La campagne orchestrée depuis plus de six mois par l'Église catholique et l'UMP sous le regard ébahi de la France et de la presse étrangère est en train de récolter ses fruits pourris. Que les agresseurs des jeunes homosexuels du XIXe arrondissement soient militants de groupes intégristes ou bien simples voyous, ils se sont sentis implicitement légitimés par la Manif pour tous pour sévir au nom de la morale chrétienne, contre une minorité stigmatisée.
Pour éviter d'apparaître comme une force politique, l'Église catholique se camoufle derrière des dizaines d'associations, inexistantes pour une grande partie d'entre elles. L'accent mis sur la spontanéité ne trompe toutefois personne : l'imposante mobilisation de 300.000 manifestants et de 700.000 signatures n'a pu s'appuyer que sur une puissante logistique.
En dépit de l'affichage partouzeur et gay friendly de quelques dirigeants et de leurs protestations démocratiques et non-violentes, ces gens-là ne tolèrent aucun débat autour de leurs affirmations. Le vice-président de la commission des lois du Sénat est attaqué en diffamation pour avoir qualifié cette campagne d'homophobe.
Comment le nier pourtant, lorsqu'ils martèlent que les homosexuels veulent pouponner pour leur propre confort, au mépris de l'intérêt d'enfants dont ils seraient incapables d'assurer l'épanouissement ? Comment ne pas considérer que dans l'esprit des opposants au Mariage pour tous, ces homosexuels prêts à sacrifier en connaissance de cause la santé mentale des enfants dont ils réclament la garde, souffrent d'une altération du sens moral ? Il n'est même pas nécessaire d'assister au défilé des momies intégristes de Civitas, agitées d'une "Sainte colère", ni même du Front national pour lequel le désir d'enfant des homosexuels s'apparente au besoin d'animaux de compagnie. Ceux-là exhibent fièrement des fantasmes que les autres masquent sous un verbiage psychanalytique.
Ils veulent ignorer quarante années d'homoparentalité scrutée dans plusieurs pays par des dizaines d'études de terrain qui révèlent des enfants aussi épanouis que les autres. L'absence d'une polarisation sexuée de leurs parents que quelques charlatans médiatisés affirment tellement nécessaire au développement de l'être profond de ces enfants, ne les affecte pas. C'est sans doute pourquoi les scénarios catastrophes à habillage psychologique ont été mis de côté depuis quelques semaines au profit d'une abstraction bricolée pour l'occasion : le Droit de l'enfant à une filiation maternelle et paternelle. En adoptant ou en mettant au monde des enfants condamnés à voir penchés sur eux deux mères ou deux pères, le couple homosexuel violerait le droit de l'enfant à se construire devant une parentalité inscrite dans la dualité procréative. Avec quelle conséquence ? Aucune si l'on en croit les études évoquées plus haut.
Derrière l'homophobie, la réaction politique
Voilà plus de six mois que l'Église catholique, l'UMP et leurs organisations-écran mènent une campagne de plus en plus intolérante et violente. Le semblant de clivage entre "libéraux" et "intégristes" ne doit pas faire illusion. Ceux-là ne divergent que sur le style. Nous sommes en face d'une entreprise politique.
Après des décennies de crise économique et sociale qui s'approfondit en ce moment même et débouche sur une crise morale, les homosexuels sont des cibles faciles. Et la dramatisation dans le langage et la scénographie choisie par les opposants résonne comme un appel à la violence.
De ce point de vue, la manifestation du 24 mars a été une première en France. Ce dimanche-là, les organisateurs ont encouragé les manifestants à venir avec leurs enfants puis ont délibérément provoqué les réactions policières en forçant les barrages pour accéder Avenue des Champs-Élysées. Quel résultat recherchaient-ils en plaçant de jeunes enfants au cœur d'affrontements violents avec la police ? Quelle dramatisation avaient-ils programmée ?
La Manif pour tous se transforme sous nos yeux en chasse à l'homme : harcèlement des responsables politiques, déprédations et agressions violentes.
Ce mercredi à 20 heures, plusieurs organisations
appellent à manifester contre les violences homophobes
sur le parvis de l'Hôtel de ville de Paris.