MON INTERVENTION ET QUELQUES ELEMENTS DE LA DISCUSSION GENERALE
(Ce qui est en bleu n’a pas été prononcé faute de temps. Nos temps de parole sont strictement comptés et nous disposions d’à peine 4 minutes pour la discussion générale et la défense de nos amendements. En rouge l’amendement déposé par l’exécutif sous la pression des groupes de l’opposition qui étend le dispositif au triage dans la limite de 20% de l’aide.)
Mme la présidente, Mme la vice-présidente, vous répétez souvent que toutes les agricultures sont bonnes et que nous ne devons pas soutenir une agriculture au détriment d’une autre.
Or que faites-vous avec ce rapport ? Vous accordez une aide pour l’achat de semences aux seuls céréaliers qui ont je cite « des surfaces en grande culture » et excluez de fait du dispositif tous les autres : maraîchers, horticulteurs, apiculteurs qui ont pourtant également souffert des conséquences du dérèglement climatique qui ont touché notre région : inondations, sècheresse, défaut de pollinisation. Et comme en commission ruralité et agriculture la vice-présidente nous a dit que l’aide serait proportionnelle à la commande, plus les agriculteurs commanderont, plus ils toucheront. Autrement dit, vous faites exactement l’inverse de ce que vous prétendez et soutenez un seul modèle agricole : l’agriculture productiviste industrielle grande consommatrice de chimie.
Car les semences achetées devront être certifiées, c’est-à-dire qu’elles auront été produites et traitées par l’industrie agro-chimique. Celle-là même qui nous a vendu la révolution verte comme un miracle. Alors qu’elle a abouti à la quasi disparition de la paysannerie dans notre pays. Et ça continue. En Île de France, la surreprésentation de l’agriculture industrielle qui occupe aujourd’hui 90% de la surface agricole utile a entrainé la disparition des deux tiers des exploitations entre 1970 et 2010. La population active agricole a baissé de façon encore plus importante et les trois quart des emplois ont été supprimés. Si le recul de la surface cultivée face à l’urbanisation explique partiellement cette diminution, l’essentielle est dû à l’introduction dès les années 1950 d’engrais de synthèse et à la mécanisation. On ne peut pas sincèrement dire qu’on veut une société du plein emploi et continuer à encourager un modèle d’agriculture qui détruit l’emploi agricole.
Un choix en faveur de l’agriculture industrielle qui n’est pas seulement mauvais pour l’emploi mais aboutit à la situation ubuesque où quand nous mangeons nous nous demandons si nous ne sommes pas en train de nous empoisonner. Et ces semences certifiées sont davantage traitées que les semences de ferme.
En outre, la concentration entre les mains de quelques grands groupes industriels de la production de semences entraine une diminution inquiétante des variétés disponibles. L’expérience cumulée des centaines de milliers de paysans que comptait notre pays avait abouti à une connaissance fine des variétés adaptées à chaque sol, climat, relief. Cette connaissance a été balayée par la Révolution verte tout comme le rapport de générations entières à la nature, aux plantes et aux animaux. Aujourd’hui 80% de l’assolement annuel en blé est couvert par quelques variétés de blé et 80% des légumes cultivés il y a 50 ans ont disparu. Cette atteinte grave à la diversité des espèces végétales cultivées obère la capacité des cultures à résister aux pathogènes lesquels sont de plus en plus résistants aux fongicides. Et si les pathogènes résistent aux fongicides, les mauvaises herbes résistent elles aux herbicides. Dès lors les agriculteurs engagés dans ce type d’agriculture sont obligés de recourir davantage encore à la chimie pour essayer d’endiguer un phénomène créé justement par le recours à la chimie.
En outre, cette agriculture industrielle, intégrée au marché international, est dépendante des aides de la PAC. D’autant que les prix des céréales et oléoprotéagineux sur les marchés internationaux sont extrêmement volatiles. Parmi les conséquences de cette dépendance, on observe une diminution des emblavements de blé tendre ou de betterave alors que les surfaces consacrées au Colza destiné à la production de biocarburants, encouragée par la PAC, ont augmenté de 36% entre 2000 et 2010.
