et en 2022, ayant bénéficié de nombreuses voix des électeurs de gauche refusant de voir Le Pen fille, cette fois, accéder à l’Élysée.
Avec ce terme, Raffarin commet donc une erreur historique grave, en utilisant des mots qui signifient exactement l’inverse de ce qui s’est passé dimanche : une partie de l’échiquier politique républicain a uni ses voix avec l’extreme droite pour tenter d’affaiblir un adversaire.
Qui sort vraiment de l'arc républicain ?
Si bien que l’on peut se poser une question légitime : Qui, en réalité, entame une sortie de l’arc républicain ? Est-ce l’opposition NUPES battue dans les urnes,ou est-ce celles et ceux qui ont accepté de s’unir avec l’extreme droite pour emporter une élection ?
Il faut d’ailleurs rappeler que la situation n’est pas nouvelle : en juin 2022, déjà, les macronistes ont préféré laisser élire des dizaines de députés d’extreme droite plutôt que de favoriser l’élection de députés NUPES. Comprenez : c’est bien Macron qui a abattu le barrage républicain pour ne pas être bloqué par une opposition trop forte à l’Assemblée nationale.
Jean-Pierre Raffarin a donc définitivement faux et commet une faute politique grave : ce qu'il a observé n'est pas un « barrage républicain contre la NUPES », mais l’oeuvre de pyromanes donc la nouvelle stratégie consiste à se poser comme les dépositaires de l’ordre, de la seule voix possible, alors que le pouvoir politique n’a jamais été aussi fébrile face au mouvement social débuté en janvier dernier.
Il suffit d’ailleurs d’écouter Darmanin, nouvelle figure de proue du Macronisme, parler de « terrorisme intellectuel » et d’ « ultra gauche » pour comprendre : le Président et ses ministres se radicalisent à droite pour essayer de tenir debout. Ils criminalisent l’opposition, ciblent ses porte-paroles (j’en parlais la semaine dernière), tabassent les manifestants, et font la sourde oreille face aux critiques et alertes venues de nombreuses associations, organisations, ou même gouvernements étrangers qui s’inquiètent du basculement de la France vers un régime autoritaire.
L’utilisation du terme « barrage républicain contre la NUPES » accompagne cette stratégie. Raffarin est ici un porte-flingue de Macron. Le vieux monde s’entraide : criminaliser la gauche pour justifier la répression autoritaire. Dire qu’elle est violente, agressive, dangereuse… et finir, donc, en clamant qu’elle n’est plus républicaine.
Macron, autoroute de l'extrême droite
Mais je crois que Macron devrait se méfier. Car jusqu’ici, cette stratégie de longue date lui a permis d’utiliser le RN comme idiot utile, en battant sa médiocre candidate au second tour de l’élection présidentielle. Mais à force d’en reprendre les mots, à force de s’approcher de ses idées, à force d’avoir les mêmes réflexes et les mêmes pratiques violentes, autoritaires, à force de s’entourer de ministres dont l’attitude et la ligne politique sont compatibles avec l’extreme droite, Macron finit par normaliser celle-ci. Il la crédibilise, la dédiabolise. Il fait sauter toutes les digues, brouilles tous les repères… jusqu’à devenir lui-même l’idiot-utile des fachos ? C’est à craindre, car c’est possible.
Néanmoins, la Lumière finit toujours par éclairer l’obscurité. N’ayez donc crainte : notre objectif est toujours de balayer ce vieux monde, ses combines pourries, sa dérive autoritaire… et en le faisant, nous balayerons aussi l’extrême droite qui les inspire tant. Avec la NUPES, c'est possible !
Bastien PARISOT
(@BastienParisot)