Ce 20 juin, le Monde consacre un article à une animation proposée aux touristes dans une colonie de peuplement de Cisjordanie occupée au sud de Jérusalem : les visiteurs en quête de sensations peuvent s'offrir d'excitantes simulations de combat contre le terrorisme avec tir sur cibles, construction d'un plan de défense contre l'ennemi et participation à des opérations de gestion d'attaques terroristes avec prise d'otage.
"Nous combinons ainsi les valeurs du sionisme avec l'excitation et la jouissance du tir [...]" expliquent les organisateurs...
Venu en famille de Miami, " Brian, un adolescent de 14 ans, un faux pistolet à la main, s'entend dire par le guide : "Ta maman ne sera pas là pour te protéger, donc conduis-toi comme un homme. Es-tu prêt à attraper un terroriste ?" "Oui, je suis prêt", rétorque Brian.
On peut dédramatiser en arguant de la similitude avec d'innocents jeux d'aventure, organisés en différents lieux du globe. C'est négliger la gravité d'une "activité ludique" qui vise non pas un ennemi imaginaire, mais les Palestiniens habitant non loin de là, progressivement spoliés de leurs terres, notamment sous l'action des colons organisateurs de cette activité touristique et dont la lutte contre l'oppression est méthodiquement qualifiée de "terroriste" ? Les Israéliens ne sont pas les premiers à déshumaniser ainsi leurs victimes afin d'en légitimer le meurtre. Mais le fait que cela se passe sous nos yeux, dans un état qui se veut le fer de lance de l'occident démocratique face à la barbarie arabe, en aggrave la signification.
Pour le CRIF qui réagit deux jours plus tard, la publication de cet article réprobateur place le Monde au cœur de la nébuleuse antisémite et la rédactrice de l'article, parmi les carriéristes sans scrupule. Conformément à la vision paranoïaque dans laquelle il s'efforce d'enfermer les juifs, la moindre critique de la réalité israélienne aurait comme objectif de flatter un public français décrit comme avide de représentations antisémites. Une organisation attachée aux valeurs démocratiques et humanistes aurait pourtant tenu à se désolidariser de telles pratiques, au prix de quelques paroles lénifiantes. Son attachement particulier pour Israël ne rend pas le CRIF comptable de tout ce qui s'y passe.
Ce genre de scrupule lui est toutefois devenu étranger. Soucieux de respectabilité il y a encore quelques années, le lobbying israélien s'est radicalisé et ne recule plus devant les commentaires racistes[1] accompagnés d'une vulgarité sans retenue.
[1] http://blogs.mediapart.fr/blog/berjac/281011/la-race-blanche-est-de-retour