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Billet de blog 20 juin 2024

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MACRON, L’IMMIGRATIONNISME ET LE FRONT POPULAIRE

Il est temps que les élections législatives aient enfin eu lieu, car chaque jour apporte des paroles et des gestes pires que ceux du précédent. Cette fois, E. Macron s’en prend à un « immigrationnisme » du programme du Front populaire

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La folie et « l’immigrationnisme » ?

Au moins, E. Macron invente des mots nouveaux. Il y a une sorte de créativité lexicale dans le discours d’E. Macron, mais sans doute cela constitue-t-il un des symptômes de sa folie : en inventant des mots, E. Macron imagine sa langue et, de cette manière, il s’enferme dans les formes de son discours. Comme dans toutes les formes de la folie, il s’enferme dans ses paroles, mais en se mettant en-dehors des mots et des paroles de l’autre. Ses paroles et ses mots n’ont pas de sens car ils ne font pas partie de la langue et des mots partagés par les autre dans l’espace public, et, de cette manière, E. Macron s’exclut lui-même du champ politique. Il ne fait plus partie du monde de la société, il ne fait partie que de son monde à lui, qu’il est seul à pouvoir comprendre. D’ailleurs, même celles et ceux qui appartiennent à son parti ou qui font partie de ses soutiens n’ont toujours pas compris la dissolution que certains, même chez lui, qualifient de décision insensée. La folie dans laquelle est enfermée le président ne concerne ainsi pas seulement ses mots : elle concerne aussi ses actes, ses décisions, ses façons d’exercer son pouvoir On peut, au passage, noter qu’il n’exerce pas le pouvoir, mais son pouvoir. Ce ne sont plus les mots qui caractérisent la folie d’E. Macron, ce sont aussi des actes. En parlant de « l’immigrationnisme » du programme du Nouveau front populaire, E. Macron enferme son propre discours électoral dans sa forclusion (caractéristique de la psychose : on s’enferme hors de soi), et manifeste une fois de plus la folie qui le rend inaccessible à la rationalité des autres, à la raison partagée qui définit le politique. 

Les élections législatives, la xénophobie et la haine politique de l’étranger

Les élections législatives, comme, d’ailleurs, toutes les élections, ont toujours été une occasion de déchaînement des mots et des choix xénophobes. À la fois parce que le fait électoral ne concerne, par définition, que les citoyens et parce qu’il est une occasion de formulation des projets et des paroles politiques des partis, les élections sont, pour eux, l’occasion de dire leur vérité, de l’exprimer dans l’espace public. C’est pourquoi la question du rapport à l’autre a toujours une grande place dans le débat électoral. Mais cette place s’est accrue sous la forme de la croissance de la place des partis et des discours xénophobes, pour deux sortes de raisons. D’abord, pour des raisons économiques. La mondialisation de la production et des échanges a conduit les entreprises à se délocaliser vers les pays du « Sud », car les travailleurs y étaient moins bien payés et moins revendicatifs que ceux du « Nord ». Cela a conduit à une fragilisation des emplois du Nord, dont les immigrés ont été jugés coupables par les discours de partis xénophobes de plus en plus puissants. L’autre raison de cette montée de la xénophobie dans le débat public est la fragilisation des discours et des projets politiques et des idées de la gauche. Les partis et les organisations de gauche se sont laissés noyer par la montée de la xénophobie sans bien s’en rendre compte car elle s’est faite peu à peu, en silence, mais aussi par la dégradation de leur philosophie politique et de leurs projets qui sont demeurés sans beaucoup changer au temps de l’industrialisation et de la Libération, des époques où la relation entre le Nord et le Sud était toujours celle de la colonisation. C’est ainsi que la haine politique de l’étranger a pris une place de plus en plus importante dans le débat politique en conduisant à une fermeture des frontières et à une folie de la fermeture : le débat politique se laissait, ainsi, enfermer hors des identités qui étaient les siennes.

