Le masque ne sert à rien dans le domaine de la santé
Les médecins et les chercheurs qui ne sont pas inféodés aux pouvoirs nous le disent pourtant depuis des semaines : le masque ne sert à rien pour empêcher la propagation de l’épidémie. Par conséquent, si l’obligation du masque continue à être en vigueur, après celle du confinement, c’est que le masque a une signification qui n’est pas sanitaire. C’est donc qu’il a une signification pleinement politique. Le masque n’est pas un outil de prévention sanitaire, mais il est un outil de domination et de répression.
La politique du bâillon
On est frappé, depuis de nombreuses semaines, quand on sort dans la rue, de voir tous ces visages à la bouche couverte de masques. Quand on voit toutes ces bouches fermées en raison du bâillon que portent les gens, trois remarques viennent à l’esprit. La première, c’est l’uniformité. En imposant le port du masque, les pouvoirs rendent tous les visages identiques, dans une sorte d’uniformisation. Sous le masque, tous les visages sont semblables les uns aux autres, c’est la société toute entière qui disparaît sous l’uniformité. La seconde remarque que l’on peut faire devant ces masques, c’est la soumission à la contrainte. En imposant le port du masque sous des prétextes de prévention sanitaire, les pouvoirs engagent une politique de coercition et de contrainte. Au lieu de rendre possible l’exercice des libertés fondamentales de la personne, les pouvoirs mettent en œuvre des mesures qui empêchent l’engagement d’une véritable vie politique et d’une vie réelle de débats et d’échanges. C’est la troisième remarque que l’on est amené à faire devant ces populations masquées : le masque empêche la parole. Quand on a la bouche enfermée sous ce bâillon, on ne peut s’exprimer, on ne peut parler avec les autres, on ne peut plus leur sourire, on ne peut se livrer à des échanges ni à des conversations véritables, comme nous avons l’habitude de le faire et, ainsi, comme nous avons l’habitude d’une vie sociale authentique.
Le silence et l’extinction de la vie sociale
Cette politique du silence qui est imposée par le port du masque signifie que la vie sociale est éteinte, et, avec elle, la vie politique et les relations avec les autres. Au-delà du masque, on ne peut même plus se serrer la main, ni se faire la bise, et on est obligé d’imaginer de nouvelles façons de saluer les autres quand on les rencontre dans la rue. Mais, si l’on réfléchit bien, la politique du bâillon empêche la rencontre : quand on porte le masque, on ne peut plus vraiment rencontrer les autres, mais on ne peut que se contenter de les croiser dans la rue. Il ne s’agit plus d’une rencontre au sens où on ne peut plus se parler ni pleinement se reconnaître : quand on croise ainsi d’autres personnes qui, comme nous, sont obligées de se cacher derrière le masque qu’on les oblige à porter, on se limite à les trouver dans notre chemin, sans pouvoir leur parler, sans pouvoir les reconnaître, sans réellement avoir avec elles des échanges et sans permettre à leur identité de rencontrer la nôtre et de la reconnaître. Ce que nous appelons l’espace public n’existe plus, à la fois parce que nous ne pouvons plus mettre en œuvre de véritables débats et parce que nous ne pouvons plus rencontrer réellement les autres. Les réunions se font par des échanges mis en œuvre sur les réseaux de communication au lieu de se faire au cours de rencontres entre les acteurs. La vie sociale et la vie politique s’éteignent car elles se réduisent à des jeux de vie sociale, comme de plus en plus de personnes ont pris l’habitude des jeux virtuels mis en œuvre sous des formes numériques.
La censure et la perte des identités
Comme souvent l’expérience nous permet de mieux comprendre la vie sociale et sa signification. C’est ainsi que l’expérience de la vie masquée nous permet de comprendre l’étendue de la censure qui s’impose à nous. Jusqu’à présent, la censure désignait les appareils d’État qui empêchent l’expression des opinions et la diffusion des informations quand elles étaient contraires aux intérêts et aux objectifs des pouvoirs. L’obligation du masque constitue un pas en avant : en effet, il ne s’agit plus seulement pour les États de s’imposer aux paroles, mais nous devenons nous-mêmes les acteurs de notre silence. En portant le masque, nous exerçons nous-mêmes la censure sur notre parole, mais, plus loin encore, en nous faisant les acteurs des pouvoirs, nous finissons par risquer de perdre notre propre identité. L’uniformisation des visages et l’interdiction de la parole ont, l’une et l’autre, le rôle d’une censure, mais d’une censure acceptée, assumée, par ceux sur qui elle s’exerce. Mais, en perdant ainsi nos identités sous le masque qui les cache, nous perdons le sens même de notre existence. La censure ne menace plus seulement la parole, mais elle commence à menacer notre existence même, elle commence à nous faire perdre ce qui fonde notre identité en nous empêchant de demeurer ce que nous sommes comme le disait Aristote : des zoa politika, des être vivants politiques.
Le masque et le bâillon
C‘est sur ce point que se rejoignent la signification du masque et celle du bâillon :il s’agit de dissimuler notre identité sous une forme de déguisement, mais, alors que dans les temps du carnaval, le déguisement a le rôle d’un jeu, alors que, quand nous sommes libres de porter un masque, nous le faisons parce que nous avons envie de dissimuler notre identité, un peu comme dans la scène du Don Giovanni de Mozart, cette fois, le masque et la perte de notre identité nous sont imposés, et c’est pourquoi il ne s’agit plus d’un masque, mais d’un bâillon. Jusqu’à présent, les pouvoirs n’avaient pas encore imaginé ce moyen d’exercer leurs contraintes sur ceux qui leur sont soumis : il s’agit d’un degré de plus dans le mouvement des sociétés politiques vers des formes de plus en plus complexes de domination – voire de totalitarisme. Même le fait de parler du masque est une sorte de déni : en parlant de masque pour désigner ce qu’il est vraiment, c’est-à-dire un bâillon, nous refusons de voir la réalité de la situation dans laquelle nous sommes, celle d’un monde du silence, d’une société qui finit par ne plus en être une parce que c’est l’échange et la parole qui fondent la société.
L’urgence de s’engager
C’est pour toutes ces raisons que nous sommes face à une véritable urgence. Il n’est plus temps de discuter entre nous, il n’est plus temps de s’interroger sur le bien-fondé des démarches et des procédures, ce n’est plus le moment de se poser des questions. Si nous ne manifestons pas, aujourd’hui, notre opposition à ces mesures de répression, les pouvoirs auront l’impression de ne pas avoir de limites, et ils poursuivront les politiques de répression qu’ils ont engagées à l’occasion de la pandémie. Si nous ne nous élevons pas, aujourd’hui, contre des mesures répressives comme la contrainte du masque, on ne sait pas ce dont sera faite, demain, la vie sociale, ni même, s’il y en aura une. Il ne faut plus que nous nous contentions de réfléchir : il faut que nous nous engagions. Nous avons longtemps cru que, pour que la vie sociale et la vie politique puissent pleinement exister, il suffisait de laisser les journaux et les partis politiques s’exprimer et porter les paroles dans lesquelles nous nous reconnaissions. Mais, aujourd’hui, il ne s’agit plus de cela, car nous ne pouvons même plus adhérer à la parole des acteurs politiques, car, sous le masque, il n’y a plus d’acteurs politiques, il n’y a plus d’acteurs sociaux, il n’y a plus de femmes et d’hommes, car il n’y a plus que des sortes de fantômes. À la fausse urgence du risque de la pandémie, répond l’urgence véritable de retrouver le sens de la parole.