Lorsque nous avons appris ce jeudi que Macron venait de choisir « son » Premier sinistre en la personne de Michel Barnier, nous siégions alors dans l’hémicycle du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes pour décider du nouvel exécutif. Après le départ de Laurent Wauquiez, c’est finalement Fabrice Pannekoucke, fidèle parmi les fidèles du Seigneur des Panneaux, qui prend la suite. Le lien entre ces deux nominations ? Deux Savoyards adoubés en coulisse par un Wauquiez plus influent que jamais, avec dans le panier de la mariée les Jeux Olympiques d’hiver 2030. Sommes-nous encore en démocratie ? La question mérite d’être posée :
Tout ça pour ça donc ! Après des élections européennes périlleuses comme jamais, suivies dans la foulée d’une dissolution folle, décidée sans aucune concertation par un pervers narcissique ivre de son hubris dans son palais de l’Elysée, le peuple français s’est montré parfaitement responsable, contrairement à son principal dirigeant. Par deux fois, les urnes se sont exprimées lors des législatives anticipées de juin dernier, à la participation historique, avec deux messages extrêmement limpides : d’abord deux tiers des Français.es ne veulent plus de la politique menée par Emmanuel Macron depuis sept ans, ensuite deux tiers des Français.es ne veulent pas que le Rassemblement National accède au pouvoir. Résultat des courses, en nommant Michel Barnier à Matignon, le Président nie totalement ces deux demandes.
Michel Barnier a promis de « dire la vérité aux Français » ? Celle-ci est toute simple : la politique économique macroniste néolibérale, sous couvert d’un léger vernis keynésien pendant la crise du Covid, va continuer de plus belle au seul profit des entreprises du CAC 40 et au détriment de nos concitoyen-nes les plus précaires et de nos services publics progressivement démantelés. Et comme tous les Macronistes iront bien pantoufler dans le privé dès la fin de leur mandat, comme nombre d’entre eux le font déjà, leur intérêt de classe continuera d’être bien gardé[1].
Quels que soient les bavardages médiatiques en cours sur la « stabilité » et le « sérieux » de Barnier de la part de nos éditocrates de salon, bon nombre de nos compatriotes ont parfaitement conscience de cet état de fait, et leur colère est plus légitime que jamais. Mais ce qui semble bien se tramer en coulisse est sans doute encore plus grave et pathétique qu’il n’y paraît. Car il y a le forcené de l’Elysée et son déni démocratique, son « affront républicain » comme l’a si justement résumé Marine Tondelier[2], mais il y en a aussi un qui actuellement doit bien se frotter les mains, plus influent que jamais : notre régional de l’étape Laurent Wauquiez.

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« Savoie touch » et feu vert pour les JO d’hiver
Présent hier matin dans notre hémicycle régional pour adouber son poulain Fabrice Pannekoucke[3] et recevoir les panégyriques dignes de son rang, le Seigneur des Panneaux était ensuite dès 18h30 à Paris pour réunir les 47 député.es du groupe parlementaire qu’il préside désormais afin d’adouber également Michel Barnier[4]. Autant la possibilité de Xavier Bertrand à Matignon hérissait le poil wauquiste, tant les deux ne se supportent pas, autant le choix du savoyard Barnier comme Premier Ministre arrange bien les affaires de notre ex président de région se voyant déjà Président de la France en 2027. Car au-delà des positions politiques bien à droite toute de Michel Barnier, qui ne sont pas sans déplaire à un Wauquiez qui n’a cessé ces dernières années d’entretenir les passerelles idéologiques entre la droite et l’extrême droite[5], il y a surtout le Barnier savoyard, le chef d’orchestre des Jeux Olympiques d’hiver d’Albertville de 1992 (j’avais douze ans à l’époque). Et ça, c’est tout bénef pour la tenue des futurs Jeux Olympiques et paralympiques d’hiver 2030 (JOP 2030). La garantie financière débloquant le dossier des Alpes françaises 2030 va pouvoir être signée par un fin connaisseur des rouages de l’oligarchie olympique.
Quant à Fabrice Pannekoucke, notre nouveau patron de la région, lui aussi est une pièce essentielle dans l’irréversibilité de la tenue des JOP 2030. Maire de Moûtiers, capitale historique de la vallée de la Tarentaise, il est au plus près du Cluster Savoie où sera implanté un village olympique. Fervent défenseur des JOP 2030, il faisait d’ailleurs visiter les futurs sites au CIO en avril dernier. Avec Barnier à Matignon et Pannekoucke à la région, tout est en place pour les futurs Jeux, peu importe les périls économiques, politiques et surtout climatiques que nous devons affronter. Et les pros ne s’y sont pas trompés, en ne tardant pas à réagir très positivement[6].
