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Billet de blog 14 décembre 2022

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LES MUTATIONS DE LA GAUCHE ET DE LA DROITE

Ce n’est pas seulement la politique sous le quinquennat d’E. Macron ; c’est toute la vie politique qui se trouve, aujourd’hui, dominée par les recompositions de la gauche et de la droite. Essayons d’y voir un peu plus clair.

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Qu’est devenue l’opposition ancienne entre la gauche et la droite ?

L’opposition entre la gauche et la droite a fondé la confrontation politique – et cela non seulement en Franc, mais, sans doute, dans tous les pays. Fondamentalement, ces deux choix politiques sont clairs : la gauche, c’est le parti de l’égalité, tandis que la droite, c’est le parti du conservatisme.

C’est ainsi que la gauche fut le champ d’une politique recherchant une politique de l’emploi et du travail fondée sur la sécurité sociale et sur la garantie de l’emploi, notamment dans les périodes de tension économique, et qu’elle s’est battue contre la montée de la mondialisation, tandis que la droite cherchait à garantir la liberté des entreprises, à permettre la montée des profits et à promouvoir la limitation de l’intervention de l’État dans le domaine de l’économie.

Toutes ces idées et tous ces engagements se sont affaiblis et se sont transformés au fil du temps, sous la pression de recompositions qui ne se déroulaient pas dans le seul espace de la France, mais qui s’inscrivaient dans une interpénétration de plus en plus forte des pays et des acteurs économiques imposée par la mondialisation de la politique (l’O.N.U. est instituée en 1945 et l’Union européenne commence à se construire en 1951), par celle des entreprises et des acteurs financiers (les grandes entreprises ont désormais un domaine mondialisé d’activité, de productions et d’échanges) et par celle des cultures (le monde ne parlera bientôt qu’une seule langue – devinez laquelle).

Par ailleurs, des idéologies comme le macronisme, comme le gaullisme en son temps, sont venues brouiller encore les cartes, en suscitant des adhésions issues de ce qui est la gauche et de ce qui est la droite, comme pour manifester un déplacement de la confrontation, désormais entre le libéralisme et les diverses formes du socialisme.

De quoi est faite la gauche aujourd’hui ?

En France, nous assistons à un affaiblissement de la gauche classique. Les partis de gauche n’ont su suivre cette évolution d monde ni dans leurs discours, ni dans leurs projets ni dans leurs engagements. Héritiers de la « guerre froide » et d’une confrontation majeure entre ce que l’on continue à appeler « l’Ouest » et « l’Est », ils ne savent toujours pas vraiment comment tenir compte de la montée des pays émergents du Sud, ni de la disparition du communisme, ni des recompositions du monde proche-oriental. C’est ainsi, par exemple, que la gauche n’a toujours compris ce que sont devenus la signification du conflit palestinien et ses implications dans la politique française. C’est ainsi que la gauche ne sait toujours pas de quoi devrait être fait un projet politique susceptible de recueillir l’adhésion du peuple de notre pays. C’est ainsi, par exemple, qu’un président soi-disant socialiste a pu permettre d’accéder au pouvoir à un des présidents les plus conservateurs et réactionnaires de notre histoire politique.

Le P.C.F. s’est affaibli, à la fois en raison de l’affaiblissement de son projet, de la confusion de ses engagements et de sa difficulté à transformer ses mots et ses méthodes, tandis que le P.S. qui fut, dans les années 70 et 80, le parti dominant de la gauche, il vole en éclats être ses membres qui ont adhéré au macronisme, ceux qui ont rejoint J.-L. Mélenchon et les (rares) « socialistes maintenus ».

À la faveur de la dernière élection présidentielle, les Insoumis, fondés par Jean-Luc Mélenchon, sont venus porter une voix de gauche plus active et plus clairement engagée, mais ils se perdent dans les méandres, dans les pièges et dans les labyrinthes des partis encore en train de naître.

Le mouvement né à l’occasion des dernières élections, la NUPES, Nouvelle union populaire, écologiste et sociale, peut être le parti fondateur d’une gauche enfin retrouvée, mais ce mouvement doit encore faire ses preuves.

Qu’est devenue la droite de nos jours ?

