Une paix imposée de l’étranger par la violence de la force et d’une fausse souveraineté
Peut-être D. Trump parviendra-t-il à imposer son soi-disant « plan de paix ». Mais il ne s’agira pas d’un traité entre les belligérants - à commencer parce que l’une des forces en guerre n’a pas été conviée aux négociations sur lesquelles se fonde le traité. Ce n’est pas aux Palestiniens que D. Trump a proposé son plan de paix, mais seulement au chef du gouvernement israélien. Dans ces conditions, le peuple palestinien ne peut donner son avis sur ce projet. L’un des points majeurs du plan est le maintien d’un contrôle israélien sur les frontières du territoire de Gaza qui empêche la Palestine de se voir reconnaître un pouvoir sur son propre territoire. Le plan de D. Trump comporte, ainsi, trois fausses souverainetés : celle des États-Unis qui n’ont aucun pouvoir légitime en Palestine, mais qui imposent le leur en imposant leur plan de paix, celle d’Israël qui se voit reconnaître une souveraineté en se voyant reconnaître un droit de contrôle sur le territoire de Gaza et celle de la Palestine qui ne se voit pas reconnaître l’identité politique d’un territoire qui lui échappe. Le plan de T. Trump n’est, ainsi, somme toute, qu’un faux plan, un faux traité, une simple feuille de papier sans légitimité.
Une paix à laquelle la population de Gaza n’adhère pas
Le peuple de Gaza n’en peut plus de mourir. C’est la seule raison qui pourrait lui faire supporter une paix à laquelle il ne peut pas adhérer puisqu’elle se fonde sur une absence de reconnaissance de son existence comme nation. Le plan proposé (ou plutôt : imposé) par D. Trump évoque « un dialogue entre Israël et les Palestiniens pour convenir d’un horizon politique pour une coexistence pacifique et prospère », mais il évoque Israël et les Palestiniens sans mentionner l’existence d’un état de Palestine. C’est pourquoi la population de Gaza ne peut reconnaître aucune légitimité à ce plan qui ne reconnaît pas la sienne. Ce plan ne dit rien des formes institutionnelles de « la population de Gaza », ce qui signifie que Gaza ne se voit pas reconnaître son appartenance à un état palestinien indépendant. Au-delà de la déception qu’elle exprime devant de projet, l’Autorité palestinienne dirigée par M. Abbas ne peut accepter ce plan qui lui est « imposé » que pour en finir avec la guerre et avec la mort, sans y adhérer. Cela est porteur de promesses de violences à venir.
L’obsession trumpienne du prix Nobel de la paix
Par une sorte de rivalité envers d’autres qui se le sont fait reconnaître, comme les présidents des États-Unis démocrates J. Carter ou B. Obama, D. Trump est obsédé par un prix Nobel de la paix qu’il est incapable de gagner et qu’il croit lui permettre de faire oublier ses erreurs politiques, sa vanité, les excès de son ultralibéralisme et sa violence envers celles et ceux qui vivent aux États-Unis. On se rend bien compte que, de cette manière, la politique palestinienne de D. Trump est, en réalité, une politique « états-unienne ». C’est pour apparaître aux yeux de la population de son pays comme un chef d’État digne de recevoir un prix Nobel que D. Trump mène toute cette politique concernant la Palestine : au fond, on peut penser qu’il est indifférent à la Palestine et qu’il n’est intéressé que par un surcroît de fausse gloire dans le pays qu’il croit diriger.
Un plan de paix pour l’état d’Israël et pour son chef
« Je soutiens votre plan », a dit B. Netanyahou à D. Trump (Le Monde, 1 10 25), « pour mettre un terme à la guerre de Gaza, (il) satisfait nos objectifs de guerre ». Par ces mots, le premier ministre israélien dit clairement le but de son adhésion au plan de D. Trump : il satisfait ses objectifs. Cela signifie bien que D. Trump est mis par Israël dans la situation d’un auxiliaire de sa politique. Par ces mots, B. Netanyahou explique clairement qu’il se sert de D. Trump et de la politique palestinienne des États-Unis pour lui permettre de mener la politique qu’il entend mener en Palestine. « Gaza », disent les termes du plan, « sera gouverné en vertu de l’autorité transitoire temporaire d’un comité palestinien technocratique et apolitique ». Comme si, surtout au sortir d’une guerre, des gouvernants pouvaient être « apolitiques ». Le plan ne dit pas comment Israël, lui, doit être gouverné de façon « apolitique ». Finalement, dans ce plan, il n’y a qu’Israël qui se voit reconnaître le droit d’avoir une politique et de la mener.
