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Billet de blog 14 avril 2022

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L'irrationalité de voter pour la cause contre la conséquence

Quel que soit le résultat du 24 avril les conséquences seront très proches: les législatives ne donneront ni majorité présidentielle, ni cohabitation viable. La crise de régime conjuguée avec trois autres crises mondiales risque d'être accompagnée de violences armées. Plutôt que de participer au vote il vaut mieux organiser la résistance.

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Ma boule de cristal: MàJ. Version 2.0 

A. Quelle que soit l’issue le 24 avril :

  1. Comme désormais la France politique est divisée en trois blocs, le populisme de gauche de Mélenchon, le péronisme de l’extrême Centre de Macron, l’extrême droite fascisante de Marine Le Pen, aucune des trois tendances politiques n’aura vraisemblablement la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
  2. Comme les sondages donneront un score très serré, les zemmouristes armés et factieux risquent de suivre l’exemple de Trump pour multiplier les incidents au moment du vote, affirmer un résultat frauduleux en cas de victoire de Macron et refuser de reconnaitre leur défaite, demander un recompte etc., voire envahir l’Assemblée et en cas de victoire de Le Pen multiplier les incidents pendant la campagne des législatives etc. et multiplier les contestations et intimider les candidats pendant leur campagne.
  3. La crise de régime se conjuguera
    1. avec une crise économique violente à cause d’une inflation résultant du choc du covid qui a bouleversé les chaînes de valeur, le commerce mondial et la finance mondiale
    2. avec la crise géostratégique induite par la guerre en Ukraine et les conséquences des sanctions notamment sur l’Allemagne
    3. avec la crise du climat et de la biodiversité.

B. Les législatives pour les 3 pôles : 

1. Le parti de Macron, LREM, ne pourra pas bénéficier de l’effet de confirmation de la présidentielle de 2017 en cas de victoire en 2022. A fortiori s’il est battu par Le Pen.

Les électeurs naïfs qui ont cru à la disruption, à la modernité, à toutes les espérances de 2017 etc. auront pu vérifier pendant ces cinq ans que les promesses n’engageaient que ceux qui y croyaient et que la politique économique et sociale et l’autoritarisme méprisant de Macron n’était qu’une version cruelle et impitoyable du néolibéralisme qui était à peine moins pire que la politique ultralibérale promise par Marine Le Pen.

Beaucoup de députés du parlement godillot renonceront à se présenter. Soit qu’ils auront été dégrisés, plus particulièrement les anciens adhérents du PS, soit qu’ils auront physiquement peur puisqu’ils auront pu mesurer sur le terrain la haine que suscite Macron et anticipé les violences physiques des Zemmouriens. Ils ont pu en particulier s’en apercevoir au moment de la crise des gilets jaunes

D’autre part le parti LREM n’a aucune assise locale. Pour avoir des députés il serait obligé de passer des alliances avec les partis de gouvernement que Macron a complétement anéantis comme l’a révélé le premier tour. Bonne chance. C’est l’effet pervers de la verticalité du pouvoir de Macron.

2. Certes le FN a une implantation locale plus importante que LREM. Mais il ne pourra pas avoir de majorité absolue. Et à l’Assemblée nationale il se heurtera en permanence à une alliance Mélenchon Macron. En cas de victoire de Marine Le Pen il pourra encore moins que le LREM bénéficier de l’effet présidentiel.

3. La France insoumise a labouré le terrain depuis au moins trois ans. Elle commence à avoir une implantation locale. Il est vraisemblable qu’elle aura davantage de députés que LREM qui n’existe qu’à l’échelle nationale. Elle risque d’avoir également plus de députés que Marine Le Pen dans la mesure où celle-ci fait l’objet d’un rejet très majoritaire à l’échelle locale comme l’ont montré les récentes élections. Il peut donc imposer une cohabitation précaire quelle que soit la présidence. 

C. Hypothèse Macron : la plus vraisemblable.

Il n’aura pas la majorité absolue.

Il ne peut faire d’alliance ni avec Macron ni avec Le Pen. Il ne peut gouverner à la majorité relative à la merci d’une alliance de fait contre nature entre LFI et FN. Des débauchages individuels seraient insuffisants.

  1. Psychologiquement son orgueil ne pourra supporter une cohabitation. Si néanmoins il l’acceptait en fonction des majorités relatives cela risque d’aboutir à l’alternative de Mac Mahon au début de la III° République : « Se soumettre ou se démettre ».
  2. La cohabitation la moins improbable, est celle avec Mélenchon qui vraisemblablement relèverait le défi, chacun des deux engagé dans une lutte à mort.
  3. Étant donné la psychologie de Macron et étant donné le soutien des riches, du CAC 40, de l’Europe etc. c’est encore plus une crise de régime qui débouchera sur une crise sociale qui mettra à mal la dictature néolibérale de l’Europe.

 D. Hypothèse Le Pen : ce sera encore pire pour elle.

La crise de régime sera encore plus importante.

 Bref, dans tous les cas de figure, nous allons vers une crise de régime, conjuguée avec les 3 crises très graves mentionnées. La situation est donc très inquiétante parce qu’elle risque de dégénérer dans une violence généralisée et donc de faire le lit du fascisme.

Il y a d’autant moins à attendre des institutions légales qu’elles risquent d’être contestées par les trois pôles et plus particulièrement par l’extrême droite armée et relayée par les différentes polices, y compris privées. La victoire de Macron ou de Le Pen ne change pas grand-chose et les « tempêtes sous un crâne » risquent de distraire la perception des véritables enjeux et de différer dangereusement la préparation d’une entrée en résistance urgente. Il faut donc dissiper le plus rapidement les illusions électoralistes et légalistes. C’est pourquoi, dans l’immédiat il me semble qu’on peut éviter de se torturer pour savoir s’il faut voter Macron en se bouchant le nez dans le mesure il fait le lit de la tante en 2022 et de la nièce pour 2027. Comme dit Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui de plaignent des conséquences (la montée du fascisme) alors qu’ils en chérissent les causes (le néolibéralisme de Macron ».  Il est donc rationnellement exclus de tomber dans ce piège et cela prescrit de refuser de jouer à ce jeu de fou: un double bind.  

Je préfère donc l’abstention ou le blanc au vote de barrage pour Macron, dans la mesure où il faut à tout prix affaiblir au maximum la légitimité de celui ou celle qui sera élu.e président.e. Je préfère l’abstention au blanc parce que le taux de participation est affiché publiquement alors que le taux de blancs n’est ni affiché ni calculé.  

Et dans l’immédiat également il faut préparer activement les législatives afin que la cohabitation Mélenchon Macron advienne puisque c’est l’hypothèse la moins pire. Encore un trou de souris.

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