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Billet de blog 18 mai 2015

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ENTRETIEN / Laurent Pellé, délégué général du "Festival International Jean Rouch"

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A l'occasion de la projection-rencontre du film Petit à Petit, organisée dans le cadre des [Ecrans d'Emmaüs], mercredi 20 mai à 20h30 à l'Espace culturel Emmaüs Louvel-Tessier, Belleville en vues a rencontré Laurent Pellé, délégué général du Festival International Jean Rouch.
Nous avons eu le plaisir d'accueillir à cette soirée Laurent Pellé et Agnès Jahier, coordinatrice de ethnoArt, pour échanger autour du film.

Petit à Petit © AfricanFilmLibrary

Petit à Petit de Jean Rouch (1971 / France, Niger / 90')
Damouré, qui dirige à Ayorou (Niger) avec Lam et Illo la société d'import-export "Petit à petit" décide de construire un « grand Building » dans son village. Il part à Paris pour voir « comment on peut vivre dans des maisons à étages ». Dans la capitale, il découvre les curieuses façons de vivre et de penser des Parisiens qu'il décrit dans des « Lettres persanes » envoyées régulièrement à ces compagnons, jusqu'à ce que ceux-ci, le croyant devenu fou, envoient Lam le rejoindre pour se rendre compte sur place...


Belleville en vues : Les acteurs de Petit à Petit - également présents dans Jaguar et Cocorico Monsieur Poulet - étaient considérés par  Jean Rouch comme co-réalisateurs de ces trois films. Dans ce cadre, comment ce film mêlant la fiction au documentaire a-t'il été réalisé  ?

Laurent Pellé : Damouré, Lam et Tallou, les trois acteurs nigériens du film Petit à petit sont depuis le milieu des années cinquante les complices des aventures africaines de l’ethnologue et cinéaste Jean Rouch. Ensemble ils tournent en 1954 le film Jaguar sur les migrations des sahéliens au Ghana, et à l’occasion de cette première expérience de “cinéma partagé” naît la “bande à Rouch” unique exemple à l’époque d’une étroite collaboration entre un cinéaste et les protagonistes de son film. Quand il a s'agit dix ans plus tard de réaliser Petit à petit (1969), c’est de nouveau la même “bande” qui se mit à l’oeuvre. Pour Jean Rouch c’était le seul moyen de faire partager aux spectateurs la réalité quotidienne, les émotions et les rêves de ses amis. Le scénario est donc écrit  à plusieurs mains et au fur et à mesure du tournage, laissant une place de choix à l’improvisation, et la réalisation est devenue une coréalisation qui permit de partager les quelques gains du film.

Belleville en vues : Dans un de vos articles, vous dites que le film est construit à la manière des Lettres persanes de Montesquieu. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Laurent Pellé : Par les rôles facétieux de ses acteurs nigériens comme observateurs et ethnologues de la société française, Jean Rouch, à la manière de Montesquieu, réalise avec Petit à petit un film critique et parodique sur ses compatriotes, contestant leur prétendue supériorité, mettant en avant leurs contradictions et les absurdités de leur existence, dénonçant le leurre du progrès et l’escroquerie du développement tel qu’il est conçu en France. Pour la première fois à l’écran et avec humour les français sont observés et décrits à travers le regard d’Africains.

Belleville en vues : Quelle est l'importance de ce film pour le cinéma de l'époque ?

Laurent Pellé : Malheureusement à sa sortie le film n’a pas rencontré le succès, et ce malgré quelques critiques favorables. Bien avant tout le monde, Jean Rouch mettait en relief la faillite des recettes du développement et de la coopération française en Afrique, ce qui dix ans après les indépendances n’était pas à l’ordre du jour et dérangeait. A la différence de son film Moi, un Noir qui fut, en 1959, un coup de tonnerre dans le cinéma français, Petit à petit fut ignoré. Ce n’est que depuis peu que l’on redécouvre son originalité et ses aspects corrosifs.

Un grand merci à Laurent Pellé pour cet entretien réalisé en mai 2015 par Sandra Davené.


Le distributeur Les Films du Jeudi

Retrouvez un article de Laurent Pellé "Jean Rouch : regards critiques, mais non désabusés sur la France"

Plus d'infos sur ethnoArt et le Festival International Jean Rouch

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