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Billet de blog 11 janvier 2014

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La quenelle comme modèle existentiel

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Jeudi dernier, deux élèves exclus d'un lycée francilien pour une quenelle en public. C'est grave "l'Apologie de crime contre l'humanité". C'est grave ce qui s'accélère en France depuis quelques semaines.

Il y a une dizaine d'années, j'avais été sidéré par l'exclusion d'un garçon du lycée de Montreuil pour des âneries proférées au cours d'un voyage à Auschwitz. Un de ses camarades avait écopé d'une exclusion de deux semaines pour posture désinvolte.

On ne court pas dans l'enceinte d'Auschwitz !

Je pensais à l'époque qu'il aurait été plus juste de sanctionner un professeur conduisant ses élèves à Auschwitz sans être capable de leur faire comprendre le sens de sa démarche.

Mais quel est-il donc, le sens de sa démarche ?

Il y a un peu plus de deux ans, j'avais ici même fait état de mes doutes quant à "l'enseignement de la Shoah" après lecture d'un numéro de la Revue d'histoire de la Shoah.

- pour les rédacteurs de cet ouvrage de 700 pages, des
   enseignants du secondaire fortement impliqués, cette
  "matière" pour laquelle ils revendiquent une autonomie
   conceptuelle par rapport au cours d'histoire, était une
   évidence sur laquelle ils ne prenaient pas la peine de
   s'interroger. Pour le seul qui s'y essayait explicitement,
   la démonstration ne dépassait pas le titre de sa
   contribution.

- quelques uns ne cachaient pas que cet enseignement
   prend place dans le combat idéologique autour du conflit
   israélo-palestinien et l'un des textes - mis en ligne sur le
   site du Ministère de l'Éducation nationale - est
   ouvertement raciste.

La visite à Auschwitz qui sans doute pour ses promoteurs, immunise contre la barbarie, fonde une nouvelle barbarie si on en croit les admirateurs de Dieudonné interviewés par le Monde il y a quelques jours.


Cette « sacralisation » contestée de la Shoah, les amateurs de Dieudonné la font remonter à leurs cours d’histoire à l’école, dont ils gardent un souvenir pesant. « On nous en parle depuis la primaire, soupire Nico. A 12 ans, j’ai vu un film où des tractopelles poussaient des cadavres dans des fosses. Nous subissons une morale culpabilisatrice dès le plus jeune âge. » Une culpabilité qu’il aimerait laisser aux générations précédentes et dont il cherche à se libérer par le rire. Les spectacles de Dieudonné agissent comme un puissant exutoire et une tentative de corriger par l’outrance ce « déséquilibre » perçu dans l’enseignement des crimes racistes.
(...)
Pour certains jeunes issus de l’immigration, cette transmission de la mémoire à l’école est même vécue comme une « hiérarchisation des racismes ».


Qu'il y ait une hiérarchie des racismes est une évidence. Certains de ceux qui parlent fort aujourd'hui contre l'antisémitisme de Dieudonné soutenaient bruyamment Robert Redeker il y a quelques années au nom de la liberté d'expression, en balayant d'un revers de main les accusations de racisme portées contre lui. Un livre regroupant leurs contributions* avait même été publié par le Président de la LICRA.

Bien entendu, on ne peut exclure que l'invocation d'un "rire libérateur d'une culpabilité subie", soit une création rétrospective par ces derniers de la genèse de leur admiration pour Dieudonné. De plus, leur idole ne se résume pas à une indigestion de "Shoah", mais désigne "le sionisme" comme exutoire d'une contestation sociale et générationnelle.

Comme toute extrême-droite raciste.


* Patrick Gaubert, Combattre l'obscurantisme, Ed Jacob-Duvernet,
    mars 2007

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