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Bénédicte Monville

Écologiste radicale antiraciste et décoloniale #PEPS, martiniquaise, ex-conseillère régionale d'Île de France, conseillère municipale et communautaire de Melun

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Billet de blog 13 octobre 2016

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Quand la droite ne veut rien comprendre à la domination masculine

Mon intervention au conseil régional sur le rapport CR 167-16 "Soutien régional à la lutte contre les violences faites aux femmes"

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A priori, nous ne pouvions que nous réjouir du fait que la région Île de France fasse de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité. Et pourtant, la lecture du rapport présenté par M. Karam nous laisse mal à l’aise. S’il énumère les violences auxquelles les femmes sont trop souvent confrontées et les conséquences que ces violences peuvent engendrer sur leur vie, il omet de parler de la domination masculine. Ce système d’oppression des femmes, d’aliénation de leur force de travail et de leur capacité reproductrice qui constitue nos sociétés occidentales fondamentalement patriarcales même si la longue lutte des femmes pour leur émancipation en a modéré ces dernières décennies les effets. 

Or, si la domination masculine trouve une de ses expressions les plus odieuses dans les violences que ce rapport dénonce et le féminicide, elle s’adosse à des représentations, des stéréotypes de genres et une violence symbolique dont il n’est jamais question ici voire que ce rapport nie. Comme lorsque vous écrivez : « les femmes sont 2 X et demi plus souvent victimes de violence que les hommes » ou qu’ « en 2013, 121 femmes sont décédées à la suite de violences conjugales contre 25 hommes » sans autre élément de compréhension. Comme si ces deux faces de la violence masculine étaient réductibles l’une à l’autre. Nous savons bien que la plupart de ces morts masculines sont le fait de femmes qui se défendent contre la violence qui leur est faite. Ce à quoi ce rapport aurait dû répondre, c’est pourquoi les hommes sont violents envers les femmes ? Est-ce que les hommes sont intrinsèquement violents ? Nous savons bien que non. 

Nous savons bien que la violence des hommes envers les femmes trouve son origine dans cet « inconscient androcentrique » qui fonde le patriarcat qui caractérise encore notre société. Nous voudrions ici appeler votre vigilance Mme la présidente. Si vous renoncez à vous attaquez non seulement à la violence masculine mais au système social et culturel qui la soutient et qui a pour nom la domination masculine votre politique risque de n’avoir qu’un effet marginal, à court terme. Et comme nous savons par ailleurs que vous avez baissé la subvention régionale au centre Hubertine Auclert, que vous baissez les subventions à plusieurs associations féministes et de défense des femmes victimes, que vous renoncez à l’adhésion de la région à d’autres, nous sommes inquiets. 

Mais notre malaise ne s’arrête pas là et nous nous étonnons de lire au milieu d’une énumération de faits très graves qui portent atteinte à la dignité des femmes, à leur intégrité physique et morale la mention : du « port du voile intégral forcé », comme si parmi l’ensemble des interdits vestimentaires qui contraignent les femmes celui-ci avait dans son principe quelque chose de plus scandaleux que les autres. Du coup, on se demande ce que cette référence explicite à un seul interdit vestimentaire signifie. Et nous sommes méfiants, parce que nous savons que l’image de la femme musulmane nécessairement opprimée par un mari incapable de la civilité de moeurs que réclame la galanterie (puisqu’il ne saurait s’agir en réalité d’égalité réelle) que nous aurions su cultiver en Europe est une image récurrente de l’imaginaire islamophobe dans notre pays dont nous venons d’avoir ici un exemple édifiant. 

Venons-en à ce que propose concrètement ce rapport : un engagement ferme de la région contre les violences faites aux femmes : nous l’approuvons. Par contre, pourquoi ouvrir votre appel à projet aux fondations et aux entreprises privées. La région dispose de leviers bien plus décisifs sans avoir à partager un budget déjà bien maigre entre acteurs associatifs inscrits dans un modèle économique non concurrentiel et non capitaliste et des entreprises privées inscrites au contraire dans l’économie de marché : la région pourrait décider de faire de la lutte en faveur de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes une condition nécessaire à l’obtention de marchés publics.

Pour conclure, je voudrais livrer à votre sagacité cette phrase de Pierre Bourdieu :

« La domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients que nous ne l’apercevons plus, tellement accordée à nos attentes que nous avons du mal à la remettre en question. Plus que jamais, il est indispensable de dissoudre les évidences et d’explorer les structures symboliques de l’inconscient androcentrique qui survit chez les hommes et chez les femmes. »

Voir aussi : http://elus-idf.eelv.fr

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