Bernard BIGENWALD (avatar)

Bernard BIGENWALD

Cadre territorial retraité

Abonné·e de Mediapart

64 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 juillet 2013

Bernard BIGENWALD (avatar)

Bernard BIGENWALD

Cadre territorial retraité

Abonné·e de Mediapart

Pierre Perret censuré par Médiapart

Bernard BIGENWALD (avatar)

Bernard BIGENWALD

Cadre territorial retraité

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En ce jour funeste du 9 juillet 2013, Médiapart, journal pourfendeur de la censure, et qui connaît une gloire méritée  pour avoir osé mettre en pleine lumière ce que des politiques ripoux eussent préféré  dissimuler jusque dans la tombe, Médiapart, qui  prend des risques pour notre liberté à toutes et tous, Médiapart qui est haï autant que craint, vilipendé, attaqué de toutes parts, à droite comme à gauche par  les hypocrites qui tremblent que quelque contre-pouvoir que ce soit  dévoile leur corruption, leurs mensonges, leur clientélisme, leur népotisme,  Médiapart enfin qui fut à l’affaire Cahuzac ce que l’Aurore fut à l’affaire Dreyfus, a capitulé piteusement devant la pruderie,  la bigoterie des nouvelles grenouilles de bénitier, j’ai cité les sectateurs les plus obtus  d’un islam intolérant, rabougri, misogyne, xénophobe en diable et profondément hypocrite, cela va sans dire. (Cela va encore mieux en le disant, mais cela n’est guère de bon ton, au moins dans certains cénacles, du coup j’hésite… )

N’y aura-t-il donc bientôt plus que sur Boulevard Voltaire que l’on va pouvoir à l’avenir se moquer tranquillement, sereinement,  de quelqu’un d’un peu primaire mais qui aurait l’irréfragable excuse de porter un nom arabe ? L’arabité serait-elle un sauf-conduit pour les pires inepties dans un journal de gauche ? Jusqu’où  la mauvaise conscience des gaouris repentants ira-t-elle ? Telles étaient mes noires interrogations avant-hier matin : celles d’un athée modérément féministe, ouvert entre autres horizons, justement, sur le monde arabe, et plus largement sur le monde islamique vers lequel j’ai trainé mes guêtres moult fois depuis ma lointaine  jeunesse, et ceci après avoir d’abord vécu cinq ans, enfant, sous le soleil de la  Tunisie.  Oui, je fus un  bizertin comme Bertrand Delanoë, l’actuel maire de Paris peut l’être ou comme Michel Seurat dont j’étais un condisciple au Lycée Stephen Pichon l’était aussi. Vous allez voir que c’est un crime inexpiable.

Eh oui, O fortuna ! O mores ! Il y a deux jours, mon courageux journal m’a annoncé qu’il avait supprimé deux de mes commentaires. L’un de ceux-ci, le plus important, exposait les paroles d’une chanson « éroticoquine  »  de Pierre Perret : « Ah ce qu’il est beau mon chibre ! »  Vous allez me demander : que vient faire ce chibre dont Pierre Perret est si fier  qu’il s’en fait le barde, sur Médiapart ? Est-ce bien  le lieu ? Eh bien, croyez moi si vous voulez, et je sais que ça va être difficile, notamment pour ceux qui savent bien, depuis mon premier papier sur « la verve turgescente du Comandante Mélenchon » que je me hasarde parfois à pimenter de gaudriole mes réflexions politiques.  Au passage, j’en profite pour  préciser que je n’en ai pas honte du tout : c’est qu’il  m’apparaît, voyez-vous,  que sans la testostérone, tout simplement, la politique ne serait pas ce qu‘elle est : il n’y a que DSK qui me contredira, lui qui n’a toujours pas compris ce qui lui est arrivé après le Sofitel. Et le dessin de Reiser en tête de mon blog, dans sa roborative grossièreté, me semble  valoir largement les analyses alambiquées de maints grands politologues. Donc,  faites  un effort pour me croire, les suspicieux, je n’ai pas de raison de vous mentir : non et renon ce chibre, ce n’est pas moi qui l’ai amené sur le tapis, si je puis dire. C’est très paradoxalement un vaillant défenseur de la vertu islamique luttant contre la perversion occidentale incarnée par les maudites Femen, et accessoirement par moi-même qui ai osé prendre leur défense !

