La question du mariage et de l’adoption pour tous, du moins telle qu’elle est mise en avant, me semble m’autoriser à me poser ingénument la question suivante : dés lors qu’un grand vent d’égalitarisme souffle sur la France, qui vise à pousser à accorder sans barguigner des réponses semblables à des situations différentes, la revendication du point G pour tout le monde n’est-elle pas finalement tout à fait envisageable, puisque guère plus grotesque ? Aussi suis-je tenté de crier : « Le point G pour tous ! Gräfenberg avec nous ! »

Je connais trop la propension de nos bons Français à tout confondre dès lors que l’on sort des noms bien de chez nous, comme Dupont et Durand (d’ailleurs savent-ils différencier, ces Béotiens, Dupont et Dupond les inénarrables flics des albums de Tintin ?), surtout lorsqu’ils comportent plus de deux syllabes . Aussi, je me dois de préciser à cet endroit de mon billet qu’il ne convient pas de confondre Gräfenberg avec Raufenstein de « la Grande Illusion », interprété magistralement par Erich von Stroheim. Je vois d’ailleurs mal ce dernier, avec sa raideur prussienne accentuée par sa minerve, se pencher vers un spéculum. Vous allez me dire que j’ai là de drôles d’associations d’idées, et j’en conviens volontiers, puisqu’il m’arrive de m’étonner moi-même. Mais à tout bien considérer, certains spécialistes, au rang desquels je n’aurai pas l’immodestie de me hisser, n’ont-ils pas le sentiment que le controversé point G, qui est à Cosmopolitan ce que le big bang est à Science et Vie, est lui-même une grande illusion ? Et si justement, le si mal nommé « mariage pour tous » et surtout la conséquence qu’un peu hâtivement on en tire en matière d’adoption était une grande illusion aussi ? Vous me suivez toujours ou vous m’avez largué en route ? Franchement, vous auriez eu tort, car, croyez moi, ça vaut le coup de se poser la question.
L’opinion commune, en tous cas celle du Café du Commerce, veut qu’il y ait des tas de pauvres petits malheureux partout dans le monde, n’attendant que d’être adoptés par de Bons Blancs bien nourris au cœur débordant d’amour quoique guetté par le cholestérol. Eh bien, je vais décevoir, en dépit des apparences, il ne suffit pas d’avoir le ventre ballonné et de renifler 2 décilitres de morve devant une caméra pour être adoptable.
Il fut certes un temps béni, très proche encore, où les Bons Blancs pouvaient aller faire leur marché dans un tas de pays bien corrompus et aux services sociaux inexistants. Ils se précipitaient, notamment lors de catastrophes humanitaires, tel un vol de vautours. On a vu ça à Haïti notamment, assez récemment. Et à cet égard, la brillante équipée de l’arche de Zoé au Tchad, ne fut qu’un exemple un peu poussé de ce phénomène, par sa dimension quasi industrielle, là où la dimension artisanale multipliée allègrement attira moins l’attention, si même elle ne fut pas considérée avec bienveillance. Rappelons nous d’ailleurs combien il fut d’abord de bon ton de considérer au début de l’affaire de l’arche de Zoé, que vraiment Idriss Deby poussait un peu loin le bouchon à mettre au gnouf des toubabs tellement désireux de sauver de pauvres « orphelins du Darfour ». Et notre gesticulateur précoce, Nicolas Sarkozy ne se fit-il pas fort de ramener nos preux Chevaliers sous des climats plus cléments ? Mais bref, voilà que ce bon temps touche à sa fin, car cela a fini à la longue par faire un peu désordre dans un monde où même les Nègres ne se contentent plus de rire bêtement en ingurgitant du Banania, mais ont même le sale esprit de rouscailler devant notre nouvelle mission civilisatrice, ces ingrats !
En loucedé, un certain nombre de pays fournisseurs ont donc réalisé que cela ne pouvait continuer. L’élévation du niveau de vie entraine en contrepoint un désir de meilleure image, cependant que la demande intérieure se développe. Résultat, pour ce qui est de la France, une division par trois des adoptions à l’étranger en quatre ans ! Certes, rassurez vous, Bons Blancs au Cœur Pur, il existe toujours des pays où l’on peut acheter en toute tranquillité un enfant et où on peut même vous le faire fabriquer sur mesure. Il suffit d’y mettre le prix. Mais cependant leur liste se raccourcit, au grand désespoir de candidats à l’adoption ces victimes d’un « parcours du combattant ».
