Plus de dix ans après son arrestation qui marquait la fin d’une séquence de l’Histoire de la Côte d’Ivoire où une force étrangère a délibérément choisit d’installer un homme soumis à sa vision des choses au mépris de la volonté des Ivoiriens, le président Laurent Gbagbo a de nouveau foulé le sol de son pays natal le 17 juin dernier.
Il est rentré auréolé d’une victoire sans coup férir à la Cour Pénale Internationale (CPI) où il avait été transféré dans l’illégalité la plus criante, totalement acquitté des charges qui avaient été littéralement « fabriquées » conjointement par le procureur de la CPI et certains dirigeants occidentaux, au mépris des règles les plus élémentaires du Droit.
Dès son arrivée au pays le président Gbagbo en donnera la confirmation la plus éclatante en affirmant avoir « eu peur que des choses se soient faites en mon nom (…) mais quand le procureur et son bureau ont commencé à décliner toutes les accusations, j’ai senti qu’il n’y avait rien et, à partir de ce moment, j’ai dit à ceux qui venaient me voir que j’allais retourner ».
Le président Laurent Gbagbo avait également précisé qu’il revenait pour continuer son combat politique, entamé il y a plus d’un demi-siècle, pour forger une Côte d’Ivoire démocratique, se décrivant comme « un soldat » et « mobilisé ».
C’est, ici, l’occasion de rappeler la vision de la lutte politique qui est celle de Laurent Gbagbo.
La lutte politique est d’abord celle des idées et du respect de l’autre. Toute sa vie publique a été guidée par ces valeurs et il est grand temps, dans l’intérêt du pays, de retrouver le vrai sens de ces valeurs et, dans le droit fil de son enseignement politique.
En octobre 1991, dans un ouvrage intitulé « Agir pour les Libertés » il écrivait ceci :
« Nous voulons construire un Etat stable. Il y a stabilité lorsqu’un Etat est capable-les règles du jeu ayant été au préalable définies- de régénérer ses institutions sans courir le risque de disparaître. Il y a stabilité lorsque des hommes peuvent perdre le pouvoir sans être tués et lorsque d’autres hommes peuvent accéder au pouvoir sans être tués ».
Agir pour les Libertés, c’est s’imposer à soi-même de respecter les règles élémentaires de la démocratie : idées politiques, croyances religieuses ou autres, bon usage du suffrage universel, en un mot, apprendre à vivre ensemble.
Ce n’est pas livrer son pays à une minorité sans scrupules, agissant pour son propre intérêt et non pas le bien des citoyens et dont la seule réponse, en toute circonstance, est celle de la violence sous toutes ses formes.
Agir pour les Libertés, c’est libérer tous les prisonniers politiques, leur rendre la jouissance légitime de leurs biens et de l’exercice de leurs activités professionnelles.
Ce n’est pas maintenir des centaines, sinon des milliers de personnes dans des enfermements précaires et douloureux, les priver, eux et leurs familles, des moyens de subsistance élémentaires.
Agir pour les Libertés, c’est donner à la jeunesse de son pays l’éducation nécessaire pour assurer son futur et celui de la nation.
Ce n’est pas conduire, par une politique scandaleusement discriminatoire, le système éducatif à sa ruine et à celle de l’avenir de sa jeunesse.
Agir pour les Libertés, c’est préserver le tissu économique et social, en encourageant l’initiative personnelle et en assurant le bon équilibre entre les employeurs et les employés.
Ce n’est pas accaparer les leviers de l’appareil productif au bénéfice de quelque uns, en particulier au mépris des règles de la bonne gouvernance.
Agir pour les Libertés, c’est développer de véritables Forces de Défense et de Sécurité, au service de tous les citoyens sur le plan intérieur et les protégeant des risques d’agression extérieure.
Ce n’est pas laisser prospérer des groupes armés autonomes qui, sous le vernis craquelé de « FACI », terrorisent les populations quand ils ne sont pas, entre eux, en conflit ouvert.
