Bernard CATTIAUX

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Billet de blog 7 janvier 2016

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LE CHACAL VOUS SALUE BIEN

Michel Onfray est un puissant matérialiste, une émule du dix huitième siècle au moment où les Lumières se séparaient heureusement de l'Eglise pour mieux imposer l'industrie-thermique, et ses énormes conséquences mondialistes, centralisées et toxiques. Il craint le mot Transcendance, étymologiquement franchir. Pas que du Rubicon s'entend !

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 Il y a quelques lunes Michel Onfray se rendait en Algérie, accompagné du sémillant Franz Olivier Gisbert, directeur du Point.  M.O. lit le Coran dans l'avion '' crayon en main '' pendant quelques minutes. Eureka, il a tout compris. Espérons qu'il a apprécié le verset 36-45 : '' Frémissez du passé qui est entre vos mains et de l'avenir qui vous suit '', une palingénésie toute fraîche et de circonstance. Bigre, il va falloir retourner en arrière pour éclairer l'en avant, la façon de lire l'histoire sans rien oublier. Atterrissage en douceur.

Il pénètre dans l'église du père Bernard où il circule très à l'aise. Tiens, je croyais qu'Onfray était un athée radical ? Le voilà pourtant dans un édifice chrétien. On peut s'étonner de cette visite un chouia partiale. Quand on va enquêter dans un pays étranger on ne visite pas uniquement une église, on va aussi dans une mosquée, par déférence, par respect pour le pays qui vous accueille. Cette deuxième visite n'a pas eu lieu. Il ne l'a pas souhaitée. Quand on va dans un pays  lourd d'histoire coloniale on commence par écouter celle des victimes. On prend des notes '' crayon en main '' , sur le massacre de Sétif,  les tortures et les guillotinés ... Un athée qui utilise l'église pour effacer l'histoire coloniale, voilà qui ne déplairait pas à quelque OAS à l'affût.

Dans son Traité d'Athéologie chez Grasset 2005, M.O. met en scène un '' chacal ontologique '' , une tournure plutôt mesquine, voire un mode d'emploi pour rabaisser l'autochtone. Voici l'histoire. Un chauffeur de taxi, Abduramane tue par excès de vitesse un chacal. L'homme est effondré et se sent coupable devant Allah. Il n'ira pas au paradis, il ira en enfer. M.O. se fait un plaisir  d'étaler son remords au grand jour. A travers ce forçage simpliste on voit poindre le sophisme du dénombrement imparfait : Le chauffeur se sent coupable, donc tous les musulmans sont coupables quand un chacal se fait écraser par un taxi. Onfray n'en est pas à sa première délation où l'amalgame des comportements et des idées aménage une voie qui accuse. Cravacher sur une broutille pour masquer l'essentiel. Un chacal écrasé ... c'est ça l'Islam ?  Arthur Koestler avait jugé exécrable ce genre de pratique : '' Les aberrations intellectuelles les plus fréquentes sont dues à la poursuite obsessionnelle d'une vérité partielle traitée comme une vérité suprême '' ( Janus ).

Peu importe, M.O. est un démocrate pur jus. Il est du côté du faible. Il est '' pour le petit et le modeste '' , c'est du moins ce qu'il prétend dans Eléments , octobre décembre 2015. Humble, petit, modeste, une auto-congratulation premier choix, surtout quand ce petit fait l'objet d'un chacal  ontologique dérisoire mais jamais d'un commentaire affûté tel que le professe Frithjof Schuon ( Comprendre l'Islam, Seuil 1976 ). On aurait souhaité un peu plus de matière grise de la part d'un prof de philo qui monte en chaire, face a un public acquis d'avance. Il peut mouler ses ouailles à sa guise. Et si jamais un lambda se mettait à poser une question ? Un prolo dans l'amphi de Caen aurait osé dire : '' M'sieur, à quand votre commentaire sur Frithjof Schuon ? ''. Scandale, sortez-le, il va nous contaminer, nous contraindre à subsumer, nous obliger à faire la différence entre Rasûl et Nabî. C'est trop, beaucoup trop. Restons groupés les amis, restons humbles, bien entre nous, même si je me veux seul du haut de mon ambon. Point.

D'où vient son aversion pour la transcendance, ce mot lui ferait-il peur ? Alors que transcender veut dire franchir. Dès lors, toutes les figures de rhétoriques sont des franchissements, entre autres la métonymie qui subsume et la métaphore qui transpose. Chaque émission de mots est en permanence guettée par le décalage ou l'entre deux, concret-abstrait, plein-vide, matière-anti matière, tous les mots sont au minimum bivalents, au maxi poly. Ces oscillations, souvent illicites, font le charme du langage, une transgressions couramment pratiquée.

Hosanna ! Le rhéteur vient de retourner sa veste. Après avoir sali le Coran dans son traité daté au logis il le bichonne dans Eléments ibid,  pour dit-il remédier à l'inculture : '' A défaut de connaître véritablement l'histoire de France, à défaut d'avoir véritablement  lu le Coran et de connaître la biographie du Prophète, on dit n'importe quoi ''. Surprenante versatilité, par ce volte-face magistral  M.O. vient de se transcender lui-même, et de main de maître. Le chacal ontologique aurait pris le pas sur la hyène onfrétique. Se franchir soi-même tient décidément de la magie ! 

Revenons sur terre. L'histoire de l'Algérie sera mieux connue en lisant les historiens Benjamin Stora et Alain Ruscio.

Bernard  Cattiaux

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