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Billet de blog 12 février 2011

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Le lycée autogéré reçu au Rectorat

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Voici maintenant un compte-rendu rédigé par une participante à la rencontre du vendredi 11 février, au Rectorat de Paris.

Le lycée autogéré reçu au Rectorat

Il y a presque trente ans

L'année scolaire 2011-2012 allait être la trentième année du lycée autogéré de Paris. Après bien des années de combat pour être reconnu à part entière dans le service public, il semblait qu'enfin la Région pourrait participer à l'effort financier que représente cette expérience. Il faut savoir qu'un certain nombre de travaux d'entretien et de réfection sont pris en charge par les membres du lycée, et spécialement notre ouvrier d'entretien, et financés avec les crédits pédagogiques. En décembre, une convention venait d'être signée par le Rectorat de Paris, qui allait permettre de « normaliser » les rapports avec la région. Cette convention pouvait laisser croire qu'il y avait enfin une forme de consensus dans l'administration pour reconnaître ce qu'apportait le lycée autogéré à l'éducation nationale, et qu'il était temps d'éliminer les dernières entraves à son fonctionnement.

J'affirme que de nombreux membres de l'administration ont soutenu ce lycée. Ils ont permis son ouverture, ils ont admis quelques crises de croissance, et ensuite, malgré son absence de définition « bureaucratico-juridique », ils ont tout fait pour que nous ayons les moyens de fonctionner. Je suppose qu'ils ont dû lutter là où ils étaient pour imposer que le lycée survive, puisque je savais qu'il existait des opposants farouches.

Révision générale des politiques publiques

Mais voici que se met en place une RGPP, une révision générale des politiques publiques. RGPP un sigle magique derrière lequel on peut se cacher pour prendre des décisions iniques. Et pourtant...

Si on fait l'effort de lire les textes, en prêtant attention au contenu plutôt qu'au style, on peut noter que la réforme du lycée se fixe pour objectifs d' « Améliorer la poursuite d’études dans le supérieur et lutter contre le décrochage scolaire »

de « Mieux accompagner :
- Être mieux soutenu tout au long de son parcours :
- Mise en place d’un accompagnement personnalisé de 2 heures hebdomadaires pour tous
- Constitution de groupes à effectifs réduits en fonction des besoins des élèves
- Mise en place d’un encadrement par des enseignants formés spécifiquement à cette nouvelle modalité pédagogique »

Nul ne peut ignorer les dégâts, volontaires ou involontaires, que provoque notre système scolaire, et c'est pourquoi il est apparu de première importance qu'il existe des lieux où l'on puisse tant bien que mal, remédier à cet état de fait.

Mais cette RGPP se propose aussi ce qui suit.

3 - Améliorer la gestion des enseignants

Il convient pour l’avenir d’améliorer la disponibilité de la ressource enseignante. L’analyse de la part du potentiel enseignant en responsabilité d’une classe permet de mettre en évidence la possibilité de recentrer certains personnels assurant des fonctions non directement liées à l’action éducative sur la prise en charge de la difficulté scolaire. De la même manière, il apparaît nécessaire que chaque académie, en fonction de ses spécificités, recense les activités que recouvrent certaines décharges horaires non statutaires et les limite à celles qui confortent l’acte éducatif.

De plus, il est question de par­ti­ci­per à un effort natio­nal de ges­tion res­ser­rée, qui doit conduire à la suppression de 16000 postes d'enseignants à la rentrée prochaine.

Le lycée autogéré reçu au Rectorat

Dans ce contexte, la Dotation Horaire Globale du lycée autogéré, DHG, vient de diminuer de 100 heures, ce qui se traduit par une diminution de l'encadrement de 5 postes. L'information est parvenue au lycée le jeudi 3 février à 18h 30. Pour mémoire :

  • 500 heures ont été attribuées (449 HP + 50 HSAi ou équivalents) pour l'année scolaire 2009-2010

  • 408 heures (366 HP + 42 HSA) pour 2010-2011

C'est ainsi qu'une délégation composée de trois enseignants et de deux élèves a tenté de se faire entendre au rectorat de Paris ce vendredi 11 février, à partir de 17 heures.

