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Billet de blog 16 octobre 2012

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Qu'il était beau mon foulard islamique !

C'était il y a une douzaine d'années, je conduisais mes enfants visiter la Galerie de l'évolution du Jardin des Plantes et vous le savez, la Grande Mosquée de Paris est en face. Passe devant moi un jeune homme en djellaba blanche, parlant avec force gestes, le visage radieux semblant refléter le plaisir procuré par la conversation de sa compagne, une ombre noire, pas même la fente pour les yeux.

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J'avoue être resté interloqué devant cet accoutrement que je pensais confiné aux régions reculées d'Asie. J'avais gardé quelques souvenirs du débat qui avait débuté au lycée de Creil à la fin des années quatre-vingt et dont la provocation n'était pas absente, certaines filles s'affirmant en avant-garde d'un groupe stigmatisé. Le foulard que coiffent une partie des femmes musulmanes est un artifice vestimentaire de l'ordre de la convenance et la focalisation sur l'affichage "islamique" n'est pas dénuée de fantasme. Quand j'étais jeune, les femmes sortaient un foulard noué sous le menton. La burqa est d'un autre ordre, un obstacle à la reconnaissance de l'individualité de celle qui s'y cache derrière lequel on peut difficilement se retenir d'imaginer la paranoïa du mari.

"Petite brune enroulée d'un drap"

Une société se structure autour de la production et de l'échange des personnes et des biens. La maîtrise des alliances matrimoniales reste souvent un enjeu central pour le groupe, avec une dimension particulière lorsque celui-ci cherche à prendre pied dans une société d'accueil. Le cantonnement des femmes dans la sphère domestique et le contrôle de la conjugalité sont le lot commun de toutes les sociétés à certains stades de leur développement, que toutes les religions ont peu ou prou recouvert de leur autorité. Si elle a perdu une grande partie de son emprise, l'Église catholique continue de s'inscrire dans une société patriarcale. Après avoir dans les années cinquante, menacé d'excommunication ceux qui pratiqueraient l'accouchement sans douleur, elle continue de condamner la contraception, s'oppose à la libéralisation de l'avortement et se positionne en retrait dans les débats relatifs aux mœurs. Est-il besoin d'évoquer ces juifs orthodoxes qui chaque matin, remercient Dieu de ne pas les avoir fait femme ? Dans notre pays dont les femmes n'ont voté qu'en 1946, les alliances matrimoniales ont longtemps été étroitement contrôlées et la femme mariée était formellement soumise à son mari jusque dans les années soixante (retrouvez un vieux Code civil). Une liaison hors mariage conduisait à la catastrophe en cas de grossesse (relire La lessive de Jacques Prévert), les "filles-mères" subissant souvent une quasi-mort sociale.

Lutte des femmes et dynamisme social

Les progrès dans la position sociale des femmes résultent de leurs luttes et aussi d'évolutions moins visibles qui accompagnent le développement économique et social. À cet égard, le poids des forces rétrogrades dans l'Islam reflète plus les retards de développement accumulés depuis la fin de l'époque classique et l'effort pour les combler, que l'empreinte spécifique de cette religion.

Le discours suscité par le statut des femmes et l'aptitude à la démocratie des sociétés musulmanes laisse à plusieurs égards l'impression d'un piège rappelant le soubassement idéologique de l'entreprise coloniale. On peut difficilement ignorer que derrière ce militantisme pour la libération de "leurs femmes", se profile dans un monde occidental lui-même étreint de doutes quant à son propre modèle social, une stigmatisation des immigrés diabolisés pour leur inaptitude supposée à la laïcité et à la démocratie, doublée de la mise en condition de l'opinion en vue d'un affrontement pour l'accès aux ressources pétrolières.

La liberté individuelle confère un évident dynamisme social et son corollaire, la disparition des solidarités et de la sécurité qu'elles offrent. Le fait que dans la grande galerie de l'évolution, on semble aller de la société traditionnelle vers un modèle individualiste initié par le mouvement des Lumières n'implique toutefois pas de rejeter les sociétés moins développées dans la sphère criminelle. Ces sociétés évoluent d'ailleurs plus vite qu'on le pense. En 1980, les femmes iraniennes donnaient naissance en moyenne à sept enfants. Après trente ans de Révolution islamique réputée les avoir plongées dans le servage sexuel, la fécondité iranienne est tombée au niveau de la fécondité française tandis que les filles entrent massivement à l'Université. Il en est de même à des degrés divers dans une majorité des pays musulmans, ce qui tend à prouver que dans le franchissement de certaines étapes du développement, la conquête de l'avenir passe par une réappropriation du passé.

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