En tentant de confondre la droite et la gauche, le macronisme contribue, sans doute comme le gaullisme en son temps, à refonder la droite et à affaiblir la gauche. La droite se refonde autour, en réalité, d’un déplacement fort vers sa droite. C’est ainsi que, si le macronisme a pu faire illusion en s faisant passer pour un parti social-démocrate, il est devenu franchement un parti libéral de droite comme nous en avons connu tellement. Quant à la droite classique, elle se caractérise par le raidissement à droite des Républicains qui ne se sont pas ouvertement ralliés à E. Macron et par la légitimation du Rassemblent national, longtemps exclu du jeu politique, mais devenu un parti comme les autres, exprimant, finalement, des idées longtemps refoulées par la droite au nom de codes et de références issus de la Libération de 1945.

La guerre en Ukraine et les identités politiques

À la fois dans les conditions de sa survenue et dans celles de son déroulement, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine a continué de brouiller les cartes anciennes et d’en construire de nouvelles dans l’espace politique de notre pays. On peut, d’ailleurs, se demander dans quelle mesure le déclenchement de cette guerre n’a pas lui-même été permis par des recompositions politiques comparables à celles que nous connaissons dans l’espace politique international. En opposant de façon tragique mais caricaturale la Russie poutinienne, fondée sur le conservatisme classique russe et sur une autorité issue d’un héritage soviétique faisant l’illusion d’une grande puissance et un pays moins connu, l’Ukraine, dirigée par un chef d’État recueillant l’adhésion de son peuple au nom de la liberté, la guerre russo-ukrainienne s’est imposée dans le jeu politique français comme l’ont fait, avant elle, de nombreuses guerres d’indépendance.

Une nouvelle confrontation entre la gauche et la droite

C’est, ainsi, toute la confrontation entre la gauche e la droite qui fait l’objet d’une reformulation. Plus qu’une confrontation entre la recherche de l’égalité et celle du conservatisme, elle est devenue, plus franchement, une opposition entre la solidarité et la finance. C’est ainsi, d’ailleurs, que, sur le plan international cette confrontation prend la forme d’une opposition entre le maintien et l’accroissement des grandes puissances et des formes contemporaines de la colonisation et la revendication d’une indépendance réelle des pays émergents, qui sont, d’ailleurs, en réalité, de grands pays pillés et affaiblis par les colonisations de toutes sortes qui ont recomposé le monde. Mais une telle confrontation géopolitique doit se fonder, pour la gauche, sur un logique renouvelée de la géopolitique, ouverte à de nouveaux enjeux écologiques, culturels, nationaux, au-delà de la seule confrontation entre les états. Dans cette opposition entre la solidarité et la fortune, une gauche véritable doit se battre pour qu’il soit mis fin aux aberrations de la mondialisation et pour que les pays se voient tous reconnaître le même droit à la puissance et à l’indépendance. À cet égard, peut-être peut-on aussi lire la revendication d’indépendance de l’Ukraine, comme celle de la Palestine et leur écho dans la politique française comme des expressions du conflit géopolitique entre « le Nord » et « le Sud ».

Une opposition nouvelle : entre le mou et le radical

C’est un usage nouveau d’un mot ancien qui semble apparu aujourd’hui : le terme « radicalité ». Il manifeste une opposition que l’on peut désigner comme l’opposition entre le radical et le mou. Tandis que la mollesse désigne les partis et les acteurs politiques toujours à la recherche de compromis et de compromissions la radicalité ne désigne, finalement, que les partis sûrs de leur engagement et décidés à manifester leur identité. C’est bien pourquoi, sans doute, même si c’est de peu, le macronisme l’a emporté : il n’est que le parti de la droite de la mollesse, tandis qu’à gauche, la radicalité désigne, pour leurs adversaires, les Insoumis, et qu’à droite, on peut se demander, après tout, si la mise à l’écart du Rassemblement national, n’est pas simplement la mis à l’écart de la radicalité d’orientations dont sont porteurs, au bout du compte, sans oser le dire, les partis de droite. L’opposition entre le mou et le radical n’est que l’opposition entre des partis pleinement engagés et des partis qui n’osent pas l’être ou qui se réfugient dans une politique de l’indécision.

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