Pendant la nuit du 29 au 30 juin dans le centre de Montreuil, les émeutes* ont pris un autre tournant. Des pluies de tir de mortiers d'artifices sur la mairie de la nuit précédente on est passé à un pillage en masse de magasins dans un centre commercial et dans les rues menant de la mairie à la Place Croix de Chavaux. Autre nouveauté : de nombreux tags de la gauche autonome avec une claire volonté de convergence.
La nuit commence relativement dans le calme. Des tirs de mortier éparses. Rien comme la nuit de mercredi à jeudi. On pourrait presque croire, comme le font certains, qu'il s'agit d'une nuit estivale typique où des jeunes de Montreuil se divertissent avec leurs tirs qui résonnent dans la soirée. On en entend depuis des semaines. Aucun lien avec les émeutes disent quelques personnes sur les réseaux sociaux. Sauf que ça a commencé plus tard et que ça continue bien plus tard. Passé minuit les fils télégram parlent du quartier de la Boissière dans le haut Montreuil qui "est en feu". Et vers une heure du matin, les émeutiers arrivent sous mes fenêtres sur la Place Croix de Chavaux. La poubelle de mon immeuble et celles des immeubles mitoyens sont jetées au milieu de la chaussée. Les vitres de l'abribus au coin de la rue sont réduits en miettes. Puis une courte accalmie.
Je continue mes allées retours de l'ordinateur sur mon bureau aux fenêtres de ma cuisine. Vers 1h30 les bruits lointains de casse s'intensifient, les jeunes sont de plus en plus nombreux, les tirs de mortiers sur le boulevard Rouget de Lilsle me donnent droit à un beau petit feu d'artifice et le pillage commence. Des alarmes qui vont sonner quasi continuellement sont déclenchés. (Et, oui, pour briser les vitres de magasins il faut des bâtons ou autres outils du genre, cela me semble une évidence, et il vaut mieux avoir le visage caché mais tous ne sont pas masqués ou "armés" - loin de là.) Je n'arrive pas à voir quels magasins sont pillés mais je vois des jeunes porter des cartons et autres butins. Il y en a à vélo, sur trottinettes, mais surtout à pied. Certains courent et d'autres marchent tranquillement, visiblement sans crainte. C'est vrai qu'il n'y a aucun policier en vue. J'entends, avec surprise, des voix de jeunes femmes qui participent clairement même si je ne les vois pas. On parle toujours des jeunes au masculin. Le bruit court loin parce que maintenant des voitures arrivent d'un peu partout pour participer. Bientôt le pillage et la casse s'étalent à la rue piétonne qui relie la place à la Cité de l'Espoir... Pendant deux bonnes heures je vois un défilé de jeunes et moins jeunes emportant cartons et sacs dans différentes directions; un va et vient entre les deux rues où se passe le pillage et les voitures sur la place. L'excitation et la joie sont palpables. Et je n'arrête pas de me demander où est la police. Pas que j'ai vraiment envie de la voir (parce que ce pillage, même s'il n'est pas productif et malgré le tort que cela va causer à certains commerçants, on ne peut pas le négliger, est un acte très politique et je ne voudrais surtout pas voir les émeutiers se faire pincer par les flics) mais juste que cela m'étonne. Je me dis qu'ils sont sans doute trop pris ailleurs et je ne me trompe pas.
Le rythme des allées retours ralentit peu à peu et il y a de moins en moins de monde. Vers 3h3O les dernières voitures sont reparties et la place est presque vide. Le calme est revenu. Je me plonge dans mon ordinateur et laisse un commentaire sur un article de Médiapart dans lequel je parle de mon étonnement quant à l'absence de la police. Une vingtaine de minutes plus tard, j'entends de nouveaux de grands bruits sous mes fenêtres. Retour à la cuisine. C'est la police qui enlève la poubelle de mon immeuble toujours en pleine chaussée pour la mettre sur le trottoir d'en face avec un vacarme tout sauf nécessaire. (Non, ce n'est pas une coïncidence. Du moins je ne le pense vraiment pas. Mais ça c'est une toute autre histoire !) Une heure plus tard, ils ne sont plus là. De toute façon, il ne se passe plus rien.
Vers 6h15, le jour bien levé, je décide de sortir pour me rendre compte et pour prendre des photos avec mon smartphone.
L'abri-bus au coin de ma rue.

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Un badaud scrute les dégâts au tabac de la Place Croix de Chavaux (Place Jacques Duclos). Les propriétaires à l'intérieur n'ont pas voulu que je prenne d'autres photos. Le commerce a été totalement dévalisé.

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Tout au long du boulevard Rouget de Lisle qui mène à la mairie, des commerces ont été dévalisés et des petits feux allumés.

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Arrivée à la hauteur de la mairie, les tags de la gauche autonome témoignent d'une claire volonté de convergence.

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Le centre commercial à côté de la mairie a subit le plus de saccage et de pillage. (Il y a aussi un centre commercial à Croix de Chavaux; j'ai vu des jeunes qui s'y dirigeaient mais il n'y y a pas eu de pillages ou de casse. Je ne sais pas pourquoi.)

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Une des cibles préférées des émeutiers sont les opticiens.

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Les éternelles voitures cramées...

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Avant de mettre les déchets de feu qui longent la rue piétonne dans les camions benne, il faut s'assurer que tout est bien éteint.
* En ce qui me concerne, le mot "émeute" n'est pas négatif; il s'agit d'une forme de révolte légitime et qui peut être très politique !