LE CRI DE L’EXILE FISCAL, LE SOIR AU DESSUS DES JONQUES
Je sais, je sais, je vais encore faire hurler quelques pisse-froid propres sur eux et une petite cohorte de féministes rancies du bouton avec ce titre accrocheur par sa crudité. Fort heureusement, plus fins, les cinéphiles avertis sauront voir, eux, notamment un extrait d’une tirade de notre Gégé National dans une scène d’anthologie du film qui le catapulta au firmament de l’art cinématographique, Les Valseuses.
Force est de reconnaître que Gérard Depardieu est devenu au bout de 42 ans de carrière, un monument National, un élément remarquable de notre patrimoine, qu’un gouvernement à la fois spoliateur et confit en impéritie, laisse filer à l’étranger, à son nez et à sa barbe, sans même que les Services dudit Patrimoine aient même pensé à user de leur droit de préemption. Un monument que le temps n’aura que valorisé ! C’est qu’en quarante-deux ans de carrière, il en aura fait des progrès, le bougre ! Devenu Falstaff, il aura mis, avec son incursion outre-Quiévrain bien moins de temps pour faire grimper aux rideaux le microcosme politico-médiatique, qu’il n’en usa pour un résultat bien moins assuré, dans les valseuses, avec Miou-miou. Sur elle, très soumise shampouineuse, il était relayé, si vous vous en souvenez bien , par Patrick Dewaere, lequel était en convalescence certes, mais néanmoins redynamisé, que dis-je, transcendé par l’exaltant constat d’une forme retrouvée !
Ah ! Quelle fascinante carrière que celle de Depardieu, et tellement française, pour ne pas dire gauloise ! Fils de prolo, ancien cassos, cette force de la nature bien de chez nous sut très tôt se forger une sexualité précoce dans l’ombre protectrice des caves de HLM, créant par là du lien social quasi intergénérationnel entre les hordes palichonnes de blousons noirs des années soixante et les lascars plus mats d’aujourd’hui. C’est dire qu’à peine pubère, déjà, il méritait de la patrie reconnaissante. Plus tard, la large palette de son génie d’acteur lui permit de jouer à la fois les chasseurs de beaux sangliers dans le rôle d’Obélix et celui de poulettes de qualités disparates dans « Trop belle pour toi ». Avec ça, il garda un esprit concret, qui sut toujours faire la différence entre la vie réelle et celle plus féérique du cinéma. Je n’en citerai qu’un exemple entre mille. Dans « Trop belle pour toi », certes, il culbutait Balasko, mais dans la vraie vie, c’est tout de même de Carole Bouquet qu’ il sut se contenter chichement, tout en la comblant. Etonnante résurgence, sous sa forme la plus éruptive, du bon sens dont étaient pétris ses ancêtres berrichons !
Pour illustrer son registre d'acteur, qui allait du plus poignant tragique au plus comique, qu’il me soit permis de parler du fou rire qui laissa mon fils, alors ado, sans souffle à la vison d’un épisode de Fort Saganne , où Depardieu avançait, nu comme un ver, mais sentant cependant tellement bon le sable chaud, en direction de la blonde Catherine Deneuve, alanguie et curieuse à la fois, prête à céder à la charge héroïque du beau méhariste un peu fruste. Ce n’était pas vraiment la charge de la brigade légère, il est vrai, cette charge sabre au clair, menée d’un pas de plantigrade, mais il y avait de quoi justifier néanmoins très largement la nostalgie de nos entreprises coloniales, et même chez les plus fières femmes des peuples soumis !
Prend-on donc bien sérieusement la mesure de ce que représente la perte de Depardieu pour la France ? Je te le dis tout net : France, ton patrimoine fout le camp ! Dans ce siècle ou l’on prétend guérir par le biais de l’aromathérapie, et alors que notre pays est au plus mal, un gouvernement d’incapables présente ce qui est, n’ayons pas peur des mots, comme la quintessence de la France, son concentré, son huile essentielle, comme un traitre de la race maudite des Dumouriez alors que ce combattant suprême de la Francitude, sinon de la gauloiserie, ce serait plutôt Danton, avec sa trogne, sa vitalité, son amour de la bonne chêre, son trop-plein de foutre, ce Danton que d’ailleurs, il incarna avec maestria dans l’œuvre d'Andrzej Wajda ! Hélas! Hélas! Hélas! Faut-il donc que ce soit un Polonais des bords de la Vistule qui soit plus apte finalement à reconnaître le talent, qu’un Premier Ministre des bords de Loire au physique de pilote de ligne, rêvant, mégalo qu’un aéroport porte son nom !
