
A l'occasion de la projection-rencontre du film Des étoiles, organisée dans le cadre des [Ecrans d'Emmaüs], le mercredi 17 juin 2015 à 20h30 à l'Espace culturel Emmaüs Louvel-Tessier, Belleville en vues a rencontré Arnaud Dommerc, producteur du film chez Andolfi Productions.
Nous avons eu le plaisir d'accueillir à cette soirée Arnaud Dommerc et Jean-Baptiste Legrand, co-producteur chez JHR Films, pour échanger autour du film.
DES ETOILES de Dyana Gaye (2013 / France, Sénégal / 88')
Entre New York, Dakar et Turin, les destins de Sophie, Abdoulaye et Thierno se croisent et s'entremêlent. Des premières désillusions aux rencontres décisives, leur voyage les mènera à faire le choix de la liberté.
Belleville en vues : Aviez-vous déjà travaillé avec Dyana Gaye ? Comment s'est déroulée la production du film Des étoiles ?
Arnaud Dommerc (Andolfi Productions) : Je produis les films de Dyana quasiment depuis ses débuts. On peut donc dire que l'on commence à se connaître très bien. Pour Des étoiles, Dyana a commencé par faire le récit de trajectoires entre plusieurs continents. Au début, il n'y avait pas trois personnages, mais seulement deux femmes. J'ai proposé à Dyana de travailler sur ce projet avec Cécile Vargaftig, scénariste et écrivain. Leur collaboration a tout de suite été riche et structurante et cela a vraiment été une belle rencontre, une de celle que le cinéma permet. Je pense que le fait de provoquer ces possibles de rencontres est l'un des beaux aspects du métier de producteur. Dyana et Cécile ont commencé à élaborer le scénario, au-delà du traitement, sur le mode des lettres écrites par les différents personnages. C'était vraiment leur ossature de travail. La 2ème étape a été de s'en écarter et d'intégrer cette matière dans un récit. C'est ce qui a permis à Dyana de creuser ses personnages.

Belleville en vues : Pourriez-vous nous parler de la façon dont Dyana Gaye utilise la musique dans la conception de ses films ?
Arnaud Dommerc : Dyana est une cinéaste musicale qui travaille beaucoup en musique et ses films sont musicaux. Elle élabore toujours les personnages de ses films avec des playlists correspondant à chacun d'entre eux. Ces musiques sont comme les humeurs et les lignes de force de ses personnages.

Belleville en vues : Comment avez-vous filmé Turin, Dakar et New York ?
Arnaud Dommerc : Les trajectoires entremêlées au sein de trois villes viennent de l'idée originelle de correspondances de lettres entre les différents personnages. Cette dynamique existait dans le scénario et d'ailleurs, très vite il a été important de bien signifier la ville où la séquence était tournée. Il a fallu indiquer avec des petits éléments l'endroit où l'on était pour ne pas se perdre, surtout dans un film comme Des étoiles où il y a beaucoup de personnages. Dyana cherchait la bonne solution pour que chaque ville existe en tant que telle, pour que les villes ne s'affrontent pas, qu'elles se parlent. Il fallait trouver des ponts entre les trois lieux que l'on filmait. Car ces villes ont toujours été pensées comme le 4ème personnage du film.

Belleville en vues : Comment s'est déroulé le tournage ?
Arnaud Dommerc : Nous avons préparé très en amont le film. Il y a eu trois sessions de repérages et deux sessions pleines de préparation : une dizaine de jours en Italie et à Dakar – moins aux Etats-Unis, car c'était plus compliqué pour des questions évidentes de distance géographique. Grâce à cette préparation, Dyana connaissait bien les lieux et les équipes avec qui elle allait travailler. La particularité du tournage a été de greffer le noyau central de l'équipe française au sein d'équipes à l'étranger. Ca a été une partie parfois délicate. La bonne surprise a été le tournage new-yorkais qui a été d'une simplicité et d'une efficacité assez jubilatoire.
Belleville en vues : Est-ce que Dyana Gaye a des attaches avec chacune des villes où elle a tourné ?
Arnaud Dommerc : Nous ne sommes pas partis sur des territoires inconnus. Le Sénégal est un territoire d'imaginaires pour Dyana. Je pense d'ailleurs qu'il y aura toujours un lien avec le Sénégal dans ses films. A Turin, elle y a fait des études, elle y avait des amis. Ca part aussi d'une réalité un film. Turin est un bassin ouvrier d'immigration forte, notamment africaine, et depuis une quinzaine d'années, d'immigration féminine. Connaissant la ville et le rapport historique, c'était assez évident pour Dyana de tourner là-bas. Quant à New-York, il y a une vraie communauté sénégalaise avec le « Little Senegal » à New-York, quartier dans lequel on a d'ailleurs tourné. Il y a toujours un désir américain dans les films de Dyana. Elle est notamment nourrie de cinéma américain et elle connait bien New York pour l'avoir fréquenté depuis une vingtaine d’années.

Belleville en vues : Pourriez-vous nous parler du montage financier du film ? Comment la co-production s'est mise en place ?
Arnaud Dommerc : Nous avons très vite compris qu'au regard des pays dans lesquels nous allions tourner, des coproductions internationales seraient difficiles à mettre en place, car les législations et les possibilités de financement ne nous y incitaient pas. Nous avons plutôt recherché les bonnes productions exécutives, à même de comprendre l'endroit du projet, le cinéma de Dyana, ses nécessités… et l'économie réelle du film !
Au Sénégal, c'est différent, car avec Oumar Sall, producteur chez Cinekap, c'est une relation sur du long terme que nous avons choisi de mettre en place, pour les prochains films de Dyana, mais aussi celui d'Alain Gomis que je produis cette année (le film s'appelle Félicité et sera tourné à Kinshasa et au Sénégal cet été). C'est aussi l'envie qui nous anime avec Dyana de permettre que se développe et renaisse une vraie cinématographie au Sénégal, et Oumar est l'un des acteurs incontournables et important de cette renaissance.
Enfin pour le bouclage financier du film, l'arrivée de Rouge International et d'Ezekiel Film a été décisive. Sans leurs interventions en coproduction, le film n'aurait pas pu se faire. Je n'oublierai jamais ce qu'ils ont rendu possible.
Un grand merci à Arnaud Dommerc.