Et pourtant, Mme la présidente vous semblez particulièrement aimer l’industrie semencières à laquelle vous vous apprêtez à accorder une rente de 6,5 millions d’euros, joli cadeau. Comme si cette industrie pétro-chimique en avait besoin. Comme si Bayer ne rachetait pas Monsanto 57 milliards d'euros. C'est plus que le produit intérieur brute de 127 pays sur 175, c’est 19 milliards de plus que le PIB de la République Démocratique du Congo, un des pays les plus riches en ressources de la planète. Ce qui signifie qu’en plus de représenter un danger pour notre santé, et d’abord celle des agricultrices et des agriculteurs qui utilisent ces produits, ils constituent un véritable péril géo-politique.
Ce soutien appuyé, non pas seulement symbolique mais pécuniaire, à l’industrie agroalimentaire est un très mauvais signe pour nous tous : agriculteurs et consommateurs. Si vous deviez mettre en œuvre cette aide profondément injuste vous apporteriez la preuve que votre engagement en faveur de l'agriculture biologique et plus généralement votre souci de l'écologie n'a aucun fondement réel. Qu'il ne s'agit que d'un discours de façade pour flatter un électorat soucieux de sa santé et de l'air qu'il respire. Mme la présidente, à la fin des années 1970, le philosophe allemand Hans Jonas, nous appelait à considérer le principe de responsabilité non pas de l'humain vis à vis de la planète mais de l’humain vis à vis de lui-même et des générations futures. Il est urgent que vous l’entendiez.
Défense de l’amendement n° 46 (EELVA et FdG) en faveur des semences fermières et de l’ouverture du dispositif au triage :
Mme MONVILLE DE CECCO (EELVA) – Madame la Présidente, les semences fermières représentent 500 trieurs qui se déplacent sur les exploitations pour aider les agriculteurs à trier leurs semences. Cela contribue donc fortement à la vitalité de notre région. Or le dispositif que vous allez mettre en place aujourd’hui va évidemment peser sur leur travail en les privant de marchés qu’ils avaient jusqu’à présent. L’amendement que nous portons aujourd’hui vise à aider aussi ceux qui utilisent des semences fermières, non pas directement puisque comme vous l’avez rappelé, ce n’est pas possible. Vous pouvez en revanche accorder une aide au triage qui permettrait à ceux qui ont recours aux semences fermières d’être également aidés et non pas seulement ceux qui utilisent des semences certifiées. J’ai rappelé ce qu’elles représentaient, mais nous y reviendrons probablement au moment de l’explication de vote.
Mme la Présidente – Madame la Vice-Présidente.
Mme CHAIN-LARCHÉ – Je voudrais revenir sur ce magnifique exposé que nous a fait Michel CAFFIN pour nous expliquer la différence entre les semences certifiées et les semences fermières. Je pense qu’il a rassuré les membres de la commission. Cette mesure n’est absolument pas farfelue, mais au contraire une mesure capable d’assurer en priorité pour les agriculteurs la pérennité de leurs exploitations dans les années à venir. J’ai rappelé tout à l’heure avoir entendu un agriculteur me dire que la terre a une mémoire. Il est certain que la terre va garder longtemps en mémoire les épisodes pluvieux et ce qui s’est passé au cours du printemps 2016. La mémoire est également dans les productions de cette année, dans les graines qui vont servir à faire ces semences fermières. Je pense qu’il faut absolument passer outre cette difficulté et ne pas s’assurer un surisque en s’entêtant et en allant très probablement vers des récoltes à nouveau catastrophiques. Dans cette année particulière, le tri à la ferme ne permet pas dans tous les cas d’assurer ce risque. Les semences certifiées sont certes un pari, mais un pari relativement acquis pour assurer une bonne récolte. J’appellerai donc au retrait de votre amendement, sinon au rejet.
