Le climat dans la politique
Le climat contribue de façon majeure à la formation de l’espace politique et s'est toujours vu reconnaître une place majeure dans la rationalité politique - particulièrement depuis la prise de conscience née de l’importance de la question du réchauffement. Mais c’est une vieille histoire. En effet, c’est en 1748 que Montesquieu publie « De l’Esprit des lois », dans lequel il écrit, au tout début de la 3ème partie (14, 1) : « S’il est vrai que le caractère de l’esprit et les passions du cœur soient extrêmement différents dans les divers climats, les lois doivent être relatives et à la différence de ces passions, et à la différence de ces caractères ». Sans doute est-ce la première fois qu’en France, une articulation est pensée entre les « passions du cœur » et la politique et que c’est une réflexion sur le climat qui fonde une telle articulation. Nous nous trouvons ainsi devant un lien entre émotions et la politique et le climat est un des domaines dans lesquels s’exerce une telle médiation. Si le climat se voit, de nos jours, reconnaître une place majeure dans la vie politique en raison de la question du réchauffement, il ne s’agit pas d’une véritable rationalité politique car c’est dans un discours de peur que cette question est posée, mais non dans l’élaboration d’une véritable politique destinée à réduire la gravité du réchauffement dans une recomposition réelle de la politique de l’énergie.
Le report de la rentrée : une sorte de dramatisation
Fallait-il reporter la rentrée de vingt-quatre heures dans les Bouches-du-Rhône et le Var en raison des intempéries ? Même si l’on peut concevoir que dans cette région le vent, les orages et les pluies pouvaient nécessiter une véritable attention, surtout de la part des parents mais aussi de la part des écoles, cela aurait pu ne pas entraîner un véritable report de la rentrée. Cela conduit à une sorte de dramatisation de la question du climat au lieu de susciter une réflexion sur les conditions dans lesquelles la rentrée a lieu. Une fois de plus, c’est la peur qui oriente les politiques et les décisions prises par les pouvoir, alors que leur rôle devrait être plutôt de tout faire pour diminuer la pression de la peur. Un tel report de la rentrée constitue une dramatisation inutile et irrationnelle de la question du climat. La dramatisation de la rentrée par son report ne manifeste pas une véritable autorité de la part des pouvoirs, mais bien plutôt une absence d’autorité liée à cette rhétorique de la peur. Au lieu de manifester un pouvoir qui se manifeste de plus en plus par la faiblesse de ses acteurs et l’insuffisance de leurs choix et de leurs décisions, ce discours et ces mesures fondés sur de la peur manifeste, en réalité, la faiblesse de ceux qui dirigent notre pays, l’insuffisance de leurs réflexions et l’absence de la réalité de leur pouvoir. Fonder leurs choix sur de la peur au lieu de les fonder sur une véritable réflexion et sur la maîtrise des situations manifeste l’insuffisance des acteurs porteurs des pouvoirs et fait apparaître l’absence de leur autorité.
Pourquoi faire reposer des choix politiques et des décisions sur de la peur ?
