CUPIDE, CUPIDE, CUPIDE !
Je n'en croyais pas mes yeux, ni mes oreilles. Le 20 janvier Donald Trump s'exhibait dans un discours ronflant, poitrail bombé : '' Je suis cupide, cupide, cupide ! '' clamait-il avec l'assurance d'un tribun romain. Ce partisan de la torture portait aux nues une doctrine salvatrice, prônant très haut les vertus de la finance, avec un projet passablement réchauffé, celui de reconstruire le rêve américain ( ? ). Se donnait-il en exemple pour convaincre chaque américain de suivre cette voie vénale ?
Nous étions en famille devant le poste de télévision. Qu'est-ce qu'il a dit ? ... Stupide, stupide, stupide ? Non, c'était bien '' Cupide '' martelé trois fois. Passe encore pour un gag à la Canteloup, mais un président des Etats Unis qui s'adresse à 579 millions d'américains, voilà qui fait plutôt lourdaud, et comme on dit '' ça la fout mal '' . Sitôt le président installé, d'énormes manifestations ont déferlé pour chahuter le roi Picsou. Les artistes eux-mêmes ont boudé la cérémonie d'investiture. Voilà l'Amérique scindée en deux, une situation qui nous rappelle la mise en garde d'un autre président, Thomas Jefferson, le troisième président des Etats-Unis, visionnaire celui-là. Il déclarait en 1802 :
'' Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d'abord par l'inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquis .''
Cette prémonition devait se confirmer par la crise des subprimes en 2007-2008.
Le mot capitalisme date du 16 eme siècle. Il relaya le mot usure pour faciliter l'expansion de l'industrie, mais le prêt à intérêt n'en fut pas pour autant maïtrisé, à tel point qu'aujourd'hui huit milliardaires possèdent la moitié de la richesse de la planète, ( source Oxfan ).
Au Moyen Age la question de l'ususre fut âprement discutée, notamment aux Conciles de Latran 3 en 1179 et Latran 4 en 1215. Aristote, Platon, Saint Thomas d'Aquin et Saint Augustin étaient contre l'usure. Aristote écrit : '' Ce qu'on déteste avec plus de raison, c'est la pratique de l'usure, car elle consiste à créer de la monnaie à partir d'elle-même, alors que la monnaie à été créée pour l'échange, non pour se servir elle-même. ''. Saint Augustin écrit : '' Certains prêteurs osent dire : je n'ai pas d'autres moyens d'existence - un cambrioleur ( latro ) m'en dirait tout autant ''. Le concile de Nicée interdisait aux clercs tout trafic d'argent quel qu'il soit. Saint Augustion condamne le prêt à intérêt : '' Recevoir un intérêt pour l'usage de l'argent prêté est en soi injuste, car c'est faire payer ce qui n'existe pas ''. Dans les évangiles chrétiens la scène de Jésus chassant les marchands du temple est restée célèbre. Les lobbyistes de tout poil pourraient s'en inquiéter. Le Coran aussi rejette sept fois l'usure, laquelle '' dévore en fraude les biens des humains '' sourate 4-16. Nous lisons également dans l'évangile de Thomas ( texte gnostique découvert en 1945 à Nag Hammadi, Haute Egypte ) : '' Si tu as de l'argent, ne prête pas à usure, mais donne à qui ne rendra pas '' Logion 95.
Le déséquilibre s'accroît et les associations de bénévoles ne pourront bientôt plus secourir ceux qui sont dans le besoin. Qui n'aspirerait pas à une meilleure répartition des richesses ?
Bernard Cattiaux