Mme la Présidente – Je garde toutefois l’idée en réserve, Madame MONVILLE. Je pense qu’il faut que nous évaluions l’ensemble du dispositif dans les prochaines semaines. Je suis prête à voir si nous pouvons faire encore davantage et encore mieux. Je propose qu’à ce stade, nous votions l’aide telle qu’elle a été calibrée, mais l’objectif étant d’être au plus près des demandes et des souhaits des agriculteurs, nous ferons une évaluation du dispositif. Si nous constatons que nombre d’entre eux ont besoin d’une aide au triage plutôt qu’une aide à l’achat des semences, je ne suis pas opposée à ce que le dispositif soit revu après cette période d’évaluation. Au bénéfice de cet engagement, seriez-vous prête à retirer votre amendement ?
Mme MONVILLE DE CECCO (EELVA) – Madame la Présidente, nous allons maintenir notre amendement. Ceci dit, j’entends avec beaucoup d’intérêt les propos que vous venez de tenir. J’espère que vous allez reconsidérer la possibilité d’aider ceux qui auront recours au triage et donc de respecter les propos que vous nous tenez depuis le début de cette mandature, qu’il faut aider tous les agriculteurs, quels que soient leurs choix. Il est temps de le mettre en œuvre aujourd’hui.
Mme la Présidente – Il faudra juste vérifier qu’une aide au triage ne sera pas vécue par l’administration comme une subvention d’exploitation, auquel cas elle serait illégale. Nous sommes sur le fil du rasoir dans notre volonté d’aider. C’est pourquoi nous cherchons tout ce que nous pouvons faire de mieux.
Je mets aux voix l’amendement n° 46 d’EELVA et du Front de Gauche. Avis défavorable de l’exécutif à ce stade. Qui est pour ? Qui est contre ? Qui s’abstient ? Qui ne prend pas part au vote ?
Vote de l’amendement n° 46 (EELVA et FdG)
POUR : S&R, EELVA, FdG, RCDE
CONTRE : LR, UDI, CD
ABSTENTION : FN
NPPV : M. CAFFIN, M. CHEVRON, M. JEUNEMAÎTRE ABSENT : NI
Défense de l’amendement n°48 EELV-A
Mme la Présidente – Nous en arrivons à l’article 2. J’ai un amendement n° 48 EELVA. Madame MONVILLE.
Mme MONVILLE DE CECCO (EELVA) – Cet amendement vise à donner la possibilité à d’autres types d’agriculture de profiter des aides de la Région. L’agriculture biologique qui a recours à des amendements organiques et minéraux pour les sols a été aussi mise en difficulté par les aléas climatiques.
Mme la Présidente – Madame MONVILLE, vous avez épuisé votre temps de parole. Mme MONVILLE DE CECCO (EELVA) – Cela ne m’avait pas échappé.
Mme la Présidente – Madame la Vice-Présidente.
Mme CHAIN-LARCHÉ – Cela montre bien l’engagement de Madame MONVILLE dans le soutien aux agriculteurs. En réponse, je reviens sur ce que nous avons déjà dit. Le dispositif est ciblé sur l’achat de semences certifiées car il s’agit du levier qui a été jugé le plus pertinent pour répondre à cette crise dans l’urgence, de l’avis de tous les experts. Différentes réunions se sont succédé cet été. De l’avis des experts et des instituts techniques, il leur a semblé que cette solution était vraiment la meilleure. J’en appelle donc au retrait de cet amendement, sinon à son rejet.
Mme la Présidente – Il est maintenu. Qui est pour cet amendement ? Qui est contre ? Qui s’abstient ? Qui ne prend pas part au vote ?
Vote de l’amendement n° 48 (EELVA)
POUR : S&R, EELVA, FdG, RCDE
CONTRE : LR, UDI, CD
ABSTENTION : FN
NPPV : M. CAFFIN, M. CHEVRON, M. JEUNEMAÎTRE ABSENT : NI
REJET
La séance est suspendue à 12 heures 40 et reprend à 12 heures 52.
Mme la Présidente – Madame la Vice-Présidente va nous présenter l’amendement de l’exécutif.
