Deux principes pour un lycée différent
En juin 2011, le lycée autogéré de Paris aura atteint 29 ans. Cette structure originale du service publique de l'Éducation Nationale s'adresse à des enseignants et à des élèves « volontaires ». Le lycée autogéré accueille parmi d'autres des élèves en souffrance, en échec, décrocheurs… mais ce qui le distingue de la plupart des lycées publics, c'est la mise en pratique de deux principes.
Le premier principe est celui de l'autogestion, on peut le qualifier de principe « positif ».
Il y a une véritable autogestion de l’établissement par l’équipe et il y a aussi une forme d’autogestion par les élèves. Tout membre de la communauté scolaire est considéré comme une personne. (ouvrier d’entretien, élève, enseignant, etc.) et lors des prises de décisions formalisées, c’est le principe « une personne, une voix ! » qui est appliqué. Le modèle est celui de la coopérative. Cela implique que tout individu fréquentant cet établissement est digne de considération. Cela implique que tout le monde assume les tâches indispensables, et a pu justifier le nombre très faible de personnels spécialisés : actuellement un ouvrier et une secrétaire.
Le deuxième principe est celui de libre fréquentation par les élèves, on peut le qualifier de principe « négatif ». L’absentéisme des élèves n’y est pratiquement pas puni. Ce principe favorise la liberté de parole et l’envie, le désir d’aller à l’école ou d’y retourner comme celui de participer aux activités.
Du temps, de l'énergie
La mise en œuvre de ces principes suppose une organisation du temps propre à l'établissement.
La grille d’emploi du temps fait une large place aux activités « politiques », c’est -à-dire aux réflexions sur ce qui se passe dans cette « petite cité ». La grille organise des rencontres variées entre élèves de tous niveaux et de toutes sections. De plus, le lycée accorde une large place aux activités artistiques mais, s'il ne prépare pas qu'au bac, il prépare au bac !
De par son existence, ce lycée démontre que l’on peut employer les ressources de l’éducation nationale autrement et à d’autres fins que celles communément admises, à condition d'accepter d'y consacrer du temps, et de l'énergie. Cette dépense d'énergie en fonctionnement normal est consacrée à la bonne marche de l'établissement. Enseignement, gestion, suivi d'élèves, concertation avec les collègues, cela constitue l'ordinaire de chaque prof.
Résumé des épisodes précédents
Actuellement, et ce depuis le 3 février 2011, l'essentiel des efforts est voué à la survie pure et simple de l'expérience. En effet, ce jour-là, on apprenait au lycée la suppression d'une centaine d'heures, dans le cadre de la participation à « l'effort national de gestion resserrée », ce qui entrainait la suppression de 5 postes d'enseignants, sur 25.
Les membres du lycée, des parents, des anciens professeurs et des anciens élèves se sont immédiatement mobilisés pour obtenir le rétablissement des « moyens humains ».
Une rencontre au Rectorat de Paris le 11 février a permis de limiter les dégâts. D'après les membres de l'Administration, cette diminution brutale du nombre de postes devait être mise sur le compte d'une étourderie ! Il a été rapidement question de ramener le nombre de postes à 24 et de rajouter un demi poste.
Dans le même temps, il a semblé opportun à l'Administration de proposer de travailler à une « meilleure » insertion de cet établissement dans le système scolaire parisien, voire à une « normalisation » de ses pratiques. De part son expérience accumulée au fil des ans le lycée autogéré pourrait apporter aux autres établissements quelques éléments dans le domaine du « décrochage scolaire ». Une « visite » de l'Administration était annoncée pour le mercredi 23 mars, lendemain de la tenue du Comité Technique Paritaire, chargé d'entériner les décisions en terme de gestion, pour l'Académie de Paris.
Les membres de l'Administration se voulaient rassurant quant à l'avenir du lycée autogéré. Il semble qu'ils n'avaient pas réalisé ce qu'ils avaient provoqué par cet acte d'une violence incroyable. En effet, ils s'apprêtaient à demander un effort supplémentaire aux membres de l'équipe. Certes, ces derniers étaient à nouveau reconnus implicitement comme enseignants-chercheurs. Malheureusement on ne leur accordait ni les moyens financiers ni les « moyens humains » qui devraient accompagner une telle reconnaissance.
Et, pas plus qu'ils n'avaient mesuré le ressentiment éprouvé par les membres du lycée et leurs amis, les membres de l'Administration n'avaient mesuré le sentiment de solidarité qui les liait à ceux qui se trouvaient dans les établissements « ordinaires ». S'attendaient-ils à ce qu'un groupe de personnes soit prêt à lutter pour défendre des valeurs et des convictions hors de leur territoire prétendument clos ?
