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Billet de blog 8 mars 2012

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Lettre à Zohra D.

Elle a aujourd'hui soixante ans. Elle en avait cinq lorsqu'à Alger le 30 septembre 1956, la bombe posée au Milk Bar par cette jeune femme tue sa grand mère qui l'avait emmenée manger une glace et la prive de sa jambe gauche. Au total, onze morts et cent cinq blessés.

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Petite fille qui ne pleure pas sur ses douleurs, elle apprend vite à mener une vie presque normale et porte des pantalons à une époque où les filles doivent se montrer en robe ou en jupe. Plus tard, les prothèses modernes lui permettront les collants. Elle traverse comme en pays étranger, la douleur de ses parents et les regards compatissants posés sur la petite Dany du Milk Bar.

L'énergie que lui confère sa détermination à surmonter son handicap, lui donne une scolarité brillante, des études supérieures, une vie professionnelle. Elle fonde une famille et mettra au monde quatre enfants. C'est une femme dans le monde. Après les luttes pour la libération du Vietnam, elle s'engage dans le combat féministe. Aux antipodes de l'envahissante culture de la victime, elle se démarque du communautarisme mémoriel des "pieds-noirs [qui] se sont volontiers figés dans un monde historique désinformé qui nourrissait leurs rancœurs". Elle publie trois essais.

Et puis un jour, parce que tout remonte un jour à la surface, elle s'engage sur la trace de sa poseuse de bombe. Arrêtée pendant la bataille d'Alger, emprisonnée en métropole, Zohra D a été libérée à l'indépendance et a mené une carrière politique dans les allées du pouvoir algérien. Elle entreprend la rédaction de cette lettre. Ça ne va pas sans peine, car cette recherche fait resurgir des tumultes enfouis.

Je vous laisse découvrir par vous-même ce regard pénétrant, sans complainte ni complaisance qu'elle pose sur l'Histoire et sa poseuse de bombe. J'aurais trop peur par des platitudes, de réduire le plaisir de ce texte riche et limpide, qui se lit vite mais qui reste en bouche.

Danielle Michel-Chich, Lettre à Zohra D. Flammarion, février 2012, 104 pages, 12€

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