«Indignant», «députés harcelés», «ligne rouge dépassée», «méthodes qui rappellent l'époque nazie»... A en croire la presse et les dirigeants espagnols, c'est un véritable crime qu'ont commis les Indignés hier en tentant de bloquer l'accès des députés au Parlement catalan. L'opération, programmée depuis plusieurs semaines afin d'empêcher le vote du budget prévoyant de dures coupes dans la santé et l'éducation, s'est convertie en une exécution politico-médiatique du mouvement protestataire.
Les images de certains députés villipendés et arrosés d'eau ou de peinture par quelques manifestants, ou de certains autres insultés à leur entrée dans le Parlement sont passées en boucle sur la télévision, accompagnées de commentaires indignés. La députée socialiste Montserrat Tura, dont la veste a été maculée par une croix peinte en noir, a déclaré que ce geste lui rappelait des méthodes nazies. Mentionnons enfin l'image spectaculaire des membres du gouvernement arrivant en hélicoptère, digne d'une scène de guerre. La mise en scène était donc parfaite pour désigner les Indignés comme des ennemis de la démocratie.
Le président catalan, Artur Mas, certain que la légitimité était désormais de son côté a demandé aux citoyens de faire preuve de compréhension face aux images violentes qui pourraient être émises lors d'une éventuelle confrontation avec les manifestants. Felip Puig, ministre de l'Intérieur catalan, n'a pas boudé son plaisir et a déclaré qu'il était le seul à avoir compris de quoi il s'agissait le 27 mai lorsque la police avait violemment réprimé les manifestants. Depuis lors, il n'avait cessé d'argumenter que les agissements policiers se devaient à la violence des Indignés.
C'est à se demander si les images de violence n'étaient pas recherchées par Puig. S'il avait vraiment voulu éviter les agressions, il aurait certainement pu le faire. L'intention des Indignés était connue depuis longtemps, et un plan d'action pour les en empêcher était tout à fait réalisable.
Au delà des attitudes irresponsables de certains, quasiment rien n'est dit sur les 99% de manifestants pacifiques, sur la condamnation de la violence par le mouvement ou encore sur les détentions abusives - très peu de journalistes étaient présents lorsque, dans l'après-midi, la police a détenu trois personnes au hasard.
Mais surtout, les motifs de cette action ont été ignorés. Où est la remise en question des hommes politiques? Lorsque des milliers de personnes protestent aux portes du Parlement, villipendent les élus en leur disant "vous ne nous représentez pas", n'est-ce pas un signe? Pour reprendre un slogan du mouvement du 15 mai, la violence n'est-elle pas de gagner 600 euros par mois?