Et, par Toutatis aussi bien que par exemple, pour une reconnaissance internationale du génie de Depardiou, quelle reconnaissance ! Les douaniers amerloques si tatillons peuvent bien bloquer un Camembert au lait cru, un Epoisse bien fait, une boite de foie gras, une douzaine de bouteilles des meilleurs crus, tous produits de nos terroirs, ces cons-là, mais pour notre Gégé, qui contient tout cela, salon de l’agriculture à lui tout seul, ambassadeur plénipotentiaire et pantagruélique de notre culture multi-millénaire, eh bien il faut voir comme ils lui déroulent le tapis rouge. Jusqu’à la bouteille d’eau minérale, qui après un usage vulgaire, fut honorée de s’offrir au viril jet de notre Gégé, et pourtant, c'était " du brutal " que n'adoucissait qu'un peu de sucre ! Quel étonnant avant goût prémonitoire, un quasi saut spatio-temporel, si l’on pense que le Manneken Pis est à Bruxelles, dont Depardieu se rapproche, ce que la petite sirène est à Copenhague !
Alors, au regard de tout cela, faut-il donc toute cette opprobre parce que notre Gégé a confondu un chouia rapidement son taux d’imposition avec le taux d’alcool de sa meilleure poire, et que son sang généreux , noble et harmonieuse combinaison des meilleurs cépages de nos terroirs n’a fait qu’un tour !!! C’est honteux !!! C’est une infamie !!! Comme le disait Audiard, « si la connerie n’est pas remboursée par la sécurité sociale, vous finirez sur la paille », Mesdames et Messieurs du gouvernement ! Depardiou a passé le Quiévrain de quelques centaines de mètres et on le traite de déserteur alors que justement, par son offensive surprise, il démontre qu’il est apte à faire largement refluer les bières belges coalisées en déroute ! On parle de la Bérézina alors qu'il s'agit d'Arcole ! Il y a méprise ! Reviens Gégé, ne les écoute pas, nous, qui représentons la France éternelle, celle qui s'est battue en 1940 pour que la route du fer soit fermée aux Boches, et que la route du zinc reste ouverte aux Français, on t’aime !
Et si par malheur, tu ne répondais pas favorablement à notre appel, trop écoeuré de l'ingratitude de la Patrie, alors sâche, mon Gégé, que mes pôtes et moi sommes prêts à lancer une souscription pour qu'une satue en bronze soit érigée devant le Centre Pompidou, te représentant jetant avec dédain ton passeport à la face d'Ayrault ! Ainsi, le zgeg encore poisseux de leurs tournicotantes agapes dans les tréfonds de leurs barres de HLM, les jeunes les plus sensibles des banlieues de même nom, sortant par milliers des bouches de métro des Halles, et passant devant le bronze patiné de fiente immortalisant ton geste d'orgueil blessé, pourront se dire que l'espoir leur est permis, celui d'avoir à leurs basques non plus les contrôleurs du RER, mais le fisc français ! Et qui sait ? Peut-être que ce sera parce qu'à ta suite, dans une version du Cyrano aux couleurs ravivées de la diversité, ils auront appris, ces coeurs purs, à envoyer à Djamila ou à Fatoumata, les mots les plus doux, les tirades les plus enflammées, afin que leurs potes Kader ou Abdel, ces bâtards au physique moins ingrat, puissent tirer, tranquillou, les meufs dont eux se contentent de rêver secrètement, le coeur déchiré grave," vers de terre amoureux d'une étoile" ! Ainsi, Gégé, tu auras pour ainsi dire jeté un pont entre deux rives, et cela, ce n'est pas rien !