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Vous avez dû l’entendre maintes fois rabâché depuis le début de l’année : oui 2024 va être une année d’élections particulièrement déterminantes pour l’ensemble de la géopolitique mondiale ! Il y a les élections américaines bien sûr, ça tout le monde est au courant. Et on semble bien parti pour assister au match retour Biden-Trump.
Mais cette année, on va également voter partout autour du Globe, dans pas moins de 77 Etats à l’échelon national, soit un tiers des pays de la planète et près de 3 milliards de personnes[1]. Et tandis que tous les regards en nos contrées sont tournés vers l’Ouest américain, c’est de l’autre côté que nous ferions bien d’orienter la tête, car à l’Est il y a du nouveau : au printemps prochain auront lieu les élections législatives indiennes.
Un acteur géopolitique majeur
En effet, entre avril et mai 2024, les quelques 900 millions d’électrices et électeurs du Sous-Continent seront convoqués pour élire les 543 député.e.s membres de la 18e législature de la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement indien[2], et donc pour décider de la majorité politique qui dirigera l’Etat que l’on nomme la « plus grande démocratie du monde » pour les cinq prochaines années.
Mais tandis que nous suivons de très loin ces échéances, considérant encore l’Inde comme une destination folklorique pour touristes en quête d’expériences plus ou moins spirituelles, ou comme un simple nouveau marché prometteur pour les entreprises européennes, nous ferions mieux de sortir de ces paresseuses pantoufles idéologiques. Ce afin de regarder l’Inde pour ce qu’elle est : un acteur géopolitique majeur, pays clef dans la résolution de tous les grands enjeux du 21e siècle, qu’ils soient climatiques, économiques, démocratiques[3]… Et Etat dont les prochains résultats électoraux pèseront très lourds dans la balance de l’équilibre du monde. N’oublions pas que l’année écoulée, l’Inde est passé devant la Chine en devenant officiellement l’Etat le plus peuplé de la planète.
Le danger de la guerre globale contre l’Islam
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Pour le moment, on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment beaucoup de suspens car Narendra Modi est largement favori pour exercer un troisième mandat[4]. Or l’actuel Premier Ministre indien, élu depuis 2014 sur une ligne ethno-nationaliste autoritaire, partisan de l’Hindutva, l’idéologie suprémaciste hindou, constitue une véritable menace renouvelée pour l’ensemble des minorités indiennes, en particulier les musulmans.
En effet, avec plus de 170 million de fidèles, l’Inde est le 3e pays musulman de la planète après l’Indonésie et le Pakistan. Tandis que les partisans de l’Islam sont censés être protégés par la constitution indienne, ils sont pourtant de plus en plus marginalisés et stigmatisés par le parti actuellement au pouvoir, le BJP de Monsieur Modi[5]. Il faut dire que les très graves attentats ayant frappé plusieurs fois le Sous-Continent, revendiqués par des groupes terroristes islamistes en provenance du Pakistan[6], l’ennemi séculaire depuis l’indépendance, y ont beaucoup terni l’image de l’Islam. Et Modi surfe depuis des années sur le sentiment d’insécurité, à l’instar des extrêmes droites européennes, pour se donner une image de père protecteur de la nation indienne contre « l’ennemi musulman », de l’intérieur comme de l’extérieur. On comprend mieux au regard de ce constat pourquoi le pouvoir indien soutient actuellement Israël de façon inconditionnelle malgré toutes les horreurs perpétrées à Gaza, alors que le reste des grands acteurs de ce que l’on nomme le « Sud global », comme l’Afrique du Sud ou le Brésil, se montrent au contraire très critiques vis-à-vis de Tel Aviv[7].
Et c’est bien là que réside un immense danger, y compris pour le reste du monde. La victoire probable de Narendra Modi au printemps prochain, si viennent s’y ajouter d’excellents résultats pour les extrêmes droites aux européennes de juin 2024 et un retour de Trump à la Maison Blanche à la fin de l’année, confortera le pire des scénarios géopolitiques : celui d’une validation de la théorie du « choc des civilisations »[8] et d’une idéologie de guerre globale contre l’Islam particulièrement périlleuse.
De l’importance des prochaines élections indiennes
Tandis que le parti du Congrès et son leader Raul Gandhi, principal opposant à Modi, tentent le tout pour le tout à quelques mois des élections en lançant une nouvelle grande marche à travers le pays[9], nous ferions bien de surveiller l’Inde de près, non pas pour lui vendre des armes et des centrales nucléaires[10], mais bien au regard de notre bonne santé démocratique et de la sauvegarde de la paix à l’échelle mondiale. Espérons que nos grands médias, obnubilés par la présidentielle américaine, saurons tout de même se mettre à la page de la géopolitique du 21e siècle. Plus que jamais, nous sommes tous concernés par les prochaines élections indiennes. Car comme l’écrivait déjà au début du 20e siècle le grand poète indien Rabindranath Tagore : « Si l’Inde peut offrir sa solution au monde, ce sera une contribution pour l’humanité. »
Benjamin Joyeux
[2] Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Lok_Sabha
[3] Lire notamment https://www.cairn.info/revue-ecorev-2015-1-page-62.htm
[6] Comme les terribles attentats de Mumbai en novembre 2008 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaques_%C3%A0_Bombay_du_26_au_29_novembre_2008
[7] lire notamment https://fr.euronews.com/2024/01/15/israel-accuse-de-genocide-par-pretoria-qu-en-pense-le-reste-du-monde