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Billet de blog 12 avril 2016

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Du voile à la lutte des classes : confusion et sentiments

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Débat sur la lutte des classes II le retour... Ce concept a été pertinent dans un monde où le capitalisme émergeait divisant les population entre ceux qui produisaient des richesses et ceux qui en profitaient. Aujourd'hui encore, la question se pose, mais en termes différents. Le monde a changé. Le capitalisme tel que Marx le théorisait n'existe plus. Désormais, c'est l'ultralibéralisme qui domine avec son corollaire qu'est la mondialisation qui ne permet plus de penser le monde de manière aussi binaire. Désormais, la question économique n'est plus celle du 19ème siècle. Il n'est donc plus possible de penser le monde en ces termes. Par ailleurs, je ne crois pas qu'on puisse résumer la personne à ses conditions économiques et sociales. C'est une de ses dimensions, mais nul ne peut s'y réduire. La personne est un ensemble complexe où s'agence des dimensions multiples. Réduire la personne à sa CSP est réducteur, comme toute lecture qui se résume à une de ces dimensions (idem pour la réduction de la personne à sa couleur, son sexe, son origine, son orientation sexuelle, etc.). A ce jour, j'ai tendance à penser que c'est plutôt toutes les formes de discriminations qu'il s'agit de contrer, toutes ces formes. C'est par l'acceptation de la différence qu'on pourra retrouver un élan collectif et non dans l'opposition des populations. Marx a des éléments intéressants et toujours d'actualité, mais pas tout. Comme toute théorie, il y a des choses à prendre, d'autres à revoir. Je ne peux pas adhérer totalement à une idéologie, toujours, il y a du tri à faire. Par ailleurs, je crois que dire aujourd'hui que la femme est le prolétaire de l'homme est un non sens. Cela a été vrai à un temps donné, désormais, c'est bien moins clair et net que cela. Quid des femmes qui battent leurs hommes, des hommes violés, des couples homosexuels....? Etre une femme n'implique pas d'être prolétaire. Etre un travailleur non plus. J'en veux pour preuve qu'un corps de métier autrefois très ancré et attaché à la notion d'égalité qui permet justement de s'émanciper de ses conditions de naissance (pour rappel Marx s'est inspiré de Robespierre et St just), à savoir le corps enseignant est aujourd'hui, dans sa grande majorité (à l'exception toutefois des enseignants spécialisés) du coté de l'idéologie dominante et de la reproduction des élites à partir de normes définies par elles, notamment sur la question du voile. Cette question est d'ailleurs symptomatique d'un monde où la différence n'a plus sa place. Elle divise avec violence signifiant ainsi que le problème n'est pas tant le voile (comme oppression ou comme émancipation), mais ce que chacun y voit, pensant par là qu'il peut penser à la place des autres, mieux savoir qu'eux (elles en l'occurrence) ce qui est bon ou non pour elles. Ce type d'opération intellectuelle est le plus dangereux à mes yeux. Nul ne peut présager des raisons des choix de chacun a priori, comme on le fait actuellement. Le vrai enjeu est de permettre à chacun d'accéder au statut de sujet de droit et de renforcer la notion d'égalité indépendamment de chaque origine sociale, de chaque conviction religieuse ou politique, de chaque culture, de chaque orientation sexuelle, etc. Si l'on veut reprendre les catégories marxistes, c'est plus sur le Lumpenprolétariat qui s'est amplifié avec la crise économique, qu'il s'agirait de s'attarder. Ce Lumpen si peu valorisé par le prolétariat marxiste justement faute d'avoir une utilité sociale reconnue, par manque d'organisation et de conscience politique, est aujourd'hui de grande ampleur. Ce Lumpen si longtemps délaissé par les politiques de tout bords justement. Ce Lumpen auquel personne n'a jamais demandé son avis, qui n'a jamais droit au chapitre, pour lequel on pense régulièrement justement estimant qu'il n'est pas digne de raison et de sens commun... Ce Lumpen qui n'a pas "choisi" sa classe justement.... Or, ce Lumpen, c'est l'intégralité des discriminés indépendamment de leurs convictions personnelles. Malheureusement, Daesh, comme le FN, ont mieux compris cela que nous et surfe très bien sur cette frange de la population. Le Lumpen c'est les jeunes (indépendamment de leur classe sociale, les sans voix, les chômeurs, les exclus...) C'est toutes les discriminations qu'il faut combattre et aussi celles qui touchent à nos propres impensés. Oui, je crois que le féminisme occidental (et non blanc), s'oublie dans une pseudo lutte contre la domination masculine qui serait nécessairement présent dans la religion musulmane. Quand Marx dit que la religion est l'opium du peuple, il déplore essentiellement la manière dont les institutions religieuses empêchent l'individu de penser par lui-même. Il ne remet pas en cause la conviction personnelle, mais la manière dont on ne permet pas aux individus de se faire un avis. Cela a été aussi le cas avec des idéologies politiques se revendiquant de Marx... C'est donc réducteur. le discours occidental qui n'interroge ni les ressorts de la croyance, ni les raisons de la colère actuelle de beaucoup de discriminés (et non de victimes), ni le fond de la crise actuelle du vivre ensemble (qui me semble être dans le refus de la différence, la peur de l'autre, la difficulté à penser l'altérité comme respectable absolument), fait de même. Je refuse qu'on me détermine et me catégorise comme femme uniquement, intellectuelle uniquement, bagnoletaise uniquement, blanche uniquement... Je suis complexe et nul ne peut me réduire à l'une de mes dimensions. C'est en vertu de cette complexité que je peux rejoindre les autres avec leur différence, avec leur point de vue différent du mien, mais que notre rencontre est possible. Ma CSP n'est rien face à ma liberté. Cette lecture me semble aujourd'hui occidencentrée, réductrice, peu efficace aujourd'hui. Cela n'enlève rien à mes convictions et surtout à la nécessité de dépasser ce type de clivage induit par des théories binaires. Si je porte un voile, suis-je moins femme pour autant? Si je parviens à gagner ma vie, suis-je moins consciente que les autres des nécessités existentielles? Si je suis blanche, ne puis-je pas comprendre et soutenir ceux qui ne le sont pas? Non, je refuse l'idée que tout homme est nécessairement sexiste, que toute femme est dominée et victime, que tout cadre soit nécessairement un oppresseur et quand je vois certaines actions de la CGT, j'ai mal... Le fascisme intellectuel prend des atours très différents et le brun n'est pas toujours là où on le croit... Je préfère aujourd'hui la pensée complexe à la pensée de classe, la phénoménologie au marxisme pur et simple, la rencontre à l'opposition, le débat à la guerre... Elle permet d'éviter de verser dans les théories du complot qui souhaitent voir Un responsable à tout les maux... Or, c'est plus complexe que cela...

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