Les demandes de partage d'expérience, si elles étaient sérieuses, supposaient au minimum le maintien de 25 postes. Quant à la lutte contre le décrochage scolaire, pour ce qui relève de l'école, elle mérite d'être menée en amont. Elle relève davantage de la prévention que de la réparation. Elle suppose que les enseignants soient considérés, respectés, et qu'ils soient en nombre suffisant pour nouer d'authentiques relations avec les enseignés.
C'est à partir de ces quelques considérations que des enseignants et des élèves du lycée autogéré ont occupé le Rectorat de Paris avec des enseignants d'autres établissements. Ils protestaient ensemble contre les suppressions de poste. Il y avait des enseignants du collège Colette Besson, des lycées Fresnel, Théophile Gautier, Voltaire, Gabriel Fauré. Les hasards du calendrier ont voulu que cet événement se produise le mardi 22 mars, date symbolique s'il en est.
La visite de l'Administration
Et le mercredi 23 mars à 14 heures une importante délégation du Rectorat arrivait au lycée. Il y avait du monde dans le jardin, le ciel était bleu, c'était réellement le printemps. Mais la tension était perceptible, et ici ou là, on évoquait la catastrophe japonaise, et le probable survol de la France par un nuage très faiblement radio-actif.
La délégation
Voici la composition de la délégation.
Plus particulièrement chargés de l'attribution des moyens :
Madame Marie-France Mathieu Secrétaire Générale Adjointe chargée du pôle EPLE et Monsieur Philippe FATRAS, Inspecteur d’académie chargé du second degré,
Chargés de la pédagogie :
Madame Marie-Christine Duval , IA/IPRde SVT,
Monsieur Wolf Halberstadt, IA IPR d'allemand,
Monsieur Dominique Marcaillou, IA-IPR de Physique ChimieDoyen des inspecteurs du second degré,
Et chargé de Mission « Innovations et expérimentations », Monsieur François MULLER.
Les ateliers
Ils ont été immédiatement accueillis en Assemblée Générale où une enseignante, Emmanuelle a présenté le déroulement de l'après-midi. Le coordinateur a procédé a un petit rappel historique et après une brève et émouvante mise en spectacle de témoignages d'anciens élèves, la délégation a été invitée à se rendre dans plusieurs salles dédiées aux thèmes suivants :
- Pourquoi et comment devient on élève au LAP ?
- Les groupes pédagogiques au LAP
- Les prises de décision (GB, RGG, Réunion d'équipe).AInsi
- Les commissions.
- Les projets et les ateliers
- Témoignages.
Le programme prévu n'a pu être respecté, car il était essentiel que tout le monde se retrouve en AG à 16 heures. Seuls les quatre premiers thèmes ont été abordés.
Ainsi des inspecteurs ont pu être amenés à entendre des paroles de lycéens.
Dans le premier atelier, ce qui apparaissait, c'est que la diversité des personnes et des aspirations n'est pas prise en compte dans l'enseignement ordinaire. Le manque d'écoute, de dialogue, voire le déni peuvent pousser des élèves à refuser d'aller à l'école.
Mais certains d'entre eux, qui se sentent « tout à fait normaux », peuvent éprouver le désir de sortir des sentiers battus et rejoindre cet établissement.
Dans le deuxième atelier les inspecteurs ont été surpris par le fait que les enseignants du lycée ne se sentent pas obligés de respecter les programmes officiels. Un point délicat était celui de l'assiduité dans les activités. Il n'existe pas de système formalisé, de sas pour ceux qui auraient manqué quelques cours. Comme on pouvait s'y attendre, la présence impérative dans les cours « classiques » n'était pas interrogée par les visiteurs. Au lycée, on veut en finir avec une présence uniquement physique, pour qu'enfin les élèves aident les enseignants à les aider. Les inspecteurs insistent sur le fait que certaines pratiques qui ont cours au lycée autogéré, autrefois innovantes, sont maintenant passées dans les mœurs : inter ou pluridisciplinarité, travail sur thème, interventions à plusieurs enseignants, etc.
Dans le troisième atelier, des élèves ont tenté de faire comprendre le mieux possible ce qu'était l'organisation politique du lycée autogéré : réunion d'équipe, groupes de base, réunion générale de gestion, assemblée générale. Comme souvent, ils ont été amenés à défendre une citoyenneté concrète, effective, et à dénoncer ce qui ressemble fort à une parodie partout ailleurs.
