Bernard CATTIAUX

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Billet de blog 9 novembre 2018

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Les vuvuzelas d'Onfray commencent à fatiguer

La vuvuzela est une trompette bourdonnante et criarde, utilisée pour exciter les foules. Dans ce tumulte des opinions, on peut entrevoir de petites manigances où le bourreau n'est pas si méchant que ça, à condition d'inventer à la victime une possibilité de prendre momentanément sa place.

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Dans Marianne du 21-27 août 2010 le prétorien de Caen fustige l'indécence des milliardaires, mais d'une façon si curieuse qu'il fait croire que les autres, les pauvres, sont imbibés des mêmes intentions. Les pauvres - restons sur nos gardes - pourraient s'adonner aux mêmes '' caprices '' que les riches ( ? ). Après avoir musardé entre politique et idéologie l'homme donne à Marx l'image d'une mère poule qui dorlote le prolo et vilipende le bourgeois ( étrange simplification, laquelle permet de lui inventer un dualisme primaire ). Le rhéteur en rajoute. Il autorise Marx à faire de la politique mais pas d'idéologie, alors que lui, Onfray, glorifie l'éthologie, une idéologie animalière aussi velue que les humanoïdes de la planète des singes. Passé ce modèle bestial il nous fait part de son refus de choisir entre deux types de caprices, celui bien visible du riche et celui qu'il impute au pauvre de tout pièce. Il dit en substance : '' Comment faire de la politique avec les hommes tels qu'ils sont ? Pour ma part , je ne veux pas choisir entre les caprices des puissants et les caprices de ceux qui n'aiment pas les caprices des puissants - parce qu'ils préfèrent les leurs ... les riches n'ont pas le monopole de la lie, les pauvres non plus ''. .. Ce qui voudrait dire que les pauvres font de très vilains caprices, aussi vilains que ceux des riches. D'entrée l'amalgame. Mine de rien ils se mettraient à rivaliser avec l'opulence des nantis. Ils se hisseraient au même niveau. Ils sont vraiment culottés ces sans-dents !

On est éberlué par cette rhétorique de noyade et d'abattoir. Fais-je un gros caprice de pauvre lorsque je critique le montée des prix de l'essence, la fermeture des maternités, la liquidation des services publics, la casse du statut des cheminots, le démantèlement des formations professionnelles, la diminutions éhontée des retraites, la scandaleuse exonération des taxes sur les grandes fortunes, le vol organisé des paradis fiscaux, notre servile adhésion à la coalition américo-sioniste qui nous rend complice des bombardements au Moyen 0rient et ses milliers de morts ? S'imaginer être menacés par les pauvres revient à bichonner l'hégémonie des super-riches, la parfaite adhésion au conservatisme ambiant. Onfray a peur des pauvres, des fois que cette plèbe prendrait le dessus et conduirait au triste destin des Louis XVI ou Nicolas 11. La transe onfrétique utilise les mêmes modes opératoires que l'Inquisition de jadis : faire peur, dénoncer l'hérétique, le manant. Le pauvre est potentiellement dangereux, s'il n'existe pas on l'invente, quand bien même il ne s'agirait que de plaintes souffreteuses. Le truc se propage dans d'autres secteurs. Une société secrète de football place les clubs favoris au sommet du tableau. Les clubs moins fortunés iront se faire voir. '' ... ils subiront un manque à gagner de 80 millions d'euros par an. Les plus riches ont pris l'argent aux pauvres. C'est Robin des Bois à l'envers ''. Médiapart Football leaks 4/11/8.

La pratique du nivellement est bien rodée, menée par une intarissable  surestimation de soi - je toise donc je suis. Il s'agit de désamorcer toute objection pour ne pas avoir à choisir, et surtout ne pas avoir à se mouiller. Le non engagement se réfugie dans les généralités vagues, les dilutions stratosphériques. On se déresponsabilise sous les miradors d'une fatale eschatologie. Il ne reste plus qu'à attendre l'arrivée d'un Messie, d'un Chaos propitiatoire, matériel de préférence, poster en couleurs, chosifié et bien membré. On se coule sportivement dans les grandes phrases : '' Cette civilisation est en train de disparaître '' dit-il, la grande dérobade. Le prophète Philippulus vous invite à faire pénitence. Pratique néant, ne demandez jamais à Onfray de signer la moindre pétition pour libérer la Palestine, ce serait offenser sa morale Sioniste, une artillerie lourde de 613 interdits, pour eux comme pour les autres, avec la bénédiction de l'Apartheid et sa cruelle programmation !

