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Billet de blog 22 nov. 2022

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Interdire la corrida est un combat humaniste

Ce jeudi, l'Assemblée nationale votera sur une proposition de loi visant à interdire la corrida partout en France. Quelques lignes pour expliquer pourquoi il s'agit d'un combat humaniste.

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Illustration 1

Texte tiré d'une chronique lue sur le plateau de l'Émission Populaire le 8 novembre dernier.

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Je ne donnerai ici aucune leçon de morale et je ne prétends pas détenir de vérité absolue. Je ne fais que rebondir sur l’actualité : ce jeudi 24 novembre, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi visant à interdire la corrida sera débattue. Elle est portée par le député insoumis Aymeric Caron.

Parlons d’abord de la forme. On reproche souvent aux députés, qui sont rappelons-le les élus qui représentent le peuple à l’Assemblée nationale, de ne pas tenir leurs promesses, de ne pas agir concrètement, de ne pas travailler assez… et que sais-je encore parmi tous les poncifs de l’antiparlementarisme patent dans la société.

Eh bien, le simple fait que cette proposition de loi soit débattue est la démonstration du contraire. Aymeric Caron, sur ce plateau, a toujours défendu la cause animale. C’est un peu son fer de lance, sa marque de fabrique. Il en a même créé un mouvement politique, Révolution Écologique pour le Vivant, qui s’est allié avec la France insoumise et la NUPES pour les élections présidentielle et législatives.

Les choses sont donc simples : vous élisez Aymeric Caron, il porte son combat au sein de l’Assemblée, jusqu’à en faire une proposition de loi. CQFD : les Insoumis font ce qu’ils disent.

Parlons maintenant du fond : l’interdiction de la corrida pose la question de l’acceptation, ou non, de la souffrance animale, et de sa justification ou non dans notre société. Je vous passe tout ce que je peux penser du prétendu courage d’un torero qui achève un animal préalablement blessé, ou de ce que je vois d’inhumain dans de telles pratiques… Car je crois que le débat ne doit pas porter sur nos considérations ou appréciations personnelles, mais plutôt sur les grandes idées que la question soulève et sur ce que cela dit de notre société toute entière.

D’abord, on ne s’en cache pas ici, nous sommes des militants politiques qui défendons une autre vision de la société : l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature.

Cette harmonie, bien sûr, sous-entend immanquablement le respect du vivant, c’est-à-dire de toutes les espèces vivantes sur la planète. Et, sauf à tenter une sorte de description romanesque de l’opposition entre l’homme et l’animal, difficile d’argumenter que la mise à mort d’un taureau se rapproche du respect. Non, je ne suis pas de ceux qui s’amusent de l’agonie d’un animal, qui trouvent quelque sorte de beauté dans sa souffrance, dans sa chute, ou qui se réjouissent, s’amusent ou se félicitent de ses râles, de ses peurs et de son dernier souffle.

Alors, certains malins pourraient me rétorquer qu’après tout, au Qatar, on s’amuse en ce moment même dans des stades construits sur les cadavres des hommes tombés par milliers sur les chantiers, exploités jusqu’à leur mort, dans l’esclavage moderne. Abject. Mais je répondrai à ceux-là que je suis pour l’interdiction de la corrida, précisément pour la même raison que je boycotte la coupe du monde : parce que les deux sont radicalement opposées aux grandes idées qui doivent, je crois, façonner le monde. Non, on ne devrait pas s’amuser autour d’un animal à l’agonie puis mort, et non, on ne devrait pas célébrer les champions du monde de football dans un cimetière d’ouvriers, le tout dans une aberration écologique et dans un pays bafouant allègrement les droits de l’homme.

Il faut comprendre qu’il ne s’agit pas tant de s’opposer à la corrida en elle-même, qu’à une vision du monde qu’il faut dépasser. Plus que jamais peut-être nous le savons aujourd’hui, l’avenir ne peut se construire sans une autre considération de la nature et du vivant. Celle-ci doit s’étendre à tous les espaces de notre société, entrer dans tous les esprits et modifier la façon avec laquelle nous organisons notre vie commune, de la production à la consommation, de la culture au divertissement. Penser que l’harmonie avec la nature est l’objectif à atteindre, la boussole à suivre, c’est refuser de considérer les êtres vivants comme une simple ressource, renoncer à considérer leur souffrance comme un paramètre acceptable.

Il faut comprendre que cette logique rejoint d’ailleurs précisément notre lutte contre la pensée capitaliste, pour au moins deux raisons.

D’abord, parce qu’il existe un parallèle entre la considération que nous portons aux animaux… et celle que nous acceptons pour nous-même. Refuser de traiter les êtres vivants comme de simples ressources mène irrémédiablement à refuser toute sorte de maltraitance visant les hommes. Adopter cette pensée et mener cette lutte tend irrémédiablement à défendre la dignité de l’Homme (avec un grand H), partout tout le temps. À refuser l’extrême-misère, à refuser le travail humiliant, l’exploitation, l’inégalité, l’injustice. Et donc, à entrer dans un refus profond du capitalisme, des maux qu’il engendre et du monde qu’il façonne.

Ensuite, comprenons que si la corrida est interdite au nom de la lutte contre la souffrance animale, alors, il est possible d’entraîner un véritable effet domino. Si l’Assemblée nationale proclame que les êtres vivants ne sont pas une ressource et qu’il n’existe pas de justification à leur souffrance, on peut alors s’en prendre aux tests en laboratoires, aux élevages en batteries, aux abattoirs de l’horreur et à tous les autres lieux de maltraitance et de destruction des animaux ou de leur monde.

En bref, et c’est ce que j'essaye de démontrer à travers ces lignes : la lutte contre la maltraitance animale est un enjeux majeur pour toute personne prétendant défendre l’humanisme. Car à travers elle se dessine notre vision du monde. On parle, vous l’avez compris, d’émancipation du vivant et surtout d’émancipation de nous-même. Et à celles et ceux qui viendraient me parler de “traditions” et de “valeurs ancestrales”, je répondrai simplement qu’il s’agit de regarder devant, et non derrière, pour faire évoluer la société toute entière… Ce n’est pas pour rien si l’on parle d’ “avancer”.

Pour conclure : ce jeudi, l’Assemblée nationale a rendez-vous avec une petite part de l’histoire du pays.
M’est d’avis que ce n’est pas tant pour les animaux que pour les Hommes qu’elle doit être à la hauteur de l’instant.

Bastien PARISOT

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