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Journaliste indépendant et conseiller régional écolo, écologiste libertaire, altermondialiste et animaliste à tendance gandhienne.

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Billet de blog 23 janvier 2017

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Vers la fin de l'homme providentiel?

Et si les résultats du premier tour de ces primaires à gauche signifiaient la bonne nouvelle suivante: la fin du mythe de l'homme providentiel? Ça permettrait peut-être enfin d'en finir avec la puérilité de la politique française et de garder une toute petite lueur d'espoir, même infime, pour 2017:

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Illustration 1

Les résultats du premier tour des « primaires citoyennes » de ce dimanche 22 janvier 2016 constituent une très bonne nouvelle politique, ce qui, trois jours après l'intronisation officielle de Donald Trump comme POTUS (President of the United States), est toujours bon à prendre. Car les occasions de se réjouir en politique sont rares par les temps qui courent. Ces résultats sont une bonne nouvelle tout d'abord parce que les chiffres de la participation (on tourne autour de 1,5 millions de voix) sont suffisamment élevés pour que l'exercice ne constitue pas un bide absolu - bide qui aurait hypothéqué toute chance sérieuse de victoire potentielle d'un candidat estampillé « à gauche » face à François Fillon et à la fille Le Pen en mai prochain - et suffisamment bas (très loin des primaires de 2011 à 2,7 millions d'électeurs et surtout de la primaire de la droite de novembre dernier et ses 4,3 millions d'élccteurs au premier tour) pour que le Parti Socialiste ne se sente pas à nouveau pousser des ailes et soit obligé de composer avec tout le camp de la gauche et des écologistes dans les semaines qui viennent. Les chiffres de ce premier tour invitent donc à la modestie, au dialogue et au rassemblement futur de toutes celles et ceux qui ne se résignent pas à la défaite annoncée face à la casse sociale et au repli identitaire pour tous.

Et c'est une bonne nouvelle bien entendu parce que Benoît Hamon, avec plus de 36% des voix, arrive nettement en tête et est bien parti pour gagner le second tour de dimanche prochain face à Manuel Valls.

Mais pourquoi se réjouir d'une victoire de Benoît Hamon? Après tout, celui-ci est un pur produit du PS: assistant parlementaire en 1991 du député socialiste de la Gironde Pierre Brana, président du MJS dès 1993, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS) en 2003 avec Arnaud Montebourg et Vincent Peillon (tiens, tiens, deux de ses concurrents aux primaires éliminés hier), député européen de 2004 à 2009 (non réélu d'ailleurs, « grâce » ou « à cause » selon les points de vu de l'excellent score de Dany Conh Bendit dont la campagne de 2009 permit aux écologistes de passer devant le PS en Ile de France - époque où Hamon commence à saisir l'importance de la question écologiste?), deux fois ministre de François Hollande entre 2012 et 2014, donc tout de même comptable à son niveau de la politique calamiteuse du quinquennat qui s'achève, Benoît Hamon est ce que l'on appelle dans le langage courant un « apparatchik ». Un apparatchik d'une formation politique totalement responsable de la débacle actuelle de la « gauche » en ayant eu de cesse de ne pas respecter les engagements de 2012. Alors après tout, pourquoi ne pas se dire que tout ça c'est « bonnet blanc et blanc bonnet »1, et que cette « belle alliance populaire », ni belle ni populaire, doit retourner dans les poubelles de l'Histoire sans mériter de recevoir nos voix? Et bien parce qu'au-delà du PS et de la personne même de Benoît Hamon, ce sont les thèmes et le ton que lui-même et son équipe ont mis en avant pendant les trois dernières semaines écoulées qui sont primordiaux pour notre avenir à tous. Comme le disait très bien le désormais favori de ces primaires ce matin même sur France Inter, que ces derniers jours, un peu partout en France, on ait parlé de revenu universel, de conditions de travail, de transition écologique et de lutte contre les pollutions plutôt que de burkini et de déchéance de nationalité constitue sans conteste un progrès dans le débat public français. Qu'Hamon ne cesse de répéter qu'il ne se voyait ni en Président de la République ni en homme providentiel, mais en porte-parole de toutes celles et ceux qui voulaient vivre dignement dans une France plus démocratique, plus sociale et plus écologique, sur un ton modeste et bienveillant, est également un élément extrêmement positif. Ce rapport puéril au pouvoir entretenu par le système de la 5e république de l'attente de l'homme présidentiel-providentiel qui sera cloué au pilori dès le lendemain de son élection ne correspond plus aux enjeux de notre temps, locaux, nationaux, européens et mondiaux, intrinsèquement imbriqués les uns dans les autres et nécessitant une approche tranversale, collaborative et horizontale du pouvoir. Cela, Benoît Hamon semble l'avoir compris, et fait de lui un homme de son temps, bien plus qu'un Manuel Valls qui se présente en unique personnalité présidentiable de la « gauche », qui, avec ses petits bras musclés, sera à même de régler tous les problèmes de la France (qu'il n'a absolument pas réglés pendant ses deux années et demi à Matignon). Manuel Valls se présente comme le candidat du « vote utile » parce que lui seul serait à même de remporter la victoire finale. Mais pour en faire quoi au juste? Pour appliquer un programme libéral-autoritaire qui n'a plus rien de « gauche » comme ces dernières années, du chèque en blanc du CICE ayant servi à enrichir les actionnaires à la déchéance de nationalité en passant par la loi travail ou la volonté de poursuivre les travaux imbéciles de Notre Dame des Landes? Manuel Valls est le candidat du vote utile à la victoire inutile. Quitte à avoir un programme économique libéral, mieux vaut Macron qui lui au moins est sympatique, pro-européen et cosmopolite, résolument opposé à la stigmatisation des quartiers et à l'instrumentalisation de la laïcité à de basses fins politicardes. Personnellement, je préfère le « Nuit Debout des traders », pour reprendre l'excellente expression de Gaël Brustier, à un Manuel Valls arrogant qui n'est finalement qu'un « matamor de sous-préfecture » (pour reprendre une bonne expression de Marine Le Pen, qui elle n'est qu'une fasciste à Papa).