Amendement de l’exécutif
Mme CHAIN-LARCHÉ – Je reprends la lecture de l’article 2 de la délibération qui est réécrit comme suit : « Approuve le règlement d’intervention relatif au dispositif de soutien exceptionnel à l’achat de semences certifiées tel que présenté en annexe à la présente délibération. Dans le cadre des groupes de travail lancés par la présidente pour élaborer le pacte agricole régional, d’ici un mois, les élus de la Commission ruralité et agriculture seront associés au bilan de cette mesure. Sur cette base, la possibilité d’un accompagnement ad hoc sera examinée pour le triage à façon des céréales de printemps pour les producteurs de céréales d’hiver qui n’auraient pas du tout eu recours au dispositif présenté aujourd’hui en urgence, dans la limite de 20 % des crédits accordés ».
EXPLICATION DE VOTE SUR L'ARTICLE 2 REECRIT PAR L'EXECUTIF :
Mme MONVILLE DE CECCO (EELVA) – Nous voterons l’amendement. Nous nous félicitons de la discussion qui a eu lieu et qui a permis d’infléchir votre choix initial dans un sens qui va dans la reconnaissance du choix des agriculteurs de ne pas recourir forcément à des semences certifiées. J’en profite pour dire que cette agriculture, qui a permis de sélectionner des semences depuis le néolithique, a aussi permis de nourrir très tranquillement l’Humanité. Les experts d’aujourd’hui sont sans doute bien informés, mais des millénaires ont construit un savoir utile à préserver. Il faut aller dans ce sens. (je réponds ici au arguments de V. Pécresse et de sa vice-présidente qui soutiennent que les semences certifiées sont meilleures et plus sûres que les semences fermières).
Mme la Présidente – Ne nions pas le progrès scientifique et ses apports. Il n’y a pas d’autres explications de vote. L’amendement est mis aux voix. Qui est pour cet amendement ? Qui est contre ? Qui s’abstient ?
L’amendement n° 102 (CD) est retiré au profit de l’amendement de l’exécutif.
Vote de l’amendement de l’exécutif
POUR : LR, S&R, UDI, FN, EELVA, CD, FdG, RCDE NPPV : M. CAFFIN, M. CHEVRON, M. JEUNEMAITRE ABSENT : NI
ADOPTION
EXPLICATION DE VOTE SUR L'ENSEMBLE DU RAPPORT :
(décision du groupe EELV-A : vote contre si les semences fermières ne sont pas prises en considération, abstention dans le cas contraire.) Sous la contrainte de l’ensemble des groupes d’opposition l’exécutif régional a rédigé un amendement qui réserve 20% de la somme à l’aide au triage pour les semences de printemps. Par conséquent, nous nous sommes abstenus sur la totalité du rapport.
Madame la présidente, Madame la vice-présidente si nous comprenons l’importance qu’il y a aujourd’hui à aider les agricultrices et agriculteurs franciliens nous regrettons que vous ayez fait le choix d’aider d’abord et davantage l’agriculture industrielle. Car s'il n'y a pas de mauvais agriculteurs, il y a indéniablement une agriculture qui a fait la preuve de sa capacité à produire et nourrir les humains sans tous ces produits, dérivés du pétrole qui s'avèrent dangereux pour notre santé et pour nos sols. La majorité des humains se nourrissent aujourd’hui grâce à l’agriculture paysanne : on comprend bien l’enjeu que cela représente pour les semenciers qui souhaitent augmenter leur part de marché. Mais pourquoi les aider dans ce funeste dessein. Vous m’avez dit qu’on ne pouvait nier les avancées de la sciences Mme la présidente mais il y a un principe important en science, c’est la charge de la preuve. L’agriculture industrielle comme je l’ai rappelé tout à l’heure détruit l’emploi agricole, appauvrit nos savoirs, diminue drastiquement la diversité des espèces, stérilise nos sols. Les multinationales de l’agroalimentaire l'ont bien compris d’ailleurs qui achètent des terres en Afrique où elles ont été préservées de la Révolution verte. Au contraire, l’agriculture paysanne a permis à l'humanité d'assurer sa pérennité depuis le néolithique sans modifier de manière irrémédiable notre environnement. Que ferons nous quand nous aurons transformé nos sols en désert ?
Voir : http://elus-idf.eelv.fr/laide-regionale-aux-agriculteurs-65-millions-exclusivement-reserves-a-lindustrie-agricole/