Le 28 janvier à 19h30, sortait une enquête menée par Lorraine de Foucher et Jérôme Lefilliâtre sur l’affaire qui oppose Nekfeu à la mère de son fils. Cette enquête fait suite aux révélations de l’avocate de madame début novembre dernier indiquant que sa cliente avait déposé plainte et se disait victime de violence psychologique, physique et sexuelle.

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Dans la foulée, l’artiste avait démenti par un communiqué signé de sa main, mais validé par ses avocats.

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S'en est suivi, une salve de tweets de soutien tant de la part des fans que de son entourage

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Le mode boysclub, tel que définit notamment par Martine Delvaux dans son livre Le Boysclub paru en 2021 aux éditions Payot s’est donc activé aussitôt laissant penser que madame serait folle et que lui serait la grande victime dans cette affaire, le tout sur fond d’instrumentalisation de l’intérêt de l’enfant (ce qui est considéré comme une violence sur lui).
En effet, il apparaît que Madame souffrirait (d'après les éléments de l'enquête du Monde) d'un syndrome de stress post traumatique et de souci thyroïdien qui peuvent agir sur son humeur. L'inserm définit les TSPT (troubles de stress post traumatique) ainsi :
"Les troubles du stress post-traumatique (TSPT) sont des troubles psychiatriques qui surviennent après un événement traumatisant. Ils se traduisent par une souffrance morale et des complications physiques qui altèrent profondément la vie personnelle, sociale et professionnelle."
Les symptômes de ce syndrôme varient selon les personnes mais peuvent être des symptômes d'intrusion (intrusions de souvenirs non sollicités pendant des cauchemars ou face à des situations rappelant de près ou de loin la situation traumatique, flashbacks réalistes où la scène traumatique est revécue) et d'évitement (mise à distance de situation évoquant l'évènement traumatique comme par exemple la phobie de certains lieux), des risques de dépression, d'amnésie traumatique (ne pas se souvenir de suite des faits), culpabilisation, peur panique, crise d'angoisse, etc ainsi que des troubles du sommeil et de l'attention.
De même, les symptômes de l'hyperthyroïdie ou de l'hypothyroïdie (agitation, anxiété, humeur changeante, difficulté à se concentrer, etc) peuvent tout à fait expliquer les éventuels doutes quant aux propos de la plaignante. Les victimes de violences (hommes ou femmes) présentent des troubles spécifiques qui pénalisent l’appréhension d’une vérité absolue simple et linéaire. C'est souvent la psychothérapie qui, au bout de plusieurs séances, permet de lever le voile sur la réalité vécue, une fois la relation digérée et l'emprise défaite.
La violence au sein du couple s'installe en effet, une fois l'emprise mise en place auquel le sentiment amoureux participe. L'emprise peut être définie comme "l'ascendance intellectuelle ou morale d'un individu sur un.e autre " que la psychanalyse définit comme une :
"Relation de domination, de manipulation et de maltraitance, utilisant la violence psychologique (dévalorisation, isolement de l’entourage, contrôle, menaces, etc.), voire la violence physique ou l’abus sexuel, en alternance avec des marques d’affection, ce qui a pour effet de vulnérabiliser une personne (conjoint, par exemple) et de la maintenir dans un état de dépendance psychologique et/ou matérielle."
Les éléments recueillis par les deux journalistes du Monde démontrent clairement cet aspect de la relation entre les deux amants, sachant que l'un des deux est une star reconnue et l'autre, une parfaite inconnue du grand public. La dyssimétrie joue ici clairement en faveur d'un rapport de force et de domination au bénéfice de l'artiste disposant tant du privilège masculin, que du privilège blanc, en plus du privilège de la notoriété.
Ceci étant, le choix qui a été fait par une bonne partie du public rap et des médias spécialisés d'abonder dans le sens de l'artiste en renforçant l'image d'une ex folle qui viendrait ainsi détruire la carrière de leur idole.

