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Billet de blog 13 janvier 2023

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Production d’électricité de la France : 2022 l’année maudite

En 2022, la France a dû importer 14,4 TWh des pays européens voisins, alors qu’elle exportait les années précédentes. Les flux entre l’Allemagne et la France mettent en évidence que le Prix du marché Spot est toujours en défaveur de la France : il y a une anomalie dans le mécanisme du marché européen de l’électricité.

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Production d’électricité 2022 en France

En 2022, la production d’électricité de la France est en retrait de 78 TWh (soit -15%) par rapport à 2021. Malgré que la consommation d’électricité soit en retrait de 19,3 TWh par rapport à 2021 (soit -4%), RTE a dû importer 14,4 TWh en 2022 des pays européens voisins, alors qu’en 2021 RTE exportait 45,3 TWh.

En 2022, avec l’arrêt de la moitié des réacteurs nucléaire, la production électrique du nucléaire est de 278 TWh, soit un retrait de 23% par rapport à 2021, avec une puissance installée identique.

L’hydroélectricité est aussi en retrait de 4,7% par rapport à 2021 avec une puissance installée identique, du fait de la sécheresse de cet été 2022.
L’éolien avec 550 MW de puissance installée supplémentaire, apporte 38 TWh de production d’électricité supplémentaire, soit une progression de 30% par rapport à 2021.
Le photovoltaïque avec 1 165 MW de puissance installée supplémentaire, apporte 18 TWh de production d’électricité supplémentaire, soit une progression de 30% par rapport à 2021.

La production d’électricité des centrales à charbon est en retrait de 6% par rapport à 2021, à puissance installée identique. On aurait pu penser qu’avec la réouverture des centrales à charbon de Saint-Avold (600 MW) en Moselle, et de Cordemais (2 x 580 MW) en Loire-Atlantique, la production d’électricité aurait augmentée !.

La production d’électricité des centrales à fioul a progressé de 2% par rapport à 2021.

La production d’électricité des centrales à gaz a progressé de 10% par rapport à 2021.

Illustration 1

Production d’électricité 2022 en Allemagne

En 2022, la production d’électricité de l’Allemagne est en progression de 5 TWh (soit 1%) par rapport à 2021. La consommation d’électricité est en retrait de 20,3 TWh par rapport à 2021 (soit -4%), l’Allemagne a augmentée ses exportations d’électricité de 8,9 Twh vers ses pays frontaliers.

La production des centrales à lignite et à charbon est le premier apport en électricité avec 166 TWh, soit 1/3 de la production globale, avec la pollution qui va avec.

Le deuxième poste de production d’électricité provient de l’éolien avec 125 TWh, soit 25% de la production globale.

Le troisième poste de production d’électricité provient du photovoltaïque avec 55 TWh, soit 11% de la production globale.

Le quatrième poste de production d’électricité provient des centrales à gaz avec 53 TWh, soit 10,5 % de la production globale.

La production nucléaire à un taux de charge sur 2021 et 2022 supérieur à 90%. Cela paraît très surprenant. L’Allemagne devait mettre dans sa réserve stratégique 2 centrales en 2022 (Puissance installée divisée par deux en 2022).

Illustration 2

Prix du MWh sur le marché Spot

En se référençant à la base de données SMARD des prix horaire de l’électricité sur le marché Spot   en 2022, des pays frontaliers à l’Allemagne, voici les prix de la France, de l’Allemagne, de l’Italie du Nord et de la Suisse.

Les variations journalière étant très importante, j’ai fait une moyenne journalière (sur 24 h), puis une seconde moyenne sur une semaine (7 jours). On s’aperçoit que : 
- le prix de l’Allemagne est bien souvent inférieur aux prix de la France,
- le prix de l’Italie du Nord est très souvent supérieur aux prix de la France.

Illustration 3

Sur le site RTE, on trouve : " Les prix dépend aussi de la capacité des interconnexions. Tant que les limites de l'interconnexion ne sont pas atteintes, l'écart de prix entre les pays est nul. A contrario, une capacité d'échange insuffisante crée une différence de prix entre les marchés de gros.". Les capacités d’interconnexions entre la France et l’Allemagne sont de 7 000 MW :

Illustration 4

Si le courant dépasse le courant admissible de l’interconnexion, la protection de maximum de courant ouvrira l’interconnexion (c’est son rôle). Par conséquent les explications de RTE ne tiennent pas la route.

Sur le site EPEX Spot, on trouve : " En mai 2015, une nouvelle méthode de calcul des capacités transfrontalières, basée sur les flux, a été introduite dans les pays de la région CWE. L’algorithme EUPHEMIA permet le calcul simultané des prix du marché et des flux sur les interconnexions. ».

Sur le site RTE, on ne trouve que le solde des échanges par tranche horaire avec les pays voisins, et en l’occurence pour les échanges avec l’Allemagne, c’est celui de l’Allemagne et de la Belgique.

Ainsi pour trouver les échanges entre l’Allemagne et la France, il faut aller sur le site SMARD qui donne les 2 flux par tranche horaire : import et export entre l’Allemagne et la France.
En 2022, la France a importée de l’Allemagne 8,820 TWh et exportée vers l’Allemagne 3,381 TWh. Le solde d’importation d’Allemagne est de 5,439 TWh.

Sur l’année 2022, les importations et les exportations entre la France et l’Allemagne ont été inférieures à 5 000 MW par tranche horaire.  
Le 22 octobre 2022 la France a exportée vers l’Allemagne 79 GWh, avec un maximum de 4,3 GWh à 4 h.
Le 11 décembre 2022 la France a importée d’Allemagne 93 GWh, avec un maximum de 4,9 GWh à 19 h.

Illustration 5

On constate que les écarts de prix en la France et l’Allemagne, divisés par le flux entre la France et l’Allemagne (importation ou exportation) sont toujours en défaveur de la France.

Il aurait été normal, d’après la loi de l’offre et de la demande, que lorsque la France exporte vers l’Allemagne que le prix du marché Spot de la France soit supérieur au prix du marché Spot de l’Allemagne. Or ce n’est pas le cas : il y a donc une anomalie dans le mécanisme du marché européen de l’électricité.

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