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Billet de blog 25 juillet 2024

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A propos de la GPA, un débat à l'envers

Depuis que ce sigle est entré dans le débat public, je ressens un malaise à en débattre. Et puis, je m’aperçois que traîne, dans les arguments échangés un flot de stéréotypes, d’habitudes de pensées, de préjugés qui se percutent mal, tant les bases du débat sont biaisées par un retournement du sens des mots.

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Depuis que ce sigle est entré dans le débat public, je ressens un malaise à en débattre. Et puis, je m’aperçois que traîne, dans les arguments échangés un flot de stéréotypes, d’habitudes de pensées, de préjugés qui se percutent mal, tant les bases du débat sont biaisées par un retournement du sens des mots. Alors je vais essayer de remettre en toute modestie, les termes du débat sur une base solide.

Tout d’abord le sigle. C’est un problème en soi. Gestation Pour Autrui. Ce terme laisse supposer que des femmes (il s’agit forcément de femmes) se réveillent un beau matin en se disant « tiens, je ferais bien un gosse pour quelqu’un ». Sauf que... qui peut y croire ? Le sens du terme ne vient pas de là, il vient de l’exact inverse. Il vient de personnes seules ou en couple qui pour X raisons ont un désir d’enfant qu’elles ne peuvent satisfaire par elles même. L’initiative vient de la demande d’enfant, en aucun cas de l’offre de grossesse et par conséquent l’explicitation du signe est mensongère (volontairement ou non, c’est un autre débat, mais rappelez-vous comment une manifestation contre le mariage des homosexuels et devenue par le miracle de la com. « la manif pour tous »). Logiquement la GPA devrait s’expliciter par Gestation « PAR » autrui et non pas « POUR » Autrui.

Pour moi, pas de soucis, le désir d’enfant est un beau désir, s’il est accompagné d’un projet de vie pour lui-même et des conditions affectives et matérielles minimales qui mettent son bonheur d’enfant comme hypothèse la plus probable (aucune assurance ne garantira jamais le bonheur de l’enfance, le risque du projet restera un risque). Et cela quelque soit la configuration des demandeurs.

Le problème posé à la société est qu’une telle demande a pour réponse connue, l’adoption et ses services dédiés. On peut discuter du fonctionnement du système d’adoption et le réformer. Il reste qu’un projet de vie pour un enfant peut se bien construire à partir d’un enfant bien vivant, avant d’aller faire déclencher une grossesse chez une femme. Comme l’offre de grossesse n’est pas spontanée, il faut qu’un tiers (un autre « autrui ») s’occupe de la trouver et au besoin de la stimuler (voir de la manipuler). Dès cet instant, on rentre dans la marchandisation des femmes. C’est-à-dire que le métier de « chasseurs de ventre » comme on parle de chasseurs de têtes va devenir un passage obligé de la transaction et mettre des femmes en situation de « sous-traitance » de la grossesse impossible d’une autre femme, sans maîtrise de l’avant, du pendant et de l’après.

Maîtrise de l’avant ? Qui « ensemence » la femme ? et comment ? un homme de son choix en lui faisant l’amour? le futur père par seringue interposée ? le sperme d’une banque, juste le temps qu’il dégèle ? Transaction anonyme sur catalogue ou rapports humains liés par le projet de vie ? La femme sollicitée n’a la main nulle part.

Maîtrise du « pendant :

Quelle maîtrise, la femme, garde- elle sur sa grossesse ? qui rédige et qui contrôle le contrat de sous-traitance (parce qu’il y a forcément contrat dans un transaction à 3). La femme n’a pas la main sur le libellé du contrat

Maîtrise de l’après :

Qui se préoccupe et l’accompagne dans son retour de couches ?

Le projet de vie lui propose-t-il un rôle après la naissance ?

Qui l’aide à gérer le lien affectif à l’enfant ?

la femme est laissée au bon vouloir « humaniste » réglementé ou non du tiers intermédiaire et des demandeurs.

Autour de ces questions, on voit se profiler toutes les perversions possibles du désir d’enfant liée à la culture de notre société, marchande, patriarcale et bourgeoise.
Marchande : il se crée un marché de ventres qui se régule par l’offre et la demande aux conditions du tiers intermédiaire puisque c’est lui qui réalise l’existence du marché à partir de la demande. A lui de trouver la ressource pour satisfaire la demande. L’offre étant inexistante, il faut acheter la ressource…aux conditions du marché, ce qui ouvre le marché spéculatif des ventres.

Patriarcale : le marché remet à sa place l’image des femmes dans leur rôle de pondeuses d’enfant en les privant du choix du géniteur et du plaisir.

Bourgeoise : le désir d’enfant confondu avec l’achat et la possession, allant pour certaines et certains jusqu’à revendiquer « le droit à l’enfant », avec le sous entendu « de son sang » et hiérarchisation des femmes entre celles qui pondent et les autres qui ont les moyens de sous-traiter.

Pourtant il y a un moyen logique de réorienter le débat sur un base saine, équitable et féministe.

Celle du réel de la société et de ses rapports sociaux tels qu’ils existent. D’une part, le désir d’enfant est un fait, il peut être recensé et en constituer une liste, comme celles et ceux qui attendent un rein, un cœur à greffer. C’est la liste des demandeurs de gestation par autrui.

 D’autre part, des femmes quelles qu’en soient les raisons, décident d’accoucher sous X ou décident d’avorter. Si, au moment de leur choix, un intermédiaire leur propose de rencontrer des personnes demandeuses et qu’elles parlent de leur projet de parentalité, libre à elles de leur répondre oui on non, d’aller ou non au bout de la grossesse en sachant qu’à la naissance il y aura un projet de vie pour l’enfant. De ce fait, leur abandon ou leur IVG n’est plus la seule option.  Ce qui est vécu par elles comme un échec culpabilisant devient un transfert affectif possible et rassurant. De l’autre côté, la relation est libre. A la rencontre de la mère potentielle ou future, les demandeurs peuvent dire oui ou non à la poursuite du projet, le feeling passe ou ne passe pas. Le refus de l’enfant répond au désir d’enfant en tout connaissance de cause et de respect mutuel.

Quantitativement, je n’ai aucune idée des demandes et des refus. Aux demandes excédentaires, s’il y en a, reste l’adoption…

Vous me direz que mon« droit à l’enfant de mon sang » m’est refusé. Oui et alors, est-ce que ce n’est pas une bonne chose, au nom de la liberté, l’égalité  et la fraternité, finalement ,pour ce qui aurait été un enfant chosifié, marchandisé ?Alors que tant d’enfants de par le monde souffrent de n’avoir pas de parents.

Bernard crozel

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