Face à cette délégation se trouvaient Mme Monique RAUX, secrétaire générale de L'Enseignement scolaire, M. Philippe FATRAS, inspecteur d’académie chargé du 2d degré (IA-DSDEN), Mme Pascale BEULZE, chef de la Division de l’organisation et de la programmation scolaires (DOPS) et Mme Dreux, chef de bureau de la DOPS.
Pascal, coordinateur du LAP, a introduit la réunion en attaquant la forme, la violence d'une annonce faite par mail sans aucune concertation préalable. Il a souligné fortement que la suppression de 20% des moyens de n'importe quelle institution signe la fin de l'institution. Il a proposé comme image la suppression de 20% des postes de recteur ou de 20% du personnel du rectorat. J'ai pris la parole sur l'ensemble des tâches accomplies par un prof au LAP ce qui entraîne l'impossibilité d'utiliser le calcul administratif H/E, heures d'enseignement sur le nombre d'élèves. Je leur ai soumis l'idée que s'ils voulaient utiliser ce seul calcul, ils pourraient supprimer 10 postes au LAP, qui deviendrait un lycée traditionnel sans administration, sans vie scolaire....
La délégation du lycée a été désarçonnée par la façon dont les membres du rectorat ont pu affirmer qu'ils ignoraient tout de ce qu'était le lycée autogéré : aussi bien au niveau du recrutement des élèves, qu'au niveau de l'encadrement.
Non seulement cette rencontre était prévue, et avait certainement été préparée, mais encore, il y avait cette fameuse convention qui venait d'être signée. Des fonctionnaires de ce niveau auraient-ils soudain perdu la mémoire ?
Méthode de calcul
Donc, Mme Beulze et Mme Dreux ont expliqué comment le calcul avait été fait, calcul qui oubliait l'absence de tous les personnels autres qu'enseignants, qui dans un établissement normal aurait été là : outre les 6 Atos, peut-être un CPE, un proviseur adjoint, un(e) documentaliste,etc.
À la DOPS, ils ont tenu compte des heures matières, et ils ont été généreux sur les effectifs, ont-ils dit.
Ils auraient utilisé la base élève Sconetii, à un moment où seulement 210 élèves étaient enregistrés, et se seraient référés à leurs tableaux précédents.
Hélas, il semblerait que pour garder intact leur mode de calcul, leurs prédécesseurs nous aient causé du tort :
Puisque le nombre de postes est proportionnel au nombre d'élèves, il est plus simple de partir des 25 postes, d'en déduire le nombre d'élèves pour finalement remplir le tableau de DHG. Et ainsi d'obtenir le nombre de postes nécessaires au fonctionnement du lycée.
L'inconvénient de la méthode, c'est que si l'on part de 280 élèves dont certains sont fictifs, que l'on arrive à 210 (ce qui de toute façon est faux), et que l'on fait une extrapolation pour l'avenir, on peut « démontrer » qu'il y aura une baisse importante des effectifs. Or, la gestion resserrée consiste à faire des projections dans l'avenir, avec les données actuelles, dont on ne sait d'ailleurs si elles sont fiables ou non.
Nous pouvons difficilement croire à l'étourderie et à l'ignorance de personnes aussi haut placé, même si un ancien ministre peut se vanter en direct à la télévision de ne rien savoir de la proportionnalité.
Sur Paris, 27 postes sont supprimés, et la participation à cet effort est de 5 postes pour le lycée.
Soit il s'agit d'un acte de malveillance isolé, soit il s'agit d'une action concertée.
Ils nous ont demandé de venir au LAP après la rentrée pour découvrir ce qu'est vraiment le LAP et mesurer avec nous nos besoins. Ils affirment qu'ils soutiennent le LAP et qu'ils ne souhaitent en aucun cas sa fermeture.
Pascal a de nouveau souligné l'aberration de leur proposition qui signe la fin du LAP.
Je suis intervenue pour redire que nous faisons un travail difficile depuis 28 ans dans le cadre de l'Éducation Nationale, que nous n'avons jamais demandé de privilèges et que nous ne pouvons accepté aujourd'hui que la suppression des postes rendent notre œuvre collective impossible en nous rendant totalement esclave. Bien sûr nous avons souligné notre engagement de travailler 25 heures dans l'établissement.
Nous sommes tous fonctionnaires
M. Philippe Fatras a conclu la réunion en rappelant chacun à son devoir d'obéissance. : « Autour de cette table, nous sommes tous fonctionnaires ! ». Puis : « Vous devez par­ti­ci­per à l'effort natio­nal de ges­tion res­ser­rée voté démocratiquement par la représentation nationale ».
Ils vont donc venir visiter le lycée et reculer sur une partie de la baisse, mais jusqu'où ? Les propos de M. Philippe Fatras nous ont fait comprendre qu'ils ne restitueraient pas les 100 heures de DHG.
Et dehors...
Pendant ce temps-là, une soixantaine de personnes de tous âges, des élèves, des anciens élèves, des parents d'élèves, des sympathisants nous soutenaient devant le rectorat. Des musiciens de la fanfare Tarace Boulba entretenaient le moral des troupes avec leur musique entrainante. Et des élèves faisaient de jolis dessins à la craie sur le trottoir... Une journaliste de Fréquence Paris plurielle tentait de capter l'événement avec son micro.
Quand nous sommes sortis, épuisés, je peinais à retenir mes larmes. Pascal a réussi à faire un compte-rendu de l'entrevue au mégaphone.

Anne-Marie

Professeur de Physique -Chimie au Lycée autogéré de Paris.

iHP pour Heures postes et HS pour Heures Supplémentaires et HSA pour Heures supplémentaires Années

iiSconet, mot valise de l'expression Scolarité sur le Net, est l'application informatique nationale de gestion des élèves, mise à disposition des établissements scolaires du second degré en France (Wikipedia)

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