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Le 24 avril à 20 heures, les Français connaîtront le nom du Président, ou de la Présidente, qu’ils devront supporter lors des 5 prochaines années.
Cette phrase résume à peu près parfaitement la situation politique de notre pays après le premier tour de l’élection présidentielle. Mélenchon éliminé, ce second tour ne laisse plus de place aux deux urgences de notre temps : la crise climatique et la crise sociale.
Pire, en proposant la même affiche qu’en 2017, il place la France devant un impossible choix : faut-il supporter Macron, le président méprisant, ultra violent et autoritaire pour un nouveau quinquennat, ou faut-il laisser l’extrême-droite xénophobe et obscurantiste prendre le pouvoir dans le pays ?
Pour les électeurs de gauche, mais aussi pour un grand nombre de citoyens, le choix semble impossible. Et si Macron bénéficie jusqu’ici d’une courte avance dans les sondages, la faible qualité de ces derniers et la nullité de la campagne menée par le président sortant rendent l’issue plus qu'incertaine. Il faut donc le dire, et en mesurer la gravité : oui, l’extrême-droite est aux portes du pouvoir.
Barrage républicain ?
C’est le réflexe classique pour lui barrer la route. Depuis toujours, la gauche se range derrière la droite, ou la droite se range derrière la gauche, lorsqu’il s’agit d’empêcher Le Pen (prenez l'échelon familial que vous souhaitez) d’accéder au pouvoir. En 2017, ce comportement électoral avait permis à Macron d’assurer son élection, sans pour autant écraser sa concurrente autant que Chirac n’avait atomisé son père en 2002.
Oui, mais voilà : cette fois, la donne est différente. La candidate frontiste semble d’abord mieux préparée. Moins imprécise dans ses réponses et plus discrète dans la campagne, elle a arrondi les angles et profite aussi de la présence de Zemmour, dont l’outrance, la grossièreté et la xénophobie assumée ont permi à Le Pen d’être recentrée sur l’échiquier politique. Mentionnons aussi ici la campagne bien à droite de Pécresse, qui n’aura certes pas porté ses fruits, mais participé à normaliser les positions du RN.
Mais surtout, Macron a exercé le pouvoir pendant 5 ans. L’homme possède donc un bilan : inégalités criantes, services publics dévastés, généralisation de la violence, notamment à l’encontre des manifestants, politique anti-sociale, inaction climatique… et une pratique du pouvoir autoritaire et méprisante.
L’homme a d’abord trahi ses promesses les plus à gauche. Le candidat de 2017 parlait d’une France qui serait “une chance pour tous” ? Il a pourchassé les migrants, harcelé les chômeurs, tabassé les opposants. Il avait promis de faire des inégalités entre les femmes et les hommes sa priorité ? Tout juste a-t-il créé des numéros verts, en méprisant les demandes des associations et en choisissant un ministre de l’intérieur accusé d’agressions sexuelles. Il s’était enorgueilli d’être le “champion de la Terre” ? Il n’a rien fait pour le climat, ré-autorisé le glyphosate, défendu une PAC favorisant les fermes-agricoles et été condamné pour inaction climatique.
Ainsi se dresse la liste des rendez-vous manqués par Emmanuel Macron… qui n’a, par contre, pas oublié de répondre présent à l’agenda libéral dicté par la Commission européenne : réforme (avortée) des retraites, suppression de l’ISF, gel du point d’indice des fonctionnaires, diminution du budget de l’école publique, de la santé, privatisation des Aéroports de Paris…
Difficile alors de se projeter dans un “barrage républicain”, tant le quinquennat qui vient de s’écouler s’est directement attaqué aux valeurs fondamentales de la République : moins de liberté, moins d’égalité, et aucune fraternité.
La situation est donc la suivante : voter Macron permet-il de battre Le Pen ? Oui. Voter Macron permet-il de sauver la République ? Non.
5 ans d’insultes et de mépris
Si le barrage existe, on ne peut donc pas pour autant le qualifier de “républicain”. Le “barrage au pire des deux”, peut-être ?
Mais là encore, la situation n’est pas si simple. Car pendant 5 ans, Macron et sa garde rapprochée ont aussi multiplié les provocations et les démonstrations de mépris. Ici, les Gaulois réfractaires. Ici les factieux. Ici ceux qu’il emmerde. Ici les fainéants. Ici les cyniques.
Pire, pendant 5 ans, ils n’ont eu de cesse de cibler directement les Insoumis et la gauche en général, allant parfois jusqu’à reprendre les mots et les attaques de l’extrême-droite : wokisme, islamo-gauchisme, ennemis de la République, violents, sédicieux, casseurs… tout au long du quinquennat, les macronistes n’ont jamais su trouver de mot assez dur, assez insultant, assez méprisants pour qualifier celles et ceux dont ils ont aujourd’hui besoin des voix pour battre l’extrême-droite. Les procès honteux se sont également multipliés, allant de l’odieuse accusation d’antisémitisme au trait d’égalité entre l’extrême-droite des Insoumis. Abject. Honteux. Insupportable.
Il faut donc dire les choses comme elles sont. Les électeurs de gauche ont beaucoup de mal à voter Macron face à Le Pen ? C’est entièrement sa faute ! Le front républicain est mort ? C’est entièrement sa faute ! Le Pen peut gagner au second tour ? C’est entièrement sa faute !
Refuser le chantage à tout prix
Ceci étant dit, il faut donc refuser le chantage. Non, la responsabilité n’est pas sur les épaules des électeurs de Mélenchon, ni même sur le candidat et son équipe. Que Macron s’excuse. Qu’il ravale ses insultes. Qu’il remballe son mépris.
Et surtout, surtout, qu’il donne des gages politiques. La situation est entre ses mains. Et lui seul, le 24 avril, sera responsable de la dynamique enclenchée ou non chez les électeurs de gauche, pour barrer la route à Marine Le Pen.
Rappel salutaire : une majorité de Français s’oppose à la retraite à 65 ans. Une majorité de Français veut interdire le glyphosate. Taxer les profiteurs de la crise. Rétablir l’ISF. Augmenter les salaires. Plafonner les frais bancaires… peut-être le candidat LREM peut-il y trouver des leviers pour faire bouger des électeurs jusqu’ici réticents ? Il lui reste une dizaine de jours.
Et d’ici là, un message à tous les lecteurs passant par ici : pas une voix, surtout pas une, pour Marine Le Pen !
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Bastien PARISOT