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Texte d'une chronique lue sur le plateau de l'Émission Populaire le 6 septembre dernier.
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Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a récemment dit qu’il ne savait pas ce que sont "les super profits".
Pauvre Bruno ! J'ai donc voulu essayer, humblement, de l'éclairer un peu.
Commençons simplement : dans “super profits”, il y a “super” et “profits”. Jusque-là, tout le monde suit.
“Profits”, tout le monde connait.
Rappelons quand même que Le Robert le définit comme “l’augmentation des biens que l'on possède, ou amélioration de situation qui résulte d'une activité”. Jusque-là, je suis sûr que Bruno a la banane, parce que tout ça colle parfaitement avec son poste ô combien essentiel à la vie de notre pays.
Passons maintenant à “super”, parce que c’est là, précisément là, que tout se joue.
“Super”, lorsqu’il est utilisé comme un adjectif ou un adverbe, a un sens plutôt positif. Par exemple, si je vous parle d’un super candidat à l’élection présidentielle, vous allez tout de suite penser à Jean-Luc Mélenchon et ses meetings impressionnants... de la même façon, si je vous parle de militants super motivés, vous allez en toute logique me parler de tous ces insoumis qui battent le pavé partout dans le pays pour faire progresser nos idées, qu’il vente, qu’il neige, qu’il pleuve, bref, par tous les temps et pour tous les motifs.
Dans ce cas, c’est à dire dans cette projection positive de ce qui est “super”, on pourrait imaginer qu’un “super profit”, est l’augmentation des biens que l’on possède résultant d’une activité positive pour la planète ou la société. Par exemple, tu as inventé une technologie permettant de nettoyer les océans ? Te voilà récompensé par quelques euros qui mettront du beurre dans tes épinards bios.
On pourrait aussi imaginer qu’il s’agit d’un profit formidable pour notre société toute entière : si un vaccin contre la connerie ou les polémiques stériles dans le monde politique pourrait nous sauter aux yeux (poke à Eric Naulleau et Rafael Enthoven, qui ont passé leur week-end à parler de la dernière voiture disponible dans une agence de location), on pourrait aussi imaginer un système économique permettant à chacune et chacun de vivre dignement, avec un partage des richesses équitable, ou la mise en place d’un système de production et de consommation qui nous permettrait de réduire drastiquement la pollution, et de reculer enfin le jour du dépassement dans notre calendrier annuel. Bref, tout ça, ce serait des “super” “profits” pour la société.
Malheureusement dans notre cas précis, “super” est utilisé comme un élément qui signifie “au-dessus”, un préfixe de renforcement marquant le plus haut degré. En gros, cher Bruno Le Maire, les “super profits”, c’est l’enrichissement +++. Et pas n’importe lesquels : ceux des multinationales qui profitent de la crise économique pour s’en mettre plein les poches, pendant que des millions de personnes s’appauvrissent et se serrent la ceinture partout dans le pays, subissant de plein fouet une inflation qui dépasse déjà les 6%.
Un exemple parlant, celui de Total, qui voit ses bénéfices s’élever à 18,8 milliards d’euros en France sur les 6 premiers mois de 2022. Quelle douce ironie pour cette entreprise multi-énergie qui se gave pendant qu’on laisse entendre aux gens qu’il pourrait y avoir des coupures de gaz ou d’électricité cet hiver. Quelle douce ironie aussi lorsqu’on sait que cette entreprise n’a payé AUCUN impot en France en 2019 et 2020.
Voilà Bruno ! C’est ÇA, les super-profits ! C’est les 73 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre pour les entreprises du CAC 40. Je ne te parle bien sûr pas des TPE ou PME hein, dont les petits patrons galèrent aussi, mais bien de ces géants qui se gavent, se gavent et se gavent encore. Je te parle de ces 73 milliards d’euros, qui représentent 25% de plus que l’année précédente, ce qui n’est PAS la fin de l’abondance du pognon (hehe), et notamment d’Engie, principal forunisseur de gaz en France, qui a doublé son bénéfice qui passe maintenant à 5 milliards d’euros. Douce ironie énergétique, encore.
Et le plus beau Bruno, c’est que tout ça, tu as dit que ça te rendait “fier”. Ça ne devrait pas. Parce que ces chiffres, ce n’est pas la réussite de notre économie. C’est la souffrance des pauvres, leur quotidien toujours plus dur, leur langue tirée et leur bonheur qui s’effrite sous leurs yeux. C’est des jeunes qui crèvent de faim, des vieux qui meurent dans des EPHAD indignes, des malades qui font la queue pour voir un médecin, des services publics en ruine, j’en passe et des meilleurs, bref rien, rien, absolument RIEN de quoi être fier.

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Pour tous les autres qui me lisent, une pétition circule en ce moment pour taxer ces “super profits” de la honte. C’est sur le site taxesuperprofits.fr, vous êtes déjà plus de 85 000 à avoir signé. Alors si ce n’est pas fait, allez-y, et surtout diffusez auprès de vos proches, de votre famille et de vos amis.
Voilà, cette fois, j’espère que Bruno a tout compris !
Bastien PARISOT
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