Je donne ici un témoignage encore, reçu tel quel, avec ses coupures, il y a quelques jours.
Lettre de soutien au L.A.P.
(Lycée Autogéré de Paris)
Extraits aléatoires :
En quelques sortes je dois à ce lycée de pouvoir oser vivre ma vie pleinement. Les différents établissements que j'avais connus auparavant m'avaient rendu incapable de croire en moi, dégouté d'apprendre et méfiant à l'égard des autres. Le L.A.P m'a rendu ma curiosité d'origine, ma confiance en la vie et m'a offert le sens du mot « altérité ».
C'est au l.a.p. que j'ai pour la première fois de ma vie pu avoir des rapports d'égalité avec des adultes.
C'est au l.a.p que j'ai pu établir un lien cohérent entre ma compréhension du monde et comment je pouvais y intervenir.
C'est véritablement là que j'ai pris conscience que mes actes avait une incidence sur les autres (et vice-versa)
Qu'il y a un lien direct entre ce qu'on porte chacun et ce qu'on peut accomplir collectivement.
J'ai pu prendre le temps de mieux comprendre ce qui m'était essentiel, l'approfondir et trouver des alliés...
On y a tenu compte de ma parole de mes opinions , j'ai pu en débattre avec d'autres, me confronter à leurs points de vues d'égal à égal avec écoute et respect. J'ai réalisé plus tard à quel point ces espaces étaient rares et pourtant essentiels.
J'ai longtemps critiqué le L.A.P lorsque j'y étais et pendant quelques années après. Or c'est justement parce qu'il existe que j'ai pu le faire.
Le L.A.P est le lieu qui m'a accordé une place à un âge où il devient crucial d'en trouver une.
Le L.A.P m' a permis de respirer dans une société tellement accès sur l'individualisme, le conformisme et la compétition qu'elle en devient irrespirable.
Le L.A.P est le seul lieu ou j'ai pu prendre le temps de comprendre ce que je voulais être et devenir en dehors des impératifs du marché du travail , libéré de l'obligation de savoir ce qu'on va faire plus tard ou d'avoir à prouver sans cesse ce que l'on vaut ou plutôt à quoi on sert.
Le L.A.P m'a rendu à moi-même en me renvoyant une image autre que celle de cancre ou d'inadapté.
(...)
La critique des systèmes scolaires en général et de l'éducation nationale en particulier ne m'a jamais incité à aller défendre des établissements (fussent-ils laïques et républicains). J'ai moi-même trop souffert au travers de méthodes d'enseignements archaïques et contreproductives, de rapports de soumission et de docilité avec les enseignants et de l'impossibilité de trouver une place et un rythme qui me convienne, autrement dit de m'adapter au système...
J'y ai trop souffert pour aller défendre ces lieux de tortures physiques et mentales , d'agressions psychiques permanentes que sont les écoles, les collèges et les lycées.
Si je fait une exception aujourd'hui c'est parce qu'il s'agit d'un lieu
exceptionnel et rare (il n'y en a que 2 en France !) et que j'ai le sentiment que je le dois aux prochaines générations.
Je doit au L.A.P bien plus que la vie, puisque je lui doit ce que je suis devenu.
(...)
Autres réflexions :
A un moment il y a choix à faire : soit on tue, soit on fait vivre.
Soit on tue ce qu'il reste d'issues dans un monde replié sur lui même, ce qu'il reste de soupapes à un système déjà fortement pressurisé, et dans ce cas on ne s'étonnera guère que cela pète.
Car la vie elle aussi a ses impératifs : elle continue coûte que coûte.
Et si les gens comme moi, n'ont plus nulle part où aller, si il n'y a plus d'ailleurs alors il va bien falloir être ici...
D'une manière ou d'une autre !
Il est impensable et extrêmement dangereux de supposer qu'une réduction de budget dans un processus d'éducation puisse être anodin et sans conséquences.
L'éducation, le fait d'apprendre, ne devrait pas être laissée aux mains des institutions , ni d'enseignants , ni de pédagogues. L'apprentissage devrait être le fait de tous partout tout le temps et ne pas être dissocié de la vie. Vivre c'est apprendre.
Le système scolaire traditionnel est entièrement orienté vers la productivité et l'acceptation des normes sociales actuelles. Il est inutile de rappeler ici que ces normes, si elles arrangent certains, isolent, tuent, enferment et étouffent nombre d'entre nous.
Combien de vies sacrifiées pour le maintien des traditions pédagogiques, des exigences de rentabilité et le respect de la hiérarchie.
Dans les écoles , au travail, dans les prisons, les H.P, dans la rue, dans les campagnes et dans les foyers, combien de suicidés , combien d'épaves, combien de dégoutés d'apprendre, de créer et de vivre avons-nous produits chaque jours ?
Le coût de la réussite individuelle de quelques uns est bien cher payé pour tous les autres.
Le confort des élites est de moins en moins vivable aux gens d'en bas.
A travers l'histoire il y a eu des tentatives.
Il y a une autre histoire derrière celle qu'on étudie à l'école , écrite par les vainqueurs pour les futurs conquérants.
J'ai commencé à décrocher en histoire lorsqu'on étudiait les rois de France, je ne m'explique toujours pas pourquoi et j'ai raccroché au L.A.P en écoutant fasciné l'histoire de l'Espagne de 36, de la commune de Paris et de toutes les tentatives historiques de s'affranchir d'un monde basé sur la domination des uns sur les autres.
Signé : un élève ancien mais toujours lapien !