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Billet de blog 21 novembre 2014

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ENTRETIEN / Sani Magori, réalisateur présent à la Soirée de clôture du Festival

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La soirée de clôture de la 4ème édition du Festival des Nouveaux Cinémas Documentaires se déroulera ce dimanche 23 novembre avec la rencontre [Un cinéaste, un parcours // SANI MAGORI : Agir sur le réel pour construire la mémoire]. Sani Magori nous parlera de son travail, où documentaire et fiction s'entremêlent, à la lumière du réalisateur Jean Rouch.

Retour sur le travail de Sani Magori, à travers un entretien qui avait été mené l'an dernier. Il y parlait notamment, de son dernier film "Koukan Kourcia, les médiatrices" qui sera projeté ce dimanche, aux Ateliers Varan, après la rencontre.


SANI MAGORI - « Faire des films qui cherchent à agir sur le réel »

"Avec mes films je me donne souvent à des expériences sociologiques et humaines qui soulèvent en même temps le rôle que doit avoir le cinéma dans des pays comme le Niger. Je pense avoir le devoir de faire des films qui cherchent à agir sur le réel, soit en le modifiant, soit en créant un cadre pour sa transformation."

Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Je suis né à Galmi au Niger en 1971. J’ai suivi une formation d’Ingénieur d’État en agronomie en Algérie. J’ai travaillé comme journaliste pigiste pour des magazines français et nigériens. En 2008, j’ai obtenu un Master 2 en Réalisation documentaire de création à l’Université Gaston Berger de Saint Louis (Sénégal). Depuis, je me suis lancé très activement dans la réalisation. En 2010, j’ai créé Maggia Images SARL, société qui produit essentiellement des documentaires africains.

J’ai réalisé jusqu’à aujourd’hui trois films documentaires dont « Pour le meilleur et pour l’oignon ! », qui a obtenu une vingtaine de prix à travers le monde et qui a été sélectionné au Festival de Cannes 2009. Je travaille actuellement sur le film « Koukan Kourcia 2 ».

Pouvez-vous nous dire deux mots du premier volet de votre deuxième film « Koukan Kourcia, le cri de la tourterelle » que nous avions projeté en 2011 lors de la première édition du festival ? 

Ce film est l’histoire incroyable de Zabaya Hussey, cantatrice âgée maintenant de 75 ans, qui a, durant sa carrière, provoqué l’exil d’une génération d’hommes nigériens par ses chansons qui les incitaient à quitter leur pays pour trouver du travail et subvenir aux besoins de leur famille. Parmi eux se trouve mon père, parti vivre à Abidjan en Côte d’Ivoire. J’ai donc décidé de retrouver Zabaya pour lui demander de chanter à nouveau et de faire le long trajet jusqu’à Abidjan afin de ramener mon père et d’autres hommes exilés, au Niger.

Pourquoi avoir décidé de tourner une suite au film « Koukan Kourcia » ?

Je dirai que ce second volet du film s’imposait car c’est à ma demande que Zabaya a ramené mon père et plusieurs migrants de leurs longs exils en Côte d’Ivoire... C’est un vrai miracle qui s’est produit ! 

En même temps, à leurs retours au Niger, ces migrants se sont soulevés contre le pouvoir traditionnel et communal. Depuis, rien ne va plus dans la commune de Galmi. Alors cette fois-ci, j’ai demandé à Zabaya de faire un autre miracle et d’appeler cette fois-ci, la population à la réconciliation, avec le pouvoir qu’on reconnaît à ses chansons. 

Ce conflit qui paralyse le développement socio-économique de ma commune, n’est pas un cas isolé au Niger et est en parti responsable des guerres au niveau sous régional que connait l’Afrique et dont le monde entier continue de subir les conséquences. Avec ce film je touche du doigt les conflits contemporains nés essentiellement du retour massif des migrants dans leurs pays d’origine. 

Quels impacts a votre cinéma documentaire sur la réalité des gens que vous filmez ?

Avec mes films je me donne souvent à des expériences sociologiques et humaines qui soulèvent en même temps le rôle que doit avoir le cinéma dans des pays comme le Niger. Je pense avoir le devoir de faire des films qui cherchent à agir sur le réel, soit en le modifiant, soit en créant un cadre pour sa transformation. Les personnes que je filme sont aussi transformées par la force de ce réel provoqué et filmé. Par exemple Zabaya Hussey, cantatrice pratiquement mise aux oubliettes, puisqu’elle ne chantait pas depuis plus de deux décennies, s’est vue « ressuscitée » par le film « Koukan Kourcia ». Récemment, elle a même été élue représentante des cents femmes nigériennes les plus actives du pays par le FNUAP/ Niger.

Qu’est-ce qui, selon vous, fait que vos films, à l’instar d’autres documentaires, réussissent à traverser les frontières ?

L’amour, le destin, l’exil, la force de l’art ; mais aussi le travail, la relation avec des forces qui nous échappent sont les sujets et les arguments de mes films. Je crois que ce sont des valeurs universelles qui ne laisseraient personne indifférent. C’est pour cette raison peut être qu’une histoire d’amour qui se déroule à Galmi, au Niger, devient intéressante pour tout spectateur, dans tous les pays du monde. La preuve : si le film « Pour le meilleur et pour l’oignon ! » a reçu des prix sur quatre continents, en Afrique, Europe, Amérique et en Asie, c’est parce que chacun peut s’identifier aux destins humains dont il est question dans ce film. Cette profonde humanité confère donc à mes films, pourtant bien ancrés en Afrique, un intérêt universel.

Propos recueillis par Farah Clémentine Dramani-Issifou, novembre 2013. 


Plus d'infos sur le Festival des Nouveaux Cinémas Documentaires#4

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