Ils ont véritablement la parole, et pas uniquement dans les temps et les instances prévus pour cela. Et ils l'ont démontré cet après-midi par une relative aisance, face à des adultes habitués à exercer des fonctions d'autorité.
Ils ont manifesté leur refus de se voir affublé d'une quelconque étiquette, en particulier de celle de « décrocheur », ce qui semblait contrarier les plans des visiteurs.
Alors que l'on aurait pu s'attendre à des questions sur la division du travail, le partage des tâches et des compétences, des responsabilités à l'intérieur de l'établissement, sur le régime politique interne, le propos s'est centré sur la question des contrôles et de l'évaluation, de la responsabilité juridique, et des relations avec les parents.
L'un des enjeux consistait à faire entendre que, mineur ou majeur, l'enfant est au lycée pour lui-même, et qu'il y répond de ses actes. A priori, il n'y a pas de comptes à rendre aux parents. Courageusement, quelques élèves ont expliqué comment très tôt dans l'autre système ils interceptaient le courrier destiné à leurs parents, comment ils signaient eux-mêmes les mots ou les carnets de correspondance.
Il n'y a pas eu de protestation de la part des Autorités. S’accommoderaient-elles de ces petites fraudes qui semblent fonder cette vénérable institution ?
Mais alors, les parents peuvent-ils savoir ce que font leurs enfants ? Une ancienne élève a expliqué qu'après quelque temps passé au lycée, elle montrait son carnet de bord, qui existe donc, à ses parents, de sa propre initiative.
Quand même, il faut être conscient des risques encourus si les absences ne sont pas signalées. Quelques membres de l'équipe ont été amenés à expliquer que la sécurité réelle des élèves passait avant leur propre sécurité administrative, et que de ce point de vue, en presque trente ans, le nombre d'accidents graves était infime. Et si la sûreté des élèves était à ce point, il fallait regarder avec attention ce qu'était le fonctionnement du lycée. Ce n'est pas du côté d'une chance extraordinaire qui présiderait aux destinées de cet établissement qu'il faut chercher l'explication. Chacun, au bout du compte, s'y sent concerné par ce qui arrive aux autres, et c'est ainsi que l'on évite le pire.
On a évoqué la judiciarisation de la société (à l'américaine comme il se doit, pourtant les lecteurs de Rabelais devraient savoir que cette judiciarisation n'est pas nouvelle). Mais cela ne semblait pas faire reculer les membres du lycée. Peut-être qu'à ce moment-là, les visiteurs ont été surpris voire admiratifs devant ce qui était à mettre au crédit des membres de l'équipe : plutôt que de l'inconscience, il s'agissait bien d'une forme de courage.
Après que chacun se soit employé à faire comprendre que les relations entre l'école, les enfants et les parents allaient généralement en s'améliorant, au point que la communication se rétablissait entre ses trois parties, la discussion est revenue sur l'ouverture (ou la fermeture) du lycée : ouverture aux autres établissements, ouverture aux regards extérieurs. Il est probable que l'énergie mise par des élèves à défendre leur lycée ait suscité quelque inquiétude quant au fonctionnement de ce lieu. En effet ce n'est pas une attitude que l'on s'attendrait à trouver chez des élèves en voie de « décrochage », de là à imaginer un fonctionnement sectaire...
Il a fallu évoquer toutes les demandes de visite, toutes les demandes pour réaliser des mémoires, dans le but d'obtenir des diplômes en Sciences de l'éducation, Sociologie, Anthropologie, etc. pour signifier qu'il y avait des regards extérieurs.
Et François Muller a rappelé qu'il avait été chargé du suivi de l'expérience, et que dans ce cadre une personne avait fait un travail sur le lycée.
L'atelier suivant, consacré aux commissions, a été écourté car l'équipe du lycée qui organisait la visite tenait à ce qu'il y ait un bilan collectif en Assemblée Générale.
Contentons-nous de rappeler que le fonctionnement du lycée est assuré par des commissions spécialisées, budget, entretien, relations extérieures, administration, etc. Et que ces commissions, impératives pour les enseignants, sont facultatives pour les élèves. Par contre, tous les membres du lycée ont à connaître de leurs travaux. En particulier, le budget est discuté collectivement, et adopté par vote.
Assemblée Générale
Lors du retour en Assemblée Générale, tous les membres de la délégation se sont installés face au public, en compagnie de trois enseignants, Emmanuelle, Pascal qui est coordinateur et Vincent, et d'une élève, Ambre.