Agir pour les Libertés, enfin, c’est démontrer chaque jour sa volonté de travailler au bien-être du pays et de ses habitants, en respectant la séparation des pouvoirs et favorisant l’harmonie nationale.
Ce n’est pas s’ériger impunément « Grand Ordonnateur » de tout en foulant aux pieds le Bien Commun de tous, la Constitution, alors que l’on devrait en être le garant.
Dès fevrier1992, Achille Mba « découvre » ce livre de Laurent Gbagbo « Côte d’Ivoire : agir pour les Libertés » et il dépeint dans Le Monde Diplomatique, « la figure de proue de l’opposition ivoirienne (…) dont l’analyse se situe aux antipodes des lieux communs et de la vacuité habituelle des opposants africains. Son rêve est celui d’un pays démocratique offrant des perspectives sûres à sa jeunesse ».
Laurent Gbagbo martèle aussi dans ce livre de référence le but final de son combat politique :
« Aujourd’hui plusieurs partis existent officiellement en Côte d’Ivoire. Et ce simple fait est en lui-même une révolution (…) Le combat est-il achevé ? Bien sûr que non. Nous n’avons conquis que le multipartisme, il reste à conquérir la démocratie, le pouvoir d’Etat et démontrer notre capacité à gérer le pays »
Nous étions en 1991. Dix ans plus tard, par le seul combat des idées et le suffrage universel, Laurent Gbagbo exercera le pouvoir d’Etat et mettra immédiatement en œuvre ses idées : budget sécurisé pour garantir la capacité de l’Etat à faire face à ses engagements, réconciliation nationale, après le Coup militaire de 1999, aboutissant à un gouvernement d’union, mise en place de l’école gratuite, projet d’Assurance Maladie Universelle (AMU), etc, etc…
C’est cet espoir d’une Côte d’Ivoire digne et prospère que les dirigeants d’aujourd’hui, auteurs du Coup d’Etat manqué de septembre 2002, mettrons des années à détruire, avec l’aide obscure de certains dirigeants occidentaux dont l’Histoire devra déterminer les motivations réelles, pour finalement engager le pays dans la tourmente actuelle.
Le retour du président Gbagbo était une condition sine quoi non « d’agir pour les Libertés » en arrêtant cette spirale infernale et en replaçant le débat sur le terrain du Droit et des idées. La Côte d’Ivoire est multiethnique et pluriculturelle : c’est sa force et sa chance et le président Gbagbo l’avait bien compris. D’ailleurs les résultats électoraux de novembre 2010 le démontraient. Seul le vote en sa faveur montrait réellement un enracinement national, au-delà des clivages, si souvent stigmatisés, des votes « ethniques ou religieux ».
Il était nécessaire « d’agir pour les Libertés » en remettant le président Laurent Gbagbo, sans lequel aucun acte de réconciliation et de renaissance ne pourrait être posé en Côte d’Ivoire, au centre de l’échiquier politique.
Depuis ce dimanche 17 octobre 2021, quatre mois jour pour jour après son retour et son élection à la tête de son nouveau parti, le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) Laurent Gbagbo est désormais au cœur de la vie publique du pays
Maintenant les Ivoiriens et les Ivoiriennes tiennent leur destin entre leurs mains. Cependant, compte tenu des circonstances de la crise, où des puissances étrangères se sont brutalement « invitées », ils et elles doivent voir la réalité en face et de ne plus accorder leur confiance à des dirigeants irrespectueux des valeurs de base qui fondent les sociétés démocratiques.
Le président Laurent Gbagbo à la CPI, c’était Nelson Mandela à Robben Island. Quand celui-ci, enfermé « à vie », écrivait sur les murs de sa cellule le poème Invictus :
« …Je suis le maitre de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme »
qui pouvait, raisonnablement, imaginer qu’il présiderait, bien longtemps plus tard, l’Afrique du Sud ?
L’Histoire n’attend pas, la Côte d’ivoire ne peut plus attendre, il faut « agir pour les Libertés ». Et vite !
Paris, le 17 octobre 2021
Bernard Houdin
Ex-Conseiller Spécial du président Gbagbo