Les JO de Paris 2024 ont offert à un Macron carbonisé une bouffée d’air politique estivale qu’il n’a eu de cesse d’exploiter. Sans nul doute, Laurent Wauquiez se projette déjà comme Président de la république en 2027 qui auréolera son futur quinquennat de la gloire attendue des JOP 2030. Quitte à prévoir une véritable armée de canons à neige pour lutter contre l’inéluctable chaos climatique.
Que faire ?
Et nous dans tout ça, pauvres mortels, me direz-vous ? Nous toutes et tous qui nous sommes déplacés en nombre pour faire à nouveau barrage républicain et dire non à l’extrême droite, elle qui aujourd’hui par l’unique « fait du prince » Macron est remise au centre du jeu ? Nous qui avons conscience de la catastrophe écologique globale en cours et réclamons enfin des changements structurels afin de garantir une planète vivable à nos enfants ? Nous qui nous battons contre un modèle économique psychotique basé sur toujours plus de destruction du vivant sur l’autel de l’argent, dont le modèle actuel des Jeux Olympiques constitue le paroxysme[7], quelle que soit par ailleurs l’admiration que l’on peut éprouver à raison pour les exploits sportifs de nos champion-nes ? Que peut-on et que doit-on faire ?
Résister, résister à l’air du temps et à ce sentiment de fatalité que tous ces « ingénieurs du chaos » rêvent de nous voir définitivement intérioriser. Et continuer de se battre pour des « jours heureux » à l’intérieur comme à l’extérieur des institutions. Politiquement, la juste réponse est celle du Nouveau Front Populaire (NFP), qui doit rester uni contre vents et marées et ne pas céder aux sirènes du pouvoir comme des querelles de chapelles. Ce NFP que nous avons fait vivre hier dans l’hémicycle régional en défendant une candidature unique de la gauche et des écologistes pour la région, avec l’ami Maxime Meyer[8].
La droite du Parti socialiste qui défendait l’option Cazeneuve ne doit jamais oublier qu’elle est à l’origine du monstre politique qu’est devenu Emmanuel Macron et qu’avant de relancer la machine à baffes, elle ferait bien de se livrer enfin à un vrai bilan des années Hollande. Tous les partis composant le NFP doivent bien avoir conscience que c’est désormais sur leurs épaules collectives et unies que repose l’avenir de notre démocratie, plus abîmée que jamais dans toute l’histoire de la Ve république.
Il faut donc désormais s’opposer dans la rue et ne pas cesser de proposer partout une toute autre voie, basée sur un programme très clair de changement radical, meilleur remède contre les batailles d’égo. Et la défense permanente de la démocratie, en se battant notamment pour un référendum sur la tenue de ces JOP d‘hiver 2030[9]. Alors rendez-vous ce samedi 7 septembre avec des manifestations prévues partout en France[10] « contre l’autocratie d’Emmanuel Macron », mais également contre ces jeux très dangereux auxquels se livre actuellement la droite française sous égide de Laurent Wauquiez.
Ne jamais oublier avec Romain Rolland que « Même sans espoir, la lutte est encore un espoir. »
Benjamin Joyeux

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[1] Lire par exemple : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/01/09/pantouflage-un-tiers-des-anciens-ministres-de-macron-ont-rejoint-le-prive_6157213_4355770.html
[2] Voir https://www.bfmtv.com/politique/michel-bernier-a-matignon-nous-sommes-passes-du-front-republicain-a-l-affront-republicain-reagit-marine-tondelier-les-ecologistes_VN-202409050862.html
[3] Lire à son sujet : https://www.mediacites.fr/breve/lyon/2024/09/05/un-savoyard-deja-epingle-par-les-magistrats-financiers-succede-a-laurent-wauquiez/
[4] Lire https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/la-droite-se-rejouit-de-la-nomination-de-michel-barnier-et-entend-peser-sur-la-suite-2117243
[5] Lire https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/21/en-auvergne-rhone-alpes-les-ecologistes-lancent-un-observatoire-du-wauquisme_6223188_823448.html
[6] https://c.ledauphine.com/skichrono/2024/09/05/jo-2030-michel-barnier-nouveau-premier-ministre-les-feux-sont-au-vert
[7] Lire notamment https://www.lecanardenchaine.fr/acheter-au-numero/dossiers/paris-2024/
[8] Lire https://ecologieaura.fr/cp-240904-candidatpresidenceregion-maximemeyer/
[9] Lire https://blogs.mediapart.fr/benjamin-joyeux/blog/061223/jo-2030-fuite-en-avant-autoritaire-sur-fond-d-effondrement-planetaire
[10] https://www.liberation.fr/politique/ou-et-quand-manifester-samedi-7-septembre-contre-le-coup-de-force-de-macron-20240906_QSU3RBUCIJCHLIABYPPJDTHVEI/