On allait savoir ce qu'ils attendaient du lycée autogéré, et ce qu'il allait advenir du demi-poste manquant.
Le discours des inspecteurs pédagogiques comme celui de M. Muller était ambigu. Il oscillait entre l'envie de reconnaître l'originalité du lycée autogéré, sans pouvoir ni vouloir la nommer, et l'envie de faire reconnaître aux participants actuels de cette expérience la banalité nouvelle de ce qu'ils vivaient. Eux, qui sont à l'affût de tout ce qui bouge, savent qu'ailleurs, « ça évolue beaucoup plus qu'on ne le pense. Il y a beaucoup d'ajustements sur le terrain ».
Mais le coordinateur est revenu très vite sur l'action menée la veille au rectorat et la rencontre avec le Directeur des services académiques.
Monsieur Fatras a fait quelques remontrances après une action qui pouvait desservir le lycée. Et, malgré la situation très inconfortable qui était la sienne, il a prononcé un éloge sincère du lycée autogéré, « vivant, bien vivant ». Il a tenté d'expliquer qu'à sa place, il devait allouer le plus équitablement possible des moyens qui étaient limités. Il n'était aucunement responsable du contexte budgétaire.
Puis il a tenté d'expliciter les attentes, voire la commande, de l'Institution vis-à-vis du lycée.
Le lycée devrait se questionner, s'interroger et diffuser ce qu'il fait, ses résultats. Ce savoir-faire particulier acquis dans le domaine du raccrochage scolaire intéresse l'Institution.
Le lycée pourrait s'associer à d'autres structures, on créerait une synergie, on échangerait et travaillerait là-dessus.
Ensuite M. Marcaillou, doyen élu par ses pairs, explique qu'il a travaillé à la rédaction de la convention qui lie l'Académie de Paris, le lycée Jean Lurçat et le lycée autogéré. Cette convention qui avait été signée en décembre 2010 confère enfin un statut au lycée autogéré qui pourrait lui permettre de bénéficier des aides de la Région. Ce qui importe à ses yeux, c'est de donner du sens à l'enseignement, qu'il y ait des entrées thématiques, et de s'intéresser aux élèves en état de décrochage. Il manifeste l'envie d'aller voir ce qui se passe.
Deux élèves réagissent immédiatement.
Il n'y a pas que des élèves en état de décrochage ici, dit l'une.
On n'essaie pas de raccrocher des élèves, mais d'éviter un système qui fait décrocher, dit un autre. Il est très important de revoir tout le système : et la forme, et le fond.
Il faut revoir les pratiques pédagogiques au quotidien, dit un ancien élève.
Mme Duval — Vous semblez l'ignorer, mais c'est la révolution partout ailleurs dans l'Éducation Nationale.
M. Halberstadt — Il s'agit avant tout de la mise en activité des élèves. Nous négocions les contenus. On prône la prise de parole en cours de langues, on favorise des activités différentes. En France actuellement, l'Inspection est à la pointe de l'Innovation. Pourquoi ne pas croiser nos expériences ?
Une élève — Quel décalage entre vos discours et vos actes ! On veut bien nous faire participer ! Mais il y a un mois et demi, sans concertation préalable, une décision du Rectorat fait disparaître cinq postes. Nous sommes obligés de nous arrêter pour défendre le lycée. Tout le monde doit prendre sur ses projets...
M. le Doyen tente de répondre mais le coordinateur s'empare de la parole pour rappeler qu'en 2008, en présence de M. Muller, M. Soussan, alors Directeur des services académiques, avait attribué de sa propre initiative un demi poste supplémentaire au lycée parce qu’il estimait que la charge de travail l'imposait et qu'il était très difficile de travailler à mi-temps dans un tel établissement. Et de rappeler les propos de M. Jean-Paul Delevoye, UMP et médiateur de la République, qui vient de mettre en garde contre les humiliations que fait subir la machine administrative. Ces propos déclenchent un tonnerre d'applaudissements.
Un élève — Vous vantez les mérites de vos réformes. Mais il n'y a qu'une partie des élèves à qui elles conviennent. Vos réformes sont super, si vous le dites. Mais il n'y a pas beaucoup de petites structures...
Une élève — Vous parlez de changement. On fait une place à l'oral. Le problème, ce n'est pas seulement l'oral. La question, c'est comment fonctionne un cours, par rapport au prof, la relation qu'on établit. Actuellement, on ne peut pas dire qu'il y a du respect. Pour nous ce qui importe, c'est d'apprendre, de comprendre vraiment, pas de travailler pour des notes. Alors, si on enlève du temps...