C’est qu’il a bataillé  ferme, le valeureux Rachid Barbouch, déférent sujet de  Sa Majesté M6, et sa  lutte lui tenait visiblement à cœur. Si  seulement les Français, en 1940, avaient mis la même vigueur à s’opposer aux Panzer et aux Stukas que lui, Rachid, en mettait à s’escrimer contre quelques paires de nichons en Tunisie et au Maroc, nous nous serions épargné quelques années d’occupation.  Imaginez un peu : pas de  logorrhées possibles sur le thème de la Résistance et de la  collaboration, ce thème qui  a  influencé  à jamais notre franchouillarde démonologie et qui  a fait par là la richesse du  discours politique français autant que  la joie toujours renouvelée des clubistes de Médiapart s’entre-conchiant à qui mieux-mieux ! La face du monde en eut été changée !

Mais, trêve de digression, revenons au coriace Rachid, qui, par trois fois, nous fit l’honneur de billets sévères sur les Femen. Ces billets, à l’origine de tout, valent leur pesant de glibettes :

« Les trois femen ont été libérées après s’être excusées » le 27/06/2013

« Qui finance les Femen ? »le 29/06/2013

« les Femen version Maroc »le 29/06/2013

J’avais commencé par lire le  dernier, attiré sans doute par l’exotisme colonial qui se dégageait de la photo qui l’illustrait. Elle représentait, à mes yeux du moins, une scène de bordel au Maroc avec des indigènes dépoitraillées dans des poses lascives. Curieusement, notre Rachid, lui, présentait cela comme une scène familière, voire familiale. A croire que musardant dans les ruelles étroites de quelque médina du Royaume chérifien, le touriste un peu curieux, poussant une porte artistiquement cloutée, pouvait surprendre une famille du cru dans ce simple appareil et "clic clac, merci Kodak !",  immortaliser la scène.  Rachid en tirait sans hésitation la leçon, pour nous les décadents occidentaux, que décidément, les Femen n’ont rien inventé. Et pan dans les dents des néo-colonialistes  sournois !

 J’eus un doute au début, me demandant si c’était de l’humour au troisième ou au quatrième degré. Mais non ! l’esprit enfiévré de cet  Abdelkrim du clavier voulait à la fois démontrer que les femmes marocaines étaient libérées depuis longtemps, qu’on n’avait donc strictement rien à leur apprendre, mais aussi que les Femen, elles,  étaient bien des putes !  Singulière démonstration que je me fis un malin plaisir de démolir en insistant sur le fait que Rachid, ce valeureux anticolonialiste né bien après l’indépendance du Maroc, basait hardiment, mais un  peu imprudemment, sa brillante démonstration sur une imagerie typiquement coloniale : un paradoxe, non ?

Didactiquement, j' appuyai ma critique par un article fort intéressant et précis de spécialistes marocains sur Bousbir, l’ex quartier réservé de Casablanca où allait s’encanailler la jet-set jusque dans les années cinquante. « Bousbir » était à ce point célèbre qu’il est devenu depuis un terme argotique en français pour bordel.

Personnellement, pour avoir connu le bordel à ciel ouvert de Galata à Istanbul dans les années soixante, je doute un peu que  Bousbir ait un rapport très obligé avec le colonialisme, mais je ne fis pas part de mes mesquines et suspectes interrogations là-dessus, tant il est hautement préférable de considérer qu' en terre d’Islam, le vice  est un article exclusivement d’importation. Seul l’occidental, ce " kofar", est dépravé, c’est bien connu, ou du moins, la dépravation ne peut arriver que par son biais.

  Mes entétantes agaceries firent se fâcher tout rouge notre moine-soldat, et mes remarques un tantinet sarcastiques au sujet de ses autres articles le portèrent même à les fermer aux commentaires. Au fur et à mesure qu’il s’échauffait, se révélait un  Tartuffe  qui voyait derrière les manifs des Femen en Tunisie et au Maroc rien moins que « l’objectif clair de s’infiltrer dans nos sociétés pour y semer la débauche et l’immoralité »(sic).

