J'ai conscience d'ajouter ma pierre à l'amoncellement des louanges. "Les morts sont tous de braves gens" chantait Brassens.
J'avoue avoir admiré cet homme âgé débordant de fraîcheur, qui a consacré ses deux dernières années à donner une leçon de dignité et de lucidité et dynamiter le conformisme. Indignez-vous !
Dignité car en ces temps de crise économique où chacun prend des coups, on a tendance à garder "la tête dans le guidon". Il restera comme celui qui s'est efforcé de transmettre l'esprit de la Résistance.
Lucidité parce qu'en dépit des efforts considérables des lobbyistes israéliens pour nous inciter à "circulez ! Il n'y a rien à voir !", il soulignait la centralité du conflit israélo-palestinien, lieu symbolique sur la ligne de fracture entre pays développés et monde émergeant où l'humanité est bafouée.
À cet égard, on est fasciné par le flot d'ordures déversé sur lui. Ce résistant qui a osé critiquer publiquement la politique israélienne est traité comme un criminel par ses propagandistes. La célébration de la résistance au nazisme est suspecte à leurs yeux. Elle fait de l'ombre aux victimes juives dont ils exploitent sans vergogne la mémoire pour justifier l'oppression des habitants des Territoires occupés. De plus, elle peut susciter un parallèle avec la résistance palestinienne. De Taguieff à Millière, de Tarnero à Prasquier, tous les petits maîtres se bousculent pour placer chacun sa phrase qui tue. Ceux-là le haïssaient au point que c'en est réjouissant et trépignent devant les hommages.
- il aurait prétendu avoir rédigé la Déclaration universelle
des droits de l'homme.
- il aurait déclaré que l'occupation allemande en France
respectait les droits de l'homme.
- il serait un "faux juif"
- il aurait préconisé l'éradication des juifs d'Israël
et bien entendu les qualificatifs rituels : antisémite, terroriste etc
La palme à JSSNews, une officine proche du CRIF qui affiche crânement sa vulgarité : "Il puait des bras, il pue le mort" (il puait des bras ? Est-ce une allusion qui se veut désopilante à son patronyme Hessel homonyme d'aisselle ?). Après avoir lu le texte, prenez le temps de parcourir les commentaires des lecteurs. Les rares qui incitent les autres à un peu de décence ne récoltent que des insultes. Et pour finir, dégustez la vidéo montrant un sbire paradant face à Stéphane Hessel devant la caméra d'un compère, en lui posant des rafales de questions et en lui coupant la parole dès qu'il commence à répondre.
J'en ai honte pour les victimes de l'antisémitisme. Les vraies, ceux qu'on a poussés vers une chambre à gaz, pas les colons fanatiques et leurs soutiens qui sans aucune pudeur jouent les martyrs.
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En l'honneur de la Résistance, ces vers écrits par Paul Éluard en 1942 et rassemblés en 1944 par Francis Poulenc dans une cantate "Un soir de neige".
De grandes cuillers de neige,
Ramassent nos pieds glacés
Et d'une dure parole,
Nous heurtons l'hiver têtu
Chaque arbre a sa place en l'air
Chaque roc son poids sur terre
Chaque ruisseau son eau vive
Nous n'avons pas de feu
La bonne neige, le ciel noir
Les branches mortes, la détresse
De la forêt pleine de pièges
Honte à la bête pourchassée
La fuite en flèche dans le coeur
Les traces d'une proie atroce
Hardi au loup et c'est toujours
Le plus beau loup et c'est toujours
Le dernier vivant que menace
La masse absolue de la mort.
Bois meurtri, bois perdu d'un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d'asile, bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés
Un grand moment d'eau froide a saisi les noyés
La foule de mon corps en souffre
Je m'affaiblis, je me disperse
J'avoue ma vie, j'avoue ma mort, j'avoue autrui
Bois meurtri, bois perdu
Bois d'asile, bois mort
La nuit, le froid, la solitude
On m'enferma soigneusement
Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison
Autour de moi, l'herbe trouva le ciel.
On verrouilla le ciel, ma prison s'écroula
Le froid vivant, le froid brûlant m'eut bien en main