Un élève — Faire des économies sur l'éducation et prétendre s'inquiéter des générations futures...
M. Fatras tente de reparler de la dette.
Une élève qui proteste — Normalement, on devrait être en cours. On passe le bac. Et on est obligé de se battre pour conserver notre lycée. Comment est-ce possible ?
Quelqu'un dit qu'il se sent insulté.
M. Fatras qui reprend ses explications — Il y a des choses sur lesquelles on peut agir, il y a des choses sur lesquelles on ne peut pas agir. Le budget de l'Éducation Nationale est un budget fermé, le budget de l'Académie est un budget fermé. Nous nous efforçons de faire une répartition la plus juste, la plus équitable possible. Nous opérons une ponction sur l'ensemble, tous établissements confondus, y compris les établissements privés. La loi de finances est votée tous les ans par la représentation nationale. Elle a fait le choix de diminuer la dette. Je n'ai pas le pouvoir d'agir autrement. Je termine sur le mot « insulté ». C'est votre liberté de le penser, mais il n'est pas du tout question de cela.
Une enseignante — Ce n'est pas en procédant de cette façon, en sacrifiant l'Éducation qu'on laisse quelque chose aux générations futures. Et puis, il y a une contradiction fondamentale dans vos propositions : vous nous demandez de faire plus avec moins. Entendez-le, si à vous, on vous enlève des postes, est-ce que vous ferez plus ? Tous les jours, nous sommes sur le terrain, et nous ne coûtons pas cher...
Quelqu'un — Votre devoir, ce n'est pas de pousser une gueulante ?
M. Fatras — Je suis ici dans ma fonction.
M. Halberstadt tente une conciliation. Il y a eu quelques paroles un peu malheureuses, alors que nous sommes ici pour entamer un dialogue sur la pédagogie. Quelqu'un a dit « les programmes, entre guillemets ». C'est regrettable, il n'y a pas de programmes entre guillemets. Nous sommes là pour trouver des manières de fonctionner avec les jeunes...
Une élève s'adressant à M. Fatras— Vous avez parlé de répartition équitable, mais ce lieu, il est unique.
Mme Duval — Les autres aussi sont uniques !
Un élève — Vous avez parlé de révolution dans le secondaire. Dans les collèges traditionnels, dans les lycées traditionnels, ils ne la voient pas la révolution. Ils n'ont vu aucun changement. Quelles que soient les réformes ! La révolution, c'est ici et maintenant !
Une parente d'élève — Il faut faire confiance aux enfants. Les enseignants ici ne sont pas du tout des laxistes. Ils font en sorte que chacun aille au bout d'un projet.
Une enseignante — J'ai une demande à formuler. Il y a eu une évaluation en 1993 sur le coût du lycée autogéré de Paris, et une comparaison avec d'autres établissements de même taille. J'aimerais que les calculs soient faits à nouveau.
M. Marcaillou, doyen, se voulant apaisant — Nous avions prévu de venir vous rencontrer chaque fois que possible...
La même enseignante, de mauvaise humeur — Peut-être qu'il nous sera difficile de vous accueillir...
Une élève — Je vous pose la question primordiale : est-ce que la suppression d'un demi poste est maintenue, ou pas ?
M. Fatras — Je ne suis pas décisionnaire.
Une mère d'ancien élève — Dans ce lycée, non seulement on y enseigne les savoirs, mais on y enseigne aussi la citoyenneté.
Monsieur Fatras rappelle que l'occupation du Rectorat la veille peut être contre productive.
Un ancien qui reprend la parole — Pouvez-vous nous dire quelle sera votre position face au recteur ? Je n'ai pas entendu votre réponse sur le demi poste.
Monsieur Fatras termine en disant que c'était au recteur qu'il donnait la primeur de ses avis.
Lorsque l'Assemblée Générale s'achève, la plupart des gens semblent épuisés, particulièrement M. Fatras et ceux qui ont représentés le lycée dans les négociations.
La visite s'achève par un goûter organisé par les membres du projet Comédie Musicale, mais les membres de la délégation du Rectorat ne s'attardent pas. Ils emportent un recueil de témoignages d'anciens élèves, recueil d'où étaient extraits quelques passages dans le spectacle du début.
Un ancien disait du lycée : « Sa part la plus belle, c'est sa part d'imperfection, sa part d'humanité ».
Bernard Elman