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Billet de blog 15 juin 2015

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La famille Bach, deux siècles de musique

Présents en Thuringe depuis le XVIe siècle, les Bach sont meuniers, boulangers, tisserands, charpentiers, greffiers et pratiquent la musique en amateurs. Les plus talentueux sont musiciens municipaux, cantor dans une paroisse, maîtres de chapelle chez un prince. En eux s'incarne le rôle central de la musique en pays luthérien.

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Goethe dira un jour en pensant à Jean-Sébastien Bach :

"Quand les familles se maintiennent longtemps, on peut remarquer que la nature finit par produire un individu qui renferme toutes les qualités de ses ancêtres et qui montre réunies et complétées toutes les dispositions jusqu'alors isolées et en germe".

Illustration 1
Le château de la Wartburg à Eisenach

Pays de forêts au centre de l'Allemagne, la Thuringe est l'un des berceaux de la Réforme. Martin Luther y a passé une partie de sa jeunesse et c'est dans le château de la Wartburg qui domine Eisenach où naîtra Jean-Sébastien Bach, qu'il est mis à l'abri en 1521 par l'Électeur de Saxe après son excommunication et sa mise au ban de l'Empire et c'est pendant cette retraite qu'il traduit la Bible en allemand.

La proximité du fidèle avec le texte sacré désormais accessible en langue vernaculaire, doit fonder une relation étroite avec le Christ. Si l'homme n'est plus au centre de la création depuis la révolution copernicienne, le baroque privilégie la personnalisation de la relation avec la divinité et met en avant le pathétique de la condition humaine.

La musique est mise au service du texte et certains auteurs évoquent une rhétorique musicale. Elle est consolatrice, dispensatrice de paix intérieure et d'harmonie sociale. Aussi est-elle au cœur de la vie liturgique.

Le jeune luthérien apprend la musique en famille ou à l'école. L'adolescent se perfectionne auprès d'un maître. Le jeune homme qui se destine à la profession musicale peut parachever sa formation à l'occasion d'un séjour dans une grande ville comme Hambourg, qui acclimate les nouveaux courants musicaux.

Illustration 2
Nicolas Tournier (1590 - 1639), le concert

Stimulée par la Contre-réforme catholique, l'Italie constitue à l'époque baroque le centre de la vie artistique européenne tant en architecture qu'en peinture et en musique. On y invente la plupart des nouvelles formes musicales et les compositeurs trouvent auprès des puissants, les protections qui leur permettent de financer leurs réalisations. Les quelques musiciens allemands qui comme Schütz et plus tard Haendel bénéficient de la protection d'un prince, peuvent envisager le voyage d'Italie pour travailler au contact des maîtres et entamer une carrière fructueuse.

Dans l'ensemble, la famille Bach reste dans un rayon de cinquante kilomètres. Jean-Sébastien s'aventurera en 1705 dans un voyage pédestre de 300 kilomètres jusqu'à Lübeck pour rencontrer Dietrich Buxtehude, l'un des maîtres de l'époque.

Le début du baroque est profondément marqué par la Guerre de Trente ans. Entre 1618 et 1648, pour des enjeux liés au contrôle politique et religieux de l'Allemagne, les armées impériales, suédoises et françaises en ravagent le territoire et les habitants. Selon certaines estimations, la population aurait reculé de 40% et dans certaines contrées, des deux-tiers. Un conflit qui hantera jusqu'au vingtième siècle, la conscience politique allemande. On en trouve la marque dans le motet Unser Leben ist ein Schatten composé par Johann Bach, un grand-oncle de Jean-Sébastien.

Je sais bien que notre vie n'est souvent qu'une brume
car ici à chaque instant, nous sommes entourés par la mort

Illustration 3
Jacques Callot (1592 - 1635), les misères de la guerre

o

À la mort de son époux en mars 1695, la veuve de Johann Ambrosius Bach appuyait en ces termes, une demande d'aide adressée au bourgmestre et au conseil d'Eisenach :

"[…] et à Arnstadt également, il est arrivé qu'après la mort de Monsieur Johann Christoph Bach, musicien municipal de cette ville […] le noble seigneur et comte de ces lieux demanda gracieusement à sa veuve s'il n'y avait pas un autre Bach disponible qui aimerait solliciter ce poste, car il souhaitait et voulait encore un Bach mais cela ne se pouvait pas, car le Bon Dieu avait tari la race musicale des Bach depuis quelques années".

La race n'était pas tarie, mais la nouvelle génération se faisait attendre. Âgé de dix ans, le plus jeune fils de Johann Ambrosius débutera huit ans plus tard comme organiste à Arnstadt, avant de faire connaître son nom par-delà les océans et les siècles.

La présence des Bach est attestée en Thuringe depuis qu'au XVIe siècle, fuyant semble-t-il les persécutions religieuses en Hongrie, Veit Bach meunier, boulanger et joueur de cistre s'installe à Wechmar près de Gotha.

Illustration 4
Hans Bach

Également boulanger, Son fils Hans (1550-1626) devient Stadtpfeifer soit "fifre municipal" chargé des annonces et de l'animation musicale des manifestations officielles. Il apporte son concours aux musiciens dans plusieurs villes voisines. Johann (1604-1673) son fils aîné, est directeur des musiciens municipaux à Erfurt et un compositeur apprécié. Son frère Christoph (1613-1661) est musicien au service du prince de Weimar, puis à Arnstadt. Le cadet Heinrich (1615-1692) est organiste à Arnstadt et compose une œuvre abondante dont la plus grande partie est perdue.

Fils de Christoph, Johann Ambrosius est musicien de la ville et de la cour d'Eisenach. Il entreprend le recensement des musiciens de la famille et de leurs œuvres, que son illustre fils mènera à son terme et que poursuivra son petit-fils Carl Phillip Emmanuel.

Illustration 5

Ses cousins Johann Michaël et Johann Christoph sont respectivement, greffier municipal et organiste à Gehren et musicien de la chapelle ducale à Arnstadt. Ce dernier est considéré par Jean-Sébastien comme le plus profond des compositeurs de la famille. Maître de Chapelle à Meiningen, Johann Ludwig (1677-1731) est un cousin éloigné de Jean-Sébastien. Celui-ci nourrissait une profonde admiration pour cet aîné de huit ans dont il a longuement étudié et recopié ses œuvres.

Illustration 6
Un pays de forêts au centre de l'Allemagne

On recense 90 musiciens dans la famille entre 1600 et le milieu du XIXe siècle. Ils ne sont pas tous Jean-Sébastien, mais comme on peut l'entendre ci-dessous, l'inspiration ne leur fait pas défaut et on peut se demander si la notoriété de certains d'entre eux profite de leur parenté avec le cantor de Leipzig ou bien au contraire, s'ils souffrent de la grande ombre qu'il étend sur eux.

Quelques interprétations :

Le baroque ancien

Johann Bach (1604-1673)
Unser Leben ist ein Schatten
Sei nun wieder zufrieden, meine Seele

Le baroque moyen

Johann Christoph Bach (1642-1703)
Lieber Herr Gott, wecke uns auf
Der Mench von weibe geboren
Der Gerechte

Johann Michael Bach (1648-1694)
Unsere leben wëret seibenzig Jahr
Sei lieber Tag, willkommen

Le baroque tardif

Johann Ludwig Bach (1677-1731)
Unsere Trübsal
Das ist meine Freude

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Ich lasse dich nicht

Voir sur Wikipedia une liste des membres de la famille 

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