Qu’est-ce que la politique économique de l’État ?
Le rôle du président de la République qui sera élu en avril est de représenter la dimension nationale du pouvoir de l’État. C’est pourquoi il est important de comprendre le sens de la politique économique de l’État, de comprendre la place de l’État dans le jeu des acteurs de l’économie de notre pays.
D’abord, comme depuis toujours depuis qu’existent des États-nations, la politique économique de l’État a pour rôle d’assurer la cohésion d’un pays, d’instituer ce que l’on peut appeler son identité économique. Cela signifie, en particulier que le président de la République exerce un pouvoir d’arbitrage entre les acteurs de l’économie dans leurs confrontations entre eux, mais aussi dans leurs relations avec l’État. Il y a, en particulier, aujourd’hui, trois domaines qui revêtent un caractère d’urgence des choix à faire et des décisions à prendre. Il s’agit, d’abord, de ce que l’on peut appeler l’économie politique du climat, c’est-à-dire de la façon dont la vie économique de notre pays doit prendre en considération l’importance de la lutte contre l’excès du réchauffement climatique. Il s’agit, ensuite, de l’industrie et de l’importance du retour d’activités industrielles dans notre pays. L’exécutif dirigé par le prochain président de la République aura à engager une politique destinée au retour de l’industrie dans notre pays, au développement des innovations et à l’amélioration des conditions d’emploi et de travail des salariés de l’industrie. Enfin, la politique économique de l’État s’inscrit dans l’élaboration d’une politique de l’agriculture et de l’alimentation qui soit de nature à nous libérer de l’emprise des marchés – notamment des marchés mondialisés – sur notre politique agricole et sur notre politique de l’alimentation. Une telle politique doit améliorer la qualité de l’alimentation, en particulier dans le développement du « bio ».
Sur le plan de l’économie, l’État doit avoir un rôle d’innovation et de prospective. C’est son rôle de prévoir les évolutions futures des activités économiques et d’encourager leurs acteurs à améliorer leurs orientations et leurs productions afin qu’elles soient le mieux possible inscrites dans ces dynamiques indiquées par la prévision. La prospective ne peut être pleinement le rôle des acteurs de la production et de la distribution, trop soumis aux contraintes du marché pour envisager les évolutions à venir de l’activité économique. En ce sens, le débat engagé par l’élection présidentielle doit prendre en considération ces aspects majeurs de la prospective.
Enfin, l’État a un rôle essentiel à jouer dans le domaine de l’information économique, de façon à ce qu’elle ne soit pas limitée aux acteurs de la concurrence afin de les aider dans leurs initiatives, mais que l’ensemble de celles et de ceux qui habitent notre pays soient éclairés et informés afin de mieux choisir leurs pratiques de travail, d’emploi et de consommation.
La dimension économique du pouvoir
Le président de la République représente le pouvoir. Il l’incarne, en quelque sorte, en jouant, dans l’espace public, le rôle de l’acteur majeur du pouvoir en dirigeant l’exécutif, celui des trois pouvoirs identifiés au XVIIIème siècle par Montesquieu, dans L’Esprit des lois, comme celui qui manifeste la puissance de l’État dans l’espace public. Sur le plan économique, le pouvoir de l’exécutif est, d’abord, celui de déterminer les orientations de la politique économique qui sera mise en œuvre par le gouvernement qu’il désignera. C’est ainsi, en particulier, qu’il convient, aujourd’hui, de choisir entre l’affirmation et le développement de la puissance de l’État et la reconnaissance de sa dépendance à l’égard des acteurs du marché. Par ailleurs, le pouvoir économique de l’État consiste à choisir les acteurs politiques qui dirigeront la mise en œuvre de la politique économique qui aura été choisie. C’est qu’il importe de ne pas oublier l’importance des femmes et des hommes dans cette mission d’orchestrer le politique économique de l’État. Enfin, un rôle majeur du président – et de plus en plus compte tenu des situations de crise dans lesquelles nous nous trouvons – est de mettre en œuvre une politique d’égalité et de solidarité destinée à ce que le profit et le marché n’entraînent pas le rejet et la mise à l’écart d’un grand nombre d’habitants laissés de côté par le chômage et par la détérioration des conditions de travail qui leur sont imposés. Seul l’exécutif, dirigé par le président, est en mesure d’engager une telle dimension de la politique économique en rappelant que l’économie politique ne saurait se réduire au marché ni se confondre avec lui et que son rôle est aussi d’assurer l’égalité des acteurs de l’économie – de celles et ceux qui travaillent et la mettent en œuvre autant que celles et ceux qui la dirigent en dirigeant les entreprises.
La politique économique française aujourd’hui
Quelles sont les dimensions majeures de la politique économique de notre pays, aujourd’hui ? D’abord, elle doit trouver une véritable place dans l’économie européenne. Si ce qui s’est appelé le « marché commun » avant de s’appeler la Communauté économique européenne a fini par constituer l’espace majeur de notre économie, cela ne doit pas se faire au détriment de notre prospérité. Les contraintes et les exigences de l’économie européenne ont fini par rendre impossibles l’élaboration d’une véritable politique économique de l’État et sa mise en œuvre. Le président que nous élirons en avril aura la charge de permettre à notre pays de retrouver sa puissance économique propre et son indépendance à l’égard de l’Union européenne. Par ailleurs, le prochain président de la République aura à mener une politique économique reconnaissant l’importance du rôle des travailleuses et des travailleurs dans l’activité économique de notre pays. Ils doivent cesser d’être les victimes et les laissés pour compte d’une dynamique économique dominée par le libéralisme et c’est le rôle du chef de l’exécutif de manifester la puissance de l’État en imposant aux entreprises des contraintes de nature à améliorer les conditions du travail de la production et de la distribution dans notre pays. D’autre part, l’économie s’est mondialisée, et c’est dans un espace économique mondialisé que l’économie de notre pays a sa place. C’est pourquoi le chef de l’exécutif doit exercer un véritable pouvoir sur les entreprises mondiales exerçant leur activité dans notre pays. Il importe que le président et son gouvernement soient réellement décidés à ce que notre pays ait une souveraineté dans ces activités et que notre droit du travail et nos orientations économiques ne soient pas soumises aux exigences des entreprises de la mondialisation, mais le soient à la culture économique de notre pays. Enfin, le prochain président aura à jouer un rôle majeur dans l’élaboration d’une géographie économique de notre pays, en veillant à l’égalité des territoires devant l’activité économique, en empêchant que des suppressions d’emplois et des entreprises affaiblissent les espaces d’activité et en faisant en sorte que l’exécutif soit obligatoirement consulté dans les cas d’implantations nouvelles d’entreprises. C’est par une telle géographie que notre pays doit retrouver la dynamique économique qu’il a perdue ou qui s’est affaiblie.
Finalement, c’est sans doute en cela que consiste le rôle économique du président de la République : faire en sorte que notre pays retrouve, dans le domaine de l’économie, sa puissance. C’est en ce sens que l’élection présidentielle doit permettre à l’économie d’être pleinement une économie politique.