Ah ! Le fameux « parcours du combattant » ! Formule tarte à la crème s’il en est, à laquelle on ne peut échapper dès lors que l’on aborde le sujet de l’adoption. Il faut bien le dire, bien des candidats à l’adoption se seraient épargné dès le départ un « parcours du combattant » inutile, si le législateur, d’entrée, avait été un peu moins démago en fixant des limites d’âge pour les candidats à l’agrément. Une tentative fut faite pour limiter à 45 ans maximum la différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté : elle se heurta à l’opposition des sénateurs assis sur leurs vénérables roubignolles avoisinant elles, les ¾ de siècle en moyenne, ce qui fait tout de même 150 ans s'ils en ont bien deux. La différence de trente ans les convainquit de ne rien changer. L’illusion fut donc confortée, et l’on se retrouve ainsi en bout de parcours avec 20 candidats agréés pour un enfant adoptable en France. Par ailleurs, il faut bien le dire aussi, bien peu de départements remplirent correctement la mission qui leur était confiée d’agréer les candidats à l’adoption, ce qui revenait logiquement à en écarter un certain nombre. Dans certains départements, le Président du Conseil Général, bon papa, s’impliqua personnellement de manière clientéliste dans l’octroi des agréments, revenant quasi systématiquement sur l’avis négatif des services. Dans d’autres, les services d’adoption, trustés bien souvent par de vieilles filles à problèmes ou des personnes stériles en recherche de compensation, n’eurent pas même à donner à leur bon Président le plaisir de s’opposer à des avis négatifs : l’adoption, n’est-ce pas merveilleux, forcément merveilleux ? On ne s’étonna donc pas trop de ce que, dans certains départements, le taux de refus d’agrément avoisinait zéro, et l’on mit au pilori ceux où il était bien plus élevé, ce qui pour un connaisseur, eut plutôt laissé subodorer bien plus de sérieux dans les procédures. Mais un fonctionnaire qui fait correctement son boulot dans ce domaine a tout à perdre : on n’hésitera pas à le trainer dans la boue s’il le faut. Et tenu par le devoir de réserve et le secret professionnel, il lui sera très difficile de se justifier. Il aura rapidement à choisir entre la protection de l’enfance et sa propre protection. Bref, la situation est grotesque depuis des années, les gens bien informés le savent, d’autant plus que le débouché à l’international se restreint, et voilà que l’on en rajoute une couche et que l’on vend une illusion de plus : les couples homos mariés vont enfin pouvoir adopter ! Alléluia ! !????
Eh bien, je suis désolé d’avoir à vous décevoir, chers amis homos qui rêvez d’adopter, que ce soit en France ou à l’étranger. Si vos chances d’obtenir un agrément sont très grandes, tant les personnels départementaux seront désireux de démontrer qu’ils sont très gayfriendly, et tant votre beau discours sur l’amour est à même d’attendrir le cœur le plus dur, pour autant votre agrément, une fois obtenu, ne servira pas à grand chose. Vous pourrez le faire encadrer, éventuellement. En France, dans la mesure où déjà pratiquement aucune personne célibataire ne se voyait confier un enfant par un Conseil de Famille départemental, les couples étant systématiquement préférés, ce qui finalement n'est rien que normal si l'on se positionne dans le sens de l'intérêt de l'enfant, il n’y aura pour vous quasi aucune chance d’être plus retenus, sauf pour des enfants polyhandicapés éventuellement. Et à l’étranger, désolé de le dire, mais ce sera kif-kif. Très peu de pays examineront votre candidature : l’Agence Française de l’Adoption en a compté 3, ce qui ne signifie nullement que ces pays retiendront des candidatures étrangères et même ne fonctionneront pas différemment de la France sur le sujet. Que restera-t-il donc de ce magnifique projet ? Pas grand chose, si ce n’est la possibilité très égalitaire de faire comme les moins scrupuleux des hétéros, c’est à dire d’acheter un enfant, ou alors de militer pour la gestation pour autrui, prochaine étape de ce noble combat pour l’égalité. Certes, là aussi, ça demande de mettre son mouchoir sur certains scrupules, mais ça, les homos sont bien aussi capables de le faire que les hétéros, non ?
Pensez-y les mecs, il est grand temps que les femmes, pour assurer une plus grande égalité entre hommes hétéros et homos, noble objectif s'il en est, et auquel tout esprit progressiste ne peut qu'adhérer, que les femmes donc soient réassignées clairement à ce à quoi elles étaient vouées depuis la fin des temps sans que ce soit pleinement reconnu par un relookage sémantique : la reproduction. Oui, il est grand temps de sortir enfin de l'artisanat dans le domaine de la procréation, comme on a su le faire si bien pour le domaine de la prostitution dans certains des pays les plus avancés de la planète. Tout est question de relookage, et ce n'est pas Pierre Bergé qui me contredira ! Le marché de la procréation est la nouvelle frontière à conquérir : on a la lune qu'on peut ! Et n’est-ce pas ça la vraie égalité, finalement, l’égalité dans la dégueulasserie ? De toutes manières, ne vous bilez pas, c’est juste un mauvais moment à passer, il se trouvera bien de bons sophistes qui vous pondront tout fait un bon petit discours pour justifier tout cela. Vous verrez, vous finirez même par y croire ! Il y a bien déjà des « travailleurs du sexe », il y a aura demain des « travailleuses de l’utérus ». Des Dodo la Saumure sont prêts à vous satisfaire ! On n’arrête pas le progrès ! Allez-y gayment !