Rien que pour cette approche non providentielle du rapport au pouvoir, Hamon doit gagner, et largement, face à Valls. Et doit ensuite dès le lendemain de sa victoire, comme il l'a promis, dialoguer avec Yannick Jadot, avec Jean-Luc Mélenchon et avec Emmanuel Macron d'une possibilité de plateforme programmatique commune afin de pouvoir espérer n'avoir qu'un seul candidat susceptible non seulement d'être au second tour de l'élection présidentielle, que ce soit face à Fillon ou à Le Pen, mais qui plus est de gagner en mai 2017. Là évidemment c'est du domaine du rêve, mais l'utopie n'est-elle pas « la matrice de l’histoire et la soeur jumelle de la révolte », comme le dit José Bové?

Personnellement, étant écologiste, j'ai déjà pour la présidentielle un candidat estampillé bio 100% écolo dont la traçabilité est certaine en la personne de Yannick Jadot, mais risquant de se heurter au mur des 500 signatures, et qui plus est parmi les premiers à avoir plaidé il y a plus d'un an la nécessité d'une grande primaire de toute la gauche et des écologistes, Jadot lui au moins n'est pas guidé par un égo si démesuré qu'il se prendrait pour le prochain Président et ne se résigne pas non plus à voir la France dirigée pendant cinq ans par une droite revancharde ou une extrême droite dangereuse. Si les trois autres messieurs (car il n'y a malheureusement pas de femmes dans cette histoire, dont la triste ironie pousse à ce que ce soit l'extrême droite qui en présente une à la candidature suprême) pouvaient donc mettre leur égo de côté et commencer à rapidement dialoguer dès lundi prochain, il resterait pour tous les gens progressistes de ce pays une petite lueur d'espoir pour 2017. Et si on organisait rapidement une nouvelle primaire d'ici un mois pour les départager? Et si, encore mieux on tirait au sort parmi les quatre, ou alors on organisait une pétition signée par plusieurs millions de citoyennes et citoyens pour les obliger à s'entendre? Ou alors les quatre se retireraient pour se ranger derrière une femme qui aurait prouvé ces dernières années sa compétence à lutter pour l'intérêt général, genre Irène Frachon? J'arrête là car je rêve complètement derrière mon écran, mais c'est toujours plus agréable que d'imaginer en ce moment même Donald Trump se gratter les c... dans le bureau ovale en se demandant ce qu'il va pouvoir faire pour s'enrichir davantage sur le dos des Américains avant d'aller jouer les apprentis sorciers sur la scène internationale. C'est aussi pour ne plus avoir à revivre des délires du genre Donald à la Maison Blanche qu'il faut en finir une bonne fois pour toute avec le mythe de l'homme providentiel. Que Benoît Hamon et les autres impétrants gardent bien ça en tête.

1Expression utilisée dès le XVIIIe siècle, et popularisée par la phrase C’est blanc bonnet ou bonnet blanc, prononcée par le candidat communiste Jacques Duclos en 1969 au sujet de Georges Pompidou et Alain Poher qui s’affrontaient au second tour de l’élection présidentielle.

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