Depuis hier matin, tout ce qui vient à la bouche de chacun reste vain. Pas de mots, trop tôt, trop d'infos. Une phrase tourne dans ma tête qui n'est plus à la fête: C'est la guerre. C'est la guerre. C'est la guerre, mais n'était-ce pas déjà le cas hier? Pourquoi n'avons nous rien pu faire? Est-ce vraiment une nouvelle ère? Ces hommes furieux ne sont ils pas aussi mes frères?
Je doute coûte que coûte pour rester sur ma route. Ma formation m'oblige à questionner mes passions. Non qu'elles soient mauvaises au fond, mais on m'a appris à situer leur torsion. Ne pas céder, ne pas plier, ne pas lâcher et surtout, raison garder, sans quoi, la haine va gagner. Malgré l'horreur, malgré la douleur, malgré la peur, c'est à mon coeur et ses valeurs que j'accroche mes pleurs.
J'ai des couleurs dans les veines, des odeurs qui reviennent et me rappellent comme étaient vaines les luttes armées contre la haine. On surmonte la colère par l'amour, telle est la leçon du jour. Mais pour en voir le bruit sourd, encore faut il se défaire de ses propres tours qui le maintiennent au fond de la cour.
C'est ce que mon histoire m'amène à croire, celle qui a institué mon savoir. Il nous faut boire la sève de l'espoir, qui est en soi un grand soir. Je l'ai testé pour ma part, éprouvé sur le tard, mais c'est ainsi que j'ai pu voir combien l'amour panse jusque nos dernières danses, quoi qu'on en pense.
Si ma grand-mère a survécu aux camps, si elle est revenue parmi les vivants, si elle a tenu pendant ce temps, ce fût notamment grâce à ses sentiments. En sauvant son entourage, elle a ouvert une nouvelle page qui l'a menée en cage. Etait-ce sage? Ce fût, ils l'ont eu, mais elle est revenue, grâce au souvenir de l'amour qui l'a tenue. De grâce, gardons trace de cette force tenace qui peut vaincre toutes les impasses et que rien n'efface quoi qu'il se passe.
Dire Oui à la vie, c'est aussi accepter les moments où nous l'avons définie à l'aune de nos acquis et non dans sa puissance créatrice. Pas celle qui pousse au vice, mais celle libératrice qui force nos matrices à inventer des interstices où le monde n'est plus si triste. Pourquoi avoir renié si fort nos propres tords? Comment n'avoir pas vu ce qui se tramait dans nos rues a grand renfort de discours incongrus et de déclarations mal venues?
Je refuse la fatalité qui n'est qu'une invention ratée. Nous avons le pouvoir de changer jusque nos destinées, ce n'est pas le moment de lâcher, mais il va nous falloir assumer, ce qui fait que nous en sommes arrivés à ce type de journée...
Si l'on avait incarné la fraternité malgré ses difficultés, malgré nos différence, nous aurions eu la chance d'avoir une autre France. Je voudrais qu'on se souvienne que nos enfants valent tous la peine qu'on s'intéresse à leur sort, qu'on les amène à être forts en acceptant leur tords. Non pour les excuser, mais pour les écouter, comprendre leur sens caché, voir comment cela doit nous interpeller et nous permettre de les guider.
Depuis une vingtaine d'années, le vivre ensemble est malmené. Pas nouveau, pas d'hier, déjà présent dans nos affaires et ce, depuis que l'on préfère l'individu au collectif, sans voir qu'ils sont interactifs. Si le premier est participatif, c'est bien qu'il n'est que fictif en dehors du collectif. Si ce dernier était un bloc unique, ce serait un système abusif. C'est par la diversité que chacun découvre sa place dans la société et peut ainsi s'y insérer. La laïcité n'est pas neutralité. C'est ici qu'il faut résister. Elle tient en la capacité d'une société de reconnaître à chacun le droit d'exprimer et d'éprouver sa liberté de penser, donc son intimité. Voilà, ce qui me semble avoir été oublié.
Si nous avions accepter qu'être société c'est aussi faire avec nos divergences et différences pour garantir à la France une chance de rester une référence en matière de conscience, alors certaines jurisprudences auraient eu moins d'importance.
J'appelle à ce que chacun fasse la part belle aux petits gestes habituels qui font de la vie réelle un monde que nous choisissons et non que nous subissons. C'est chaque jour que nous nous battons contre la haine et la division. Non qu'il s'agisse de parler à l'unisson, mais de reconnaître dans les déviations, le son de la démocratie en action.
Aimer autrui avant Paris, car c'est lui qu'il s'agit de protéger chaque nuit, quels que soient son avis. Ouvrir sa porte à la vie, celle qui nous attend ici, qui se dessine ici et s'épanouit dans la réunion des amis. Comprendre le prix du déni, celui qui fait fi de nos erreurs établies et nous précipitent dans l'infamie. Merci de dire Oui à la vie!
Billet de blog 15 novembre 2015
Dire oui à la vie, une urgence face à l'ignominie.
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