Une chose est sûre aujourd’hui, les stratégies mises en œuvre dans notre camp ont encore échoué. Certes la candidature de Jean-Luc Mélenchon a confirmé sa force et, en responsabilité, nous avons été nombreuses et nombreux à le soutenir publiquement ou à voter pour lui espérant ainsi qualifier sa candidature devant celle de Marine Le Pen. La qualité du travail produit par la France Insoumise est indéniable tout comme la dynamique de l’Union Populaire.
Mais force est de constater qu’elle n’a pas suffit pour l’emporter. L’écart entre le candidat insoumis et Marine Le Pen est faible. Néanmoins, de 600 000 voix en 2017, il passe à 500 000 voix en 2022. En nombre absolu de voix, cet écart se réduit dans une proportion qui ne permet pas d’envisager une victoire de notre camp dans 5 ans.
À coté, le vote pour l’extrême droite se renforce. Si Marine Le Pen progresse dans des proportions qui sont légèrement moindre que le candidat de l’Union populaire passant de 7,7 à 8,1 millions de voix, le vote en faveur de l’extrême droite progresse dans des proportions plus importantes et dans toute la France. Marine Le Pen, Dupont-Aignan et Eric Zemmour recueillent 32,53 % des suffrages à eux trois. Toute la gauche (compris l’extrême gauche) et les écologistes ensemble restent en deçà des 32% (31,92). L’hypercentre néolibéral autoritaire est lui aussi juste au dessus de 32% (32,39). Le champ politique est définitivement divisé en trois blocs : progressiste, néolibéral autoritaire et fascisto-raciste.
Pour autant, le bloc qui progresse le plus vite, c’est l’extrême-droite. Depuis 2017 son score progresse de 5 points (+ 1,5 million de voix), quand celui du bloc progressiste grossit de 4 points (+ 1 million de voix). Cette progression plus rapide de l’extrême droite lui permet de dépasser le bloc progressiste. Ce n’était pas le cas en 2017.
Une autre donnée doit être prise en compte. Quand, en 2017, Jean-Luc Mélenchon représentait près de 71% des voix progressistes, en 2022, ce pourcentage diminue d’un peu plus de 2 points et ne représente plus que 68,7 % des voix qui se sont exprimées en faveur des forces de gauche et écologistes. Autrement dit, si battre l’extrême droite n’est pas seulement une question d’union de la gauche et des écologistes, la question des alliances ne peut pas être considérée comme secondaire ou anecdotique et la division entre les insoumis et les communistes a probablement cette fois empêché la qualification de Jean-Luc Mélenchon au deuxième tour de cette élection présidentielle. Alors même que le vote en faveur des candidat·es de la sociale démocratie n’a pas bougé passant de 6,36% des suffrages exprimés pour Benoît Hamon en 2017 à 6,32% pour Yannick Jadot et Anne Hidalgo en 2022. Un résultat qui sans les disqualifier tout à fait montre que les propositions politiques des communistes et de la sociale-démocratie sont très minoritaires et incapables d'entrainer une adhésion supplémentaire.
Ce qui signifie clairement qu’au sein du bloc progressiste, le rapport de force s’est cristallisé et est aujourd’hui définitivement favorable à un programme de transformation sociale et écologique, et un discours qui dénonce la stratégie d'extrême-droite de production d'un ennemi intérieur et son idéologie du grand remplacement. Pour autant, ce n’est pas suffisant pour arriver au deuxième tour et encore moins pour remporter l’élection présidentielle.
La bataille idéologique reste décisive. De ce point de vue, il convient de remarquer que les propositions politiques du bloc progressiste n’entrainent pas une adhésion suffisante pour enrayer la progression idéologique de l’extrême droite. L’abstention différentielle montre que c’est parmi la jeunesse qui a le plus voté pour Jean-Luc Mélenchon qu’on trouve aussi la plus forte abstention.
De ce point de vue, les aspirations qui se sont manifestées autour de la candidature de Sandrine Rousseau pour une écologie radicale, résolument anticapitaliste, populaire, antiraciste et féministe sont à prendre en compte. Tout comme il est urgent de considérer que les stratégies de prise de pouvoir par en haut qui négligent la construction d’un rapport de force au niveau local sont insuffisantes.
Je terminerais en prenant l’exemple du travail que nous avons accompli sur Melun depuis 2014. En réussissant une alliance entre les écologistes et la gauche radicale qui nous a permis d'imposer la radicalité écologiste et sociale, l'écologie populaire et l'antiracisme, et par notre implication quotidienne sur le terrain, nous avons créé les conditions d’une victoire possible de notre camp dans une ville pauvre de la grande périphérie d'Île de France. Nos scores dépassent depuis 2017 l’extrême-droite et progressent plus vite que l’abstention.
Un travail qui allie production idéologique, alliances et investissement local, est indispensable si nous voulons gagner l'hégémonie culturelle, battre l'extrême droite et construire les conditions d'une victoire nationale.