La concurrence entre Renaissance et le Rassemblement national

Comme toujours, la concurrence électorale avec le Rassemblement national pousse E. Macron à exprimer la vérité de son discours et de son opinion. Comme la droite est dominée par le Rassemblement national, c’est lui qui devient son modèle, et le discours d’E. Macron se soumet à ses idées et à ses choix. En cherchant à critiquer le discours du nouveau Front populaire, E. Macron ne trouve rien de mieux que de l’attaquer sur le domaine qui est celui du R.N. et de l’extrême droite : le rejet de l’étranger. Se met ainsi en œuvre une véritable concurrence entre Renaissance et le Rassemblement national. On se demande, en passant, même si cela ne sous regarde pas, comment des gens issus de la gauche que je veux bien croire de bonne foi et qui se sont trouvés piégés par E. Macron peuvent encore se regarder dans le miroir après des propos pareils. Nous assistons à une véritable course, à une véritable rivalité, entre le Renaissance et le Rassemblement national. À moins, tout simplement, que cette concurrence ne soit, de la part d’E. Macron, un aveu d’échec. En perdant les moyens d’adresser ses mots à la gauche et aux Républicains, qui les rejettent, il ne peut plus s’adresser qu’aux électrices et aux électeurs du Rassemblement national et aux citoyens porteurs des idées (s’agit-il d’idées ?) xénophobes. D’ici le premier tour, nous allons assister à une course effrénée au plus xénophobe, c’est-à-dire, au bout du compte, au plus fou. La rivalité entre les macronistes et l’extrême droite n’est plus politique, il ne s’agit plus que d’une course à qui sera le plus fou. C’est dire qu’en-dehors du calendrier, il n’y a pas de limite à une folie de cette nature, car, comme toutes les folies, elle ne sait pas ce qu’est une limite.

 La gauche et la droite

C’est ainsi que, finalement, entre la gauche et la droite, l’opposition n’est plus qu’entre la raison et la folie. C’est la gauche qui se situe dans le domaine de la rationalité. Et, ainsi, quand nous sommes face à la vérité, les choses deviennent simples. De quoi donc est faite l’opposition entre la raison et la folie ? Nous voilà, d’abord, une fois de plus, à l’occasion de ces élections, devant la bonne vieille opposition entre la gauche et la droite, entre la solidarité et l’ouverture d’un côté, et, de l’autre, la fermeture et le conservatisme - voire la réaction. Le programme du Nouveau Front Populaire entend organiser la lutte contre les discriminations, en particulier en instituant un Observatoire de l’égalité et en prévoyant un plan de lutte contre la xénophobie. Ces mesures font partie de ce que le programme nomme des « bifurcations », des changements radicaux d’orientation de la politique de l’État. Au chapitre des « transformations », il entend abroger les lois asile et immigration élaborées pendant les mandats d’E. Macron, prévoir des « voies légales et sécurisées » d’immigration et organiser un « accueil digne » en fondant la politique migratoire sur le droit du sol, qui a toujours été une des normes de référence du droit français. Le programme « totalement immigrationniste » consacre deux ou trois pages à la question de l’immigration. On peut trouver que ce n’est pas assez, mais on ne peut pas dire que ce programme est « totalement immigrationniste ». Il faut se calmer. En réalité, par de tels propos, E. Macron déplace le débat politique sur des fantasmes et de l’imaginaire. C’est que, comme il ne maîtrise plus le débat politique (si tant est qu’il l’ait jamais maîtrisé), il en est à le réduire à des fantasmes. Cela explique qu’il ne cherche pas à se confronter avec la gauche, car il lui faudrait, pour cela, se situer dans le domaine de la raison, ce qui lui est impossible. Dans ces conditions, il ne reste qu’une façon de parler dans le débat public : la répétition des fantasmes idéologiques auxquels il réduit les mots et les idées. À cet égard, E. Macron ne fait que reprendre ce qui a toujours été le discours de la droite : réduire les engagements politiques à de l’imaginaire, qu’il se présente sous la forme de mythes et de récits ou sous la forme de fantasmes et d’illusions.

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