Un plan de paix pour D. Trump et pour ses bénéfices
Le plan du dirigeant américain évoque « un plan de développement économique de Trump pour reconstruire et dynamiser Gaza en réunissant un panel d’experts ayant contribué à la naissance de certaines des villes modernes florissantes du Moyen-Orient ». Ces mots prolongent la référence à la « technocratie apolitique » appelée à gouverner Gaza. Bien sûr, un acteur de l’immobilier ne peut être qu’importuné par les politiques dans sa recherche du profit et de la construction de « villes modernes florissantes ». D’abord, les villes du Proche-Orient dont parle D. Trump ne sont pas « florissantes » pour tout le monde. Mais surtout, c’est le profit de D. Trump (et, sans doute, accessoirement, des dirigeants d’Israël) qui est mentionné. Il n’est nulle part question, dans ces mots, de ce que la population de Gaza pourrait gagner à un tel plan. Elle est surtout occupée par ses morts aujourd’hui, et elle n’est pas conviée à choisir elle-même ses lendemains. Le soi-disant plan de paix de D. Trump ne s’occupe pas des habitantes de Gaza ni de ses habitants. Il s’agit d’une paix imposée de l’extérieur pour des habitants venus de l’extérieur - comme des colons.
Un plan de paix qui porte les germes d’une guerre à venir
La soi-disant paix ainsi conclue n’est que la promesse de guerres et de conflits à venir. D’abord, le point 17 du plan de D. Trump explique bien que « dans le cas où le Hamas retarde ou rejette cette proposition, les éléments ci-dessus (il s’agit des modalités du retrait progressif de l’armée israélienne de l’enclave), y compris l’importante opération d’aide seront mises en œuvre dans les zones libérées du terrorisme remises par l’armée israélienne à la force internationale de stabilisation ». Cela signifie qu’Israël et ses alliés, y compris ses alliés, pourront continuer à contrôler le territoire de Gaza. Mais une telle occupation étrangère ne peut entraîner qu’une nouvelle guerre. L’occupation d’un pays par un pays étranger est toujours à l’origine d’un refus, parfois violent, de la population ainsi dominée, et d’une guerre de libération. Dans ces conditions, le « plan » de D. Trump n’est pas seulement précaire : on peut être sûr qu’en cherchant à exercer sur la population de Gaza un véritable contrôle, il est à l’origine d’une future guerre de libération de celles et de ceux qui en auront assez de vivre sous la domination d’armées étrangères.
La question du point de départ : sommes-nous sûrs que B. Netanyahou n’est pas à l’origine de la guerre de Gaza ?
Depuis le début de la guerre et des crimes, des morts, des souffrances qu’elle a entraînés, on ne peut se débarrasser de cette question initiale : B. Netanyahou n’est-il pas à l’origine de cette guerre pour pouvoir conquérir Gaza en se soumettant aux exigences de D. Trump ? À l’issue de la guerre et des ses milliers de morts, le territoire de Gaza est vidé de ses habitantes et de ses habitants. Israël règne sur la bande de Gaza en réduisant ceux qui s’opposent à lui à une identité fausse de terroristes. Mais c’est bien ce règne sur Gaza qu’il n’aurait jamais pu exercer autrement qui oblige à se poser la question. En vainquant les Palestiniens, Israël voit s’étendre le territoire qu’il contrôle, mais cela fait partie de ces buts qu’il cherchait à atteindre sans y parvenir. On est ainsi conduit à se poser la question de l’initiative de la guerre depuis son commencement. D’abord, la guerre de Gaza se voit réduite à une guerre entre Israël et le Hamas, alors qu’elle est peu à peu devenue une guerre entre Israël et Gaza. Par ailleurs, en ne reconnaissant pas à la Palestine le pouvoir de négocier la paix, le plan de D. Trump permet à B. Netanyahou de remplir un de ses objectifs majeurs : faire disparaître les Palestiniens de Gaza. Cherche à qui le crime profite, dit-on. C’est bien à Israël que profitent, en fin de compte, les attentats du Hamas censés être à l’origine de la guerre.
D. Trump ne ferait-il pas mieux de s’occuper du budget des États-Unis au lieu d’imposer son règne aux états étrangers ?
C’est toujours la tentation des soi-disant « grandes puissances » : dans l’incapacité de diriger rationnellement leur pays, leurs dirigeants cherchent à régner à l’étranger en faisant croire que le pays qu’ils gouvernent est un grand pays riche et respecté, alors que ses habitantes et ses habitants vivent dans la crise. Comme D. Trump à Gaza, c’est ce fait V. Poutine en Ukraine et ce que faisaient, en France, Louis XIV, Napoléon et les dirigeants de l’état colonisateur. Aujourd’hui, D. Trump est incapable de faire adopter un budget politiquement rationnel dans son pays. En refusant le projet de budget présenté par l’administration Trump, le Congrès entraîne les États-Unis dans la paralysie de l’État fédéral. C’est son propre pays que l’administration Trump est incapable de diriger, et elle va essayer d’en gouverner un autre pour tenter de faire oublier son incapacité. Mais une telle inaptitude est elle-même porteuse de conflits à venir.