On notera au passage que le mot idéologie est devenu un terme impur, car utilisé par des intouchables. Il est par ailleurs de bon ton de parler de '' caprices '', à déporter sur les caprices des autres pour masquer le caprice initial, le sien propre, là où les applications font le plus de victimes. Onfray voudrait une politique à sa mesure, comme si le monde et ses tragédies devait subitement se plier à ses vues catégoriques, position d'un trumpiste qui voudrait que les hommes s'adaptent à lui, jamais lui aux hommes. Avec plus d'empathie De Gaulle commençait parfois ses discours par '' Les choses étant ce qu'elles sont '' ... entendons qu'il faut bien faire avec ce qu'on a, et aller ensuite au chardon. Mais  l'irascible philosophe hésite, fait la fine bouche, les pauvres seraient aussi indécents que les riches, aussi dangereux, car susceptibles de devenir puissants à leur tour. Ne les laissons pas faire ... méfions-nous donc de ces salauds de pauvres, même s'ils sont tous morts, comme 250 000 d'entre eux à Bhopal, comme un million de civils pendant la guerre d'Irak, comme à Sarajevo 8 000 morts, comme à Gaza où le colonisateur fait 1400 morts quand le résistant en fait 13. Kif-kif n'est-ce pas ? Comme à Mossoul où les bombardiers franco-américains ont fait 200 000 morts. Idem à Raqqa. Si '' les riches n'ont pas le monopole de la lie '' ils ont tout de même l'énorme avantage d'entretenir la rançon universelle en plaçant leur magot dans les banques rompues aux spéculations, inflations et faillites à répétition, bis repetita placent, autant de '' caprices '' payés par les pauvres. L'inverse s'est-il déjà vu ? Le nivellement fait école, un grossier amalgame traduit la perfide intention. Après les subprimes des milliers d'américains furent jetés sur la paille pendant que les traders se faisaient du blé à Chicago ... parbleu, paille et blé, c'est la même graminée ! Mais voici la réalité toute nue : un milliard de pauvres souffrent de la faim dans le monde, ... et ils auraient l'outrecuidance de vouloir manger ? Vont-ils faire cuire le grand-père blanc dans la maarmite ? Guère d'anorexie chez les milliardaires.

'' En France, I enfant sur 5 est pauvre. La fondation Break Poverty se mobilise à leur côté pour qu'une nouvelle génération ne soit pas sacrifiée. Il s'agit de soutenir 3 millions d'enfants pauvres en France ''. Vraiment capricieux ces gamins !

Marianne resserre les boulons le 25-6, 1-7 2911 : '' Pendant qu'on culpabilise les pauvres ... ultra-riches les vrais assistés. Ah, que la droite aime disserter sur les  '' assistés '' du RSA ...Pendant ce temps là, on ne parle pas des hyper-privilégiés dont les revenus explosent et qui bénéficient de cadeaux fiscaux bien plus coûteux pour l'Etat que les aides sociales. - les très riches ont reçu I50 milliards de cadeaux fiscaux en dix ans - Les financiers trustent désormais 30 % des places au soleil. Les plus pauvres se sont appauvris. Source : Insee. Nadège sur le vif : '' Mais il croit quoi, le ministre ? Que c'est un choix d'être pauvre ? ''

Appeler " caprice '' une revendication de pauvres, voilà qui doit être sévèrement maté comme le furent les pauvres de La Rue Transnonain peints par Daumier, répression sanglante à l'issue d'une manifestation organisée par la Société des droits de l'homme le 13 avril 1834 à Paris.

S'il fallait introduire le doute à chaque fois qu'une revendication se manifeste et même se déclame ( Antigone n'était ni un indic ni une balance ) nous en serions encore aux mainmortables du Moyen-Age, croquants qui devaient céder leur héritage au Seigneur. Ne pas choisir renforce le despote, le laisser faire l'installe à jamais. Le conservatisme appelle ses supplétifs. On penche pour les Girondins pour montrer qu'on n'a pas honte de prendre le train en marche. A l'opposé, il fut un temps où 121 intellectuels signaient contre les tortures de l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Aujourd'hui, où sont-ils ceux qui devraient signer contre l'OTAN et contre la Coalition américo-sioniste ? Les soldats du refus ne se posaient pas la question d'une humanité plus ou moins dignes d'eux , car '' les hommes tels qu'ils sont '' , feraient aussi partie de nous-mêmes, mais devant les massacres et les famines les vuvuzelas philosophiques paraissent bien futiles. Pour faire bonne figure Onfray imagine  la '' potentialité d'un anarcho-syndicalisme ''. Auguste Blanqui avait déjà pratiqué la chose, sous un vocable  légèrement différent, mais tellement bien adapté aux évènements de son temps qu'il en paya le prix fort, trente six ans de prison. Blanqui, une tout autre pointure, un tout autre niveau.

Une seule question à Michel Onfray : Le Rapport Goldstone sur Gaza, enquête des Nations-Unies préfacée par Stéphane Hessel. Ce rapport est-il un caprice de pauvres ?

        Bernard  Cattiaux  01

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