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Ce mythe de l'ex folle est pourtant une opération marketing bien connue pour qui veut garder la face après avoir abusé de la confiance d'autrui. Marion Dos Santos Clara en a fait un article pour Cosmopolitan qui explique :
"Le mythe de l’ex folle est tenace parce qu’il repose sur des stéréotypes misogynes bien ancrés : les femmes seraient moins en contrôle de leurs émotions, plus fragiles, incapables de faire usage de la raison."
Bref, comme d’habitude nous avons assisté à une opération de communication qui vise à inverser la charge de la responsabilité. Ce qui participe de ce que nous appelons dans les milieux féministes : "la stratégie de l'agresseur". Celle ci comprend plusieurs étapes résumées par le sigle DARVO (théorisé par Jennifer Freyd): «Deny, Attack, Reverse Victim and Offender» qui signifie en français : Nier, attaquer, et inverser les rôles de victime et d'agresseur. Cette stratégie s'appuie sur des comportements spécifiques où l'auteur.ice fait, par exemple, de fausses accusations contre la victime auprès des services de police ou de protection de l'enfance, accuse la victime d’aliénation parentale et se fait passer ainsi pour la victime.
Cette stratégie vise à masquer les violences commises en gardant le beau rôle et en cherchant à attirer la pitié de l'auditoire à soi par une focale sur sa situation personnelle (entre le ouin ouin et le moi moi quoi). C'est ainsi que l'image de bon gars de Nekfeu disposant d'un large capital sympathie tant dans le Rapgame que dans le cinéma, lui a évité toute remise en cause et assurer un soutien sans faille de son public et des médias rap. C'est ainsi aussi que depuis novembre, aucun doute n’a été exprimé ni de son entourage, ni des médias rap sur son innocence préservée outre mesure et accusant toujours plus (à l’instar des articles parus en ce mois de janvier dans Le Figaro) madame de mettre en danger son fils par la procédure engagée.
En effet, un enfant de trois ans et demi se retrouve malheureusement au milieu de tout cela. Mais qu'en est il de son intérêt ? Est ce d'avoir un père violent, ne serait ce qu'avec la mère ? En protection de l'enfance, la violence exercée sur le conjoint est désormais entendue comme une violence sur enfant, que cette violence soit physique ou non. Ce type de violence spécifique fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative a minima lorsqu'elle est signalée aux autorités et s'inscrit comme un facteur aggravant du danger sur l'enfant. Ainsi, mal parler de la mère de son enfant est déjà en soi une forme de violence qu'il s'agirait de ne pas minimiser. Mais apparemment, dans cette affaire, le problème viendrait de cette femme qui dit avoir été victime de violence et qui tente de s'en préserver ainsi que son enfant.
La victime présumée devient automatiquement coupable d'avoir osé dénoncer une personnalité publique. Forcément vénale, forcément folle, forcément menteuse. Le tout sur fond de sexisme alors même que cet artiste se présentait jusqu'alors comme exempt de toute suspicion en la matière, comme lors de ce plateau de Clique TV animé alors par Mouloud Achour ou dans cet article de Marie Claire où sous la plume de Juliette Hocheberg, il se présente comme ayant "ouvert les yeux" sur le sexisme.

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Pour rappel, les accusations mensongères existent mais représentent 2 à 8% des plaintes seulement.
Force est donc de constater à l'heure où les violences sexistes et sexuelles sont au coeur des débats que leur traitement reste superficiel. Les magistrats ne disposent pas des moyens suffisants pour la reconnaître, la démontrer et la condamner, et ce même si mardi soir l'assemblée adoptait une infraction de contrôle coercitif inscrite désormais dans la loi.
Théorisé par Evan Stark, sociologue des violences conjugales décédé en avril 2024, ce contrôle s'exerce à la fois sur les ressources et droits de la victime qui sont alors réduites drastiquement (versement d'un loyer ou d'une pension à l'autre, captation du salaire, interdiction de se rendre à tel ou tel endroit, privation des contacts avec les proches), une surveillance excessive et une limitation des activités de la victime par la culpabilisation notamment (interdiction du maquillage, d'avoir des amis de l'autre genre, de se rendre sans le conjoint à un événement, etc), contrôle allant jusqu'à des manifestations de violence (taper dans des murs, jalousie excessive et déplacée, mise en place d'outil de surveillance, etc.)
Tout ces éléments se retrouvent exactement dans l'article du Monde faisant de cette affaire un cas d'école en la matière. Si l'intérêt de l'enfant doit toujours guider les décisions qui le concernent, nous savons aujourd'hui que peu de situations de violence sont reconnues dans les tribunaux faute de preuves suffisantes et d'un rapport sacralisé à la "vie privée " en France. Autrement dit, l'intérêt de l'enfant n'est clairement pas de se retrouver au milieu du conflit entre ses parents, sans pour autant pouvoir être instrumentalisé pour nier les violences possiblement exercées sur la présumée victime.
Cette instrumentalisation est aussi une forme de violence puisque dénigrer l'autre parent en présence de l'enfant est passible de sanction par le juge aux affaires familiales selon l'article 388-1 du Code civil.
En somme, méfions nous des apparences et continuons de croire les victimes a priori et à dénoncer les boysclub, cela reste la meilleure méthode pour espérer un jour trouver une issue au système patriarcale qui se maintient plutôt bien en fait.