Une série de guerres lui permettent de conquérir un accès à la Mer Noire aux dépends de l'Empire ottoman entré en décadence dès le XVIIe siècle. La Crimée est prise par Catherine II en 1774. Quelques années plus tard, lorsque lui naît un petit-fils, elle le fait baptiser Constantin : elle rêve d'un couronnement à Constantinople que l'Empire russe aurait conquis d'ici là.
En 1812, la Bessarabie (aujourd'hui Moldavie) est annexée. Dès la deuxième moitié du siècle précédent, les européens, surtout les britanniques ont pris conscience du danger que constitue la puissance russe pour leurs propres intérêts. Ils s'opposeront à toute avancée supplémentaire. Au milieu du XIXe siècle, les Russes atteignent l'Amou Daria et s'approchent de l'Inde. Le Grand Jeu, un face-à-face géopolitique émaillé d'escarmouches diplomatiques et militaires les y opposera à la puissance britannique. La Guerre de Crimée en 1855 répond aux visées russes sur le Moyen-Orient. En 1876, les menaces occidentales bloquent dans les faubourgs d'Istanbul, l'armée russe accourue au secours des frères slaves des balkans.
Les éditions de l'Harmattan ont publié en 1996 une intéressante étude de Jean Pailler La ligne bleue des Balkans analysant les notes d'attachés militaires français au cours de cette crise. Trente-cinq ans à l'avance, certains d'entre d'eux dessinent l'engrenage des affrontements d'intérêts qui conduiront au premier conflit mondial.
Au-delà des visions impériales prêtées aux dirigeants russes et de ce qu'on peut légitimement penser de la vie politique dans ce pays, au-delà du verbiage analogue à celui employé naguère vis-à-vis de l'Irak et de la Libye avec les conséquences que l'on connaît : droits de l'homme, démocratie, expansionnisme russe, national-poutinisme, nazis ukrainiens, impérialisme, terrorisme, barbarie, il est utile d'identifier les intérêts bien compris des populations.
De toute évidence, la perte d'un débouché autonome sur la Mer noire – et d'une riche région industrielle dont les habitants sont en majorité russophones - enclaverait la Russie et ses 140 millions d'habitants, rendrait la valorisation de son activité économique dépendante de voisins hostiles eux-mêmes stimulés par l'aide l'occidentale et la repousserait vers les steppes avec un coût humain considérable.
La Russie est prête à la guerre pour défendre ce qu'elle juge être ses intérêts vitaux.
Et nous ?