Le racisme anti-immigrés resurgit à intervalle régulier depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, s'attaquant aux "envahisseurs" du moment. Les Italiens, Belges et migrants des régions françaises ont été relayés par les Juifs dès les années 1880, rejoints par les Espagnols et les Polonais dans l'entre-deux-guerres. Le racisme s'est depuis lors reporté sur les Noirs, Arabes et autres Musulmans en leur dessinant un portrait de populations rétrogrades, puisant dans leurs textes religieux la source d'une ambition dominatrice, analogue à celui du Juif d'avant-guerre(1).
Plus récemment, il traduit en termes raciaux, les bouleversements à l'œuvre au plan mondial. Venant après la guerre du Vietnam et l'Apartheid en Afrique du sud, le conflit israélo-palestinien, trace sur le plan géopolitique et symbolique, la ligne de front entre l'occident et le tiers-monde.
Certains signes font état d'une confluence de ces courants.
Chef dans les années 1990 du Parti de la Liberté (FPÖ) principale force d'extrême-droite autrichienne, Jörg Haider affichait sans complexe son admiration pour les nazis. Son actuel successeur Heinz-Christian Strache a visité le Mémorial Yad-Vashem début décembre 2010 après un passage - officieux - au Parlement israélien en compagnie de Filip Dewinter, dirigeant du Vlaams Belang belge(2). Avec d'autres représentants de la droite radicale européenne, ils participaient à un colloque consacré aux "stratégies contre le terrorisme islamique" animé par une organisation israélienne d'extrême-droite. La rénovation en cours au Front national semble devoir jeter par dessus bord les vieux thèmes d'avant-guerre et l'engager sur un chemin analogue. Ces grandes manœuvres préfigurent une nouvelle mutualisation de ces différentes composantes de l'extrême-droite, reposant sur la similitude de leurs visions raciale et géopolitique et leur réintégration dans une droite européenne radicalisée.
L'extrême-droite israélienne a élaboré un prêt-à-penser pour ce petit monde.
En 2006, Giselle Littman alias Bat Ye'or, décrivait dans Eurabia un vaste complot visant à soumettre l'Europe au monde arabe(3) par le canal du dialogue culturel euro-méditerranéen. Ces élucubrations dont l'analogie avec les constructions antisémites d'avant-guerre est frappante, étaient vantées par le CRIF(4), de même que celles de Pierre-André Taguieff, propagandiste spécialisé dans le recyclage comme antisémitisme de toute critique adressée à la politique israélienne. Ce dernier a récemment imaginé d'assimiler les accusations de crimes de guerre à l'égard de l'armée israélienne, au mythe du meurtre rituel attribué jadis aux Juifs.
Président de France-Israël, Gilles-William Goldnadel auteur de Réflexions sur la question blanche(5), termine un exposé des crimes coloniaux et antisémites en décrivant un Européen blanc, moralement paralysé par la responsabilité qu'il croit devoir assumer dans le Génocide nazi. De ce fait dit-il, "le délire raciste a muté en délire antiraciste" et une sollicitude sans bornes envers les anciens peuples colonisés le désarme face au racisme anti-blanc déferlant vers nos banlieues. Après un long étalage des crimes supposés commis au nom de l'Islam(6), il annexe les travaux de biologistes illustrant la diversité génétique des populations humaines, pour l'exploiter comme grille d'interprétation des conflits nord-sud. Il est toutefois suffisamment madré pour ponctuer ces développements doctrinaux de déclarations de principes politiquement correctes afin d'esquiver les reproches. C'est ainsi qu'il affirme se refuser à une hiérarchisation des races, mais qu'il déplore que "l'heure est au métissage obligatoire".
On aura compris que notre théoricien campe un État israélien à l'avant-garde de la fierté blanche. On rapprochera cette prose, de la séparation des races préconisée par Avigdor Liberman, ministre israélien des Affaires étrangères et de la multiplication en Israël, des déclarations et des mesures administratives contre les rapports sexuels et culturels entre Juifs et Arabes(7).
Notes
(1) Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France, 2007, Ed Pluriel
(2) En Israël, l'extrême droite autrichienne dénonce la « menace islamique », Le Monde du 15 décembre 2010
(3) Bat Ye'or, Eurabia, 2006, Ed Jean-Cyrille Godefroy
(4) Conseil représentatif des institutions juives de France
(5) Gilles-William Goldnadel, Réflexions sur la question blanche, janv 2011, Ed Jean-Claude Gawsewitch
(6) À l'imitation des publicistes antisémites d'avant-guerre, c'est devenu un classique du racisme que de reprocher aux arabes comme un atavisme attaché à leur nature profonde, ce qui semble banal ou daté chez les autres comme la guerre, l'esclavage, la polygamie. Notre auteur développe en particulier un réquisitoire visant l'esclavage pratiqué dans les pays arabes à l'époque classique. Bien entendu, personne n'aurait idée d'étendre ce plaidoyer à la Grèce et la Rome antique ni au servage en vigueur dans l'Europe médiévale
(7) Israël, un pays comme les autres, Le Monde du 26 janvier 2011