Mais là où ça devint très franchement cocasse, c’est lorsque le  subtil Rachid se mit à fouiner sur internet pour voir qui j’étais.  Un détail qu’il dénicha le ravit,  tant il le confortait dans l’idée que le "gaouri" qui se foutait de lui n’était que l’incarnation du vice. C’est que, moi, ne trouvant pas, il y a quelques mois, sur Deezer « les chansons éroticoquines de Pierre Perret », certainement un de ses meilleurs albums, j’étais allé  sur Youtube où je dégottai l’une d’entre elles, au titre un peu provocant pour une âme pieuse comme celle de Rachid : « Qu’est-ce qu’il est beau mon chibre ! ». Je dois avouer que j’ai une tendresse particulière pour celle-là.  Cela tient moins à mon narcissisme ou à une  révérence marquée pour Onan, qu’aux circonstances particulières dans lesquelles je l’entendis pour la première fois.

 C’était en Pologne, dans les environs de Gdansk au début des années 90 : j’avais passé la nuit dans ma bagnole, face à la Baltique couleur ardoise,  et voilà qu’allumant, un peu ensucqué, mon autoradio, j’entendis cette jolie gauloiserie sur une radio locale polonaise où officiaient un Français hardi et une Polonaise mutine. C’était  totalement incongru, charmant et pour tout dire, fort drôle. Et, pourquoi le nier ? cette avant-garde gonflée de la francophonie entre Vistule et Niemen sut toucher ma fibre patriotique. Foutez vous à ma place ! Et c'était moins guerrier que la Marseillaise : là, pas de "sang impur", juste un chibre turgescent, bien français, puisque de Castelsarrazin !

 Mais bref, revenons des rives de  la Baltique pour celles de la Méditerranée. On ne se méfiera jamais assez d’internet : mon passage sur  Youtube laissa une trace « googlée ». Celle–ci ravit   autant qu’elle révulsa mon  vertueux coincé du fion, transformé en Sherlock Holmes du web. Il la tenait,  la preuve que j’étais un pervers et il le clama à l’univers médiapartien ! : « Bernard Bigenwald est un vieux pervers sexuel, un dévergondé, un débauché au crépuscule de sa vie. Son credo : la jouissance sans garde-fou, sans limites, sans frontières. C’est un ennemi des valeurs morales. C’est tout à fait le genre d’énergumène capable de poser nu à la sortie d’une école. Il fait partie de ces nouveaux nazis promoteurs de l’athéïcité, idéologie athéiste et laïque faisant la chasse aux musulmans ! »(sic) Rien que ça ! Je fais court, mais il me traita aussi de « colonialiste » pour avoir vécu en Tunisie entre  les âges de 7 et 12 ans, etc etc .

  Du coup, moi pour le faire bien chier, tant qu’à faire, et aussi afin que chacun puisse très objectivement  prendre la mesure de ma lubricité si  attentatoire à la morale islamique,  je mis les paroles de la chanson in extenso sur le fil  Elles restèrent là quelques jours, sans émouvoir plus que ça les foules, et puis, voilà qu’avant-hier je reçus un mail  de la rédaction de Médiapart m’informant du caviardage  des paroles de la chanson de Pierre Perret. En revanche, les élucubrations grotesques de Rachid Barbouch y sont toujours, elles, ses insultes aussi, non seulement en français, mais aussi en arabe pour pimenter un peu le tout par une touche légère d’exotisme de bon aloi.  Je n’ai eu aucune explication de la part de mes censeurs de Médiapart. Etonnant, n’est-il pas ?

Morale de cette histoire immorale ? Je n’avais perçu à ce jour qu’une seule sorte de blasphème, celle  qui consiste à se gausser du Saint-Simon de Médiapart, le sémillant Antoine Perraud, et celle-là seule m’avait valu la censure. Voilà que maintenant, présenter clairement l’objet qui a permis à un grotesque bigot de délirer sur mon compte apparaît autant « haram » à la rédaction de Médiapart qu’au susdit bigot ! Aujourd’hui, c’est Pierre Perret qui en fait les frais, demain sera-ce le tour de Brassens ou de  Gainsbourg ? Médiapart  va-t-il se transformer par un zèle intempestif  en épigone, sinon en auxiliaire des célèbres brigades saoudiennes du Comité pour la promotion de la vertu et la prévention du vice ? Ce serait cocasse, mais c’est bien connu, impossible n’est pas français 

 http://youtu.be/dNnmcgxSb7g

  On aura reconnu Rachid Barbouch à gauche.

Z est un excellent blogueur et caricaturiste tunisien : l'anti-Barbouch en quelque sorte.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.