
Texte tiré d'une chronique lue sur le plateau de l'Émission Populaire le 29 novembre dernier.
Ah, la famille ! Revenant d’un déplacement professionnel un peu long, le week-end dernier, je me suis retrouvé à un repas entouré des miens. Et bien sûr, toutes les familles étant traversées par les mêmes débats et embrouilles sympathiques, la question de la réforme des retraites s’est invitée sur la table, entre les oeufs mayonnaise et la purée de patate douce.
Chacun y allait de son point de vue, ma mère annonçant par exemple fièrement que son école serait fermée ce jeudi, quand soudain, tout bascule... Se sentant certainement oppressé par tant de gauchisme autour de lui, l'un des invités a cru bon de nous asséner sa terrible vérité. Je cite : “Après tout, c’est bien normal qu’on travaille plus longtemps, puisqu’on vit plus longtemps” ! S’en est suivi un jeu de sourcils trahissant son assurance, menton levé, l’air de dire : “c’est l’argument fatal, fin du débat”.
C’était sans compter sur mon caractère quelque peu borné et sur mon réflexe d’attraper au vol toute sottise prononcée devant moi. Je me suis donc lancé une réponse enthousiaste.
Une logique... qui ne l'est pas
Il faut dire que cet argument atteint des sommets. Ok, les sophismes font toujours leur effet à table et Ok, les macronistes passent leur temps à répéter cet élément de langage débile, mais ça ne valide pas l'idée pour autant.
D’abord, parce qu’en réalité c’est l’inverse : c’est parce qu’on bosse moins longtemps, parce qu’on se fatigue moins longtemps… qu’on vit plus longtemps. Bienvenue dans le vrai monde : chaque avancée sociale, chaque changement de nos règles de vie ayant permis aux gens de vivre mieux, de se reposer, de s’épanouir, a toujours eu un impact positif sur notre société et sur la vie des gens. Je vous laisse deviner ce qui se passe quand c’est l’inverse.
Ensuite, ce sophisme tout nul nous ferait presque oublier que la productivité a augmenté en même temps que l’espérance de vie des Français… et plus rapidement. Si bien qu’aujourd’hui, une personne produit aujourd’hui autant de richesse que 3 personnes ne le faisaient dans les années 70. Pardon, mais la logique est là : il est normal de travailler moins longtemps, puisque nous produisons plus.
Cette question en soulève d'autres
Il faut le dire : enfermer ainsi le débat sur les retraites est absolument nul. Il serait franchement temps d’arrêter de penser que la retraite signifie la fin de l’utilité et que les retraités sont un poids pour la société. Dans de nombreuses familles, qui garde les enfants quand leurs parents ne peuvent pas le faire ? Leurs grands-parents. Qui offre des moments précieux d’amour, de découvertes, de musées, de cinéma, de ballade en forêt aux gamins plusieurs fois par an ? Même réponse.
Et pourquoi peuvent-ils le faire ? Parce qu’ils ont le temps de le faire. Parce que la société toute entière s’organise pour qu’ils aient le temps de le faire. Je n’entrerai pas ici dans le fait que la retraite est un salaire différé, pour lequel chacun cotise toute sa vie, mais je me contenterai de dire que nous avons ici sous les yeux le sens de la retraite : profiter de la vie, profiter des petits plaisirs simples, qui sont possibles parce que et uniquement parce que les gens ont le temps, enfin d’en profiter.
C’est aussi ça la question des retraites : est-ce que l’on pense qu’il faut consacrer davantage de sa vie à enrichir son entreprise et son patron, ou est-ce qu’il faut passer davantage de temps à aimer ses proches, à vivre ses passions et profiter de la vie ? Finalement, cette question en soulève une bien plus large et bien plus importante : comment considérons-nous notre existence ? Que considérons-nous comme une priorité ?
Il me semble, sur tous les sujets, que c’est la recherche du bonheur qui doit nous servir de boussole. Il me semble que nous ne sommes pas là pour produire encore et encore, dans un système injuste qui creuse toujours davantage les inégalités. Il me semble qu’il nous faut produire ce qui est nécessaire pour vivre bien, et non pas vivre ce qu’il faut pour produire toujours plus. Bref, je pense que le bonheur se trouve aussi dans une fin de vie heureuse et que celle-ci est possible si et seulement si nous avons le temps nécessaire d’en profiter.
Rendez-vous à la Marche pour nos retraites, samedi à 14 heures, Place de la Bastille à Paris !
Suite à ma tirade, un léger blanc s’est installé à table et j’ai compris, dans le regard de son destinataire, que mon prochain cadeau d’anniversaire serait sûrement un peu moins sympa que les précédents… s'il existe. Enfin, c'est pour la bonne cause !
Reste que si l'argument vous ai lancé en repas de famille, ou entre potes, vous savez maintenant quoi répondre...
Je termine en donnant rendez-vous à toutes et à tous ce samedi, à 14h sur la Place de la Bastille à Paris, pour la Marche Pour Nos Retraites, à l'appel des organisations jeunesse. Nous étions nombreux jeudi dans les rues de Paris. Il faut remettre ça, mobiliser le plus largement possible pour faire reculer Macron et protéger nos vieux jours !
Bastien PARISOT