C’est devenu un aspect majeur de la vie politique et des choix du pouvoir : la peur domine la politique de nos jours, alors qu’au contraire, la politique devrait, au contraire, la réduire pour celles et ceux qui vivent dans un pays. C’est ainsi que le thème de « l’insécurité » est devenu un thème dominant du discours politique et que c’est sur une rhétorique de la peur que se fondent les mots des dirigeants et des pouvoirs - en particulier dans la période dans laquelle nous entrons qui devient celle de la campagne électorale en vue des élections municipales de mars prochain. On peut alors se demander pourquoi la figure de la peur occupe une si grande place dans le discours des pouvoirs. D’abord, il s’agit, tout simplement, du fait que les dirigeants de notre pays (comme, d’ailleurs, sans doute, celui des autres) n’ont rien à dire ni à proposer. C’est la peur qui oriente leur discours car ils n’ont pas d’autre thème sur lequel fonder leur autorité. Ensuite, fonder le discours sur de la peur est une forme d’autoritarisme, d’abus d’autorité, de la part des acteurs du pouvoir. Une telle rhétorique de la peur est le propre de dirigeants autoritaires qui ont oublié ce qu’est la démocratie - si tant est qu’ils l’aient jamais su. Un régime qui se fonde sur de la peur n’est pas un régime démocratique car il neutralise la question majeure de la démocratie, celle de la reconnaissance de la légitimité des pouvoirs par celles et ceux sur qui ils s’exercent. Enfin, fonder ses choix et ses décisions sur la peur consiste à chercher à ignorer le débat, à censurer le discours, à empêcher la parole et la communication de s’exprimer pleinement dans l’espace public. Le débat est là pour libérer de la contrainte de la peur, et empêcher le débat est une manière, fondée notamment sur de la peur, de régner par l’autoritarisme au lieu de diriger de façon légitime. La peur est le premier aspect d’une dictature : cela signifie que, derrière la peur, c’est la dictature qui se profile. Montesquieu encore : « Comme il faut de la vertu dans une république, et, dans une monarchie, de l’honneur, il faut de la CRAINTE dans un gouvernement despotique : pour la vertu, elle n’y est point nécessaire, et l’honneur y serait dangereux » (L’esprit des lois, 3, 9).
Le pouvoir et la peur
Quand le pouvoir semble n’avoir plus que la peur pour fonder son autorité, cela signifie qu’il n’a plus de légitimité que celle, fausse ou illusoire, que la peur lui donne. C’est le point où nous en sommes, aujourd’hui, dans notre pays. Il faut bien aller chercher la peur pour se donner l’apparence de fonder une légitimité que le pouvoir a perdue - s’il l’a jamais eue. Mais cela ne concerne pas seulement notre pays, notre époque et nos dirigeants : c’est dans le monde entier que le discours des autorités contemporaines sur la peur, que nos dirigeants affublent de ce mot « insécurité », pour se donner l’air savant et réfléchi, finit par être le seul semblant d’autorité qui reste aux pouvoirs politiques de notre époque. Cela s’articule, d’abord, au désintérêt des peuples pour les questions politiques. Le véritable débat politique motive de moins en moins de personnes dans tous les pays, ce qui explique la montée des régimes et des gouvernements totalitaires, et, en même temps, la place acquise par les jeux et les entreprises de divertissement qui ne sont, somme toute, que le recto du verso qui consiste dans la peur. Par ailleurs, c’est pour développer et accroître la peur que les pays autoritaires encouragent la montée des guerres et des violences entre les pays - ne serait-ce que la Russie en Ukraine et Israël en Palestine. La guerre n’a pas d’autre motivation politique pour les pouvoirs que l’extension antidémocratique des territoires et la préservation des pouvoirs de certains pays sur d’autres. Mais la guerre, comme les actes individuels de violence que l’on nomme le « terrorisme », n’agissent que sous la forme de la terreur qu’ils inspirent - ou croient inspirer - aux peuples. Enfin, cette importance acquise, de nos jours, par la figure de la peur manifeste à la fois la montée des autoritarismes et la perte de légitimité des régimes et des pouvoirs. Les pouvoirs ont perdu leur légitimité à force de reposer sur de la peur, et, d’ailleurs, cela leur est égal, car, pour eux, ce qui est important est de régner, et peu importe les peuples sur lesquels ils exercent leur domination. Mais le plus grave est, finalement, que, par la peur, celles et ceux qui vivent dans un pays intériorisent la puissance des pouvoirs qui règnent sur eux. En dominant par la peur, les pouvoirs ignorent les peuples sur lesquels ils règnent et ils dominent aussi dans l’absence de véritable projet politique : la rhétorique de « l’insécurité » leur permet de régner sans projet pour leur société. Le seul but de leur exercice du pouvoir est de dominer et de maintenir leur domination le plus longtemps possible. C’est bien le but du pouvoir par la peur et par la rhétorique de « l’insécurité » : durer et réprimer.