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Billet de blog 20 novembre 2025

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LETTRE AUX PARTIS DE GAUCHE

C’est la première fois, je crois, que ma chronique de « Mediapart » est aussi clairement engagée. C’est que l’heure n’est plus aux normes éditoriales. Nous sommes dans l’urgence.

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Chers partis de gauche,

Dans quelques mois, auront lieu les élections municipales. Pour la gauche, c’est le moment de réfléchir, mais, surtout, de faire des choix et de prendre des décisions de nature à donner naissance à un véritable projet de gauche. En effet; les élections municipales ne consistent pas seulement à choisir des municipalités et à élire des maires : il s’agit aussi de la politique « au quotidien », de figurer des choix politiques dans les lieux où nous vivons chaque jour, de choisir les espaces dans lesquels nous voulons habiter, dans lesquels nous circulons quotidiennement, dans lesquels nous travaillons, des lieux que nous partageons avec nos voisines et avec nos voisins. Les élections municipales sont, pour nous, l’occasion d’exprimer à la fois des orientations politiques et des choix de vie. C’est que les villes aménagées par les municipalités issues de ces élections ne construisent pas seulement des espaces publics et des espaces de travail, de commerce ou de loisirs, mais aussi des espaces de logement, de rencontres, de vie quotidienne. C’est ce que nous aurons à l’esprit dans ces moments où nous déciderons, où nous choisirons, où nous voterons.

L’échec de F. Hollande

Les municipalités aussi doivent faire face à l’échec majeur du quinquennat de F. Hollande. En nommant E. Macron au gouvernement, il lui a donné la possibilité de se présenter avec plus de chances à l’élection présidentielle de 2017 puis à celle de 2022. Ces élections municipales seront ainsi un des moments où nous devrons assumer la situation politique dans laquelle cette présidence Macron nous aura plongés - grâce à François Hollande. Dans toutes les municipalités, le Parti socialiste et la gauche de façon plus générale ont à faire face à la gravité et à l’urgence de la situation ainsi créée. Vous, partis de gauche, aurez à faire des choix qui pourront corriger les erreurs dues à cette élection d’E. Macron en tentant d’y remédier dans la vie quotidienne de nos villes et de nos municipalités. C’est dire qu’il est encore temps, pour vous, chers partis de gauche, de faire retrouver à notre pays des orientations de nature à renforcer l’égalité et la la solidarité qui sont les marques d’une véritable politique destinées à toutes et à tous.

Une régression sociale sans précédent

C’est que l’erreur la plus grave que vous aurez à rectifier dans les villes et les municipalités qui pourront être celles que vous dirigerez est là : l’absence d’une véritable politique sociale, dont vous aurez à peupler le vide par vos projets. Depuis 2017, notre pays a connu une régression sociale sans précédent - à l’exception de la politique menée par N. Sarkozy. Même la politique menée sous le premier quinquennat de J. Chirac avait pu retrouver un projet de solidarité dans la politique du gouvernement dirigé par L. Jospin. Mais la politique menée par E. Macron, elle, impose à notre pays une véritable régression sociale à laquelle même les municipalités élues en 2014 n’ont pas pu remédier. L’impératif de la gauche, à l’occasion de ces élections municipales est de rendre possible le début du retour dans notre pays de l’égalité et de la solidarité. C’est votre responsabilité, pour que la gauche ait encore ait un sens de retrouver le chemin ces deux exigences politiques.

L’échec de la politique économique libérale

Vous n’avez pas su, chers partis de gauche faire face à la politique libérale menée par les pouvoirs dans notre pays - à moins, mais je n’ose le dire en toutes lettres, que vous n’ayez pas voulu en finir réellement avec cette politique. Les choix qui seront les vôtres à l’occasion de ces élections municipales permettront aux municipalités de jouer pleinement leur rôle : construire et aménager des espaces de vie propres à être habités par toutes et par tous. Nous choisirons des municipalités nous permettant de ne plus vivre dans des villes menaçantes, dans des villes en crise, laides et sans choix esthétiques. C’est votre responsabilité, car c’est toujours ce qui a distingué la droite et la gauche : la gauche a toujours donné à celles et à ceux qui les habitent des villes dont l’espace leur permet de vivre sans avoir peur du lendemain. Ne nous trompons pas : dans les villes et dans leurs quartiers, la sécurité n’est pas donnée par la répression et la surveillance, mais par l’égalité et la solidarité.

L’idéologie réactionnaire d’E. Macron

Si je parle d’idéologie dans cette lettre que je vous adresse, chers partis de gauche, alors que nous parlons d’élections locales, c’est que vous ne devez pas oublier que l’idéologie se vit au quotidien, qu’elle ne consiste pas seulement dans des mots et des idées, mais qu’elle s’exprime aussi dans les projets quotidiens des villes. Or, sur ce point, vous avez à rattraper toutes ces années perdues pendant les mandats d’E. Macron. Cette idéologie réactionnaire se retrouve dans les villes et dans leurs aménagements car elle n’oriente pas seulement les politiques nationales ou internationales, mais parce qu’elle se vit tous les jours dans les logements, dans l’environnement, dans les incidences des choix économiques et financiers sur l’économie des villes et des logements. Ne nous trompons pas : l’État ne se réduit pas à ses dimensions nationales, mais les villes font aussi partie de l’État, comme les départements et les régions. Les municipalités que vous dirigerez, issues de ces élections, sont aussi les lieux dans lesquels l’État peut retrouver les espaces esthétiques et solidaires dans lesquels nous pouvons pleinement habiter et nous reconnaître.

Les menaces qui pèsent sur notre société

S’il y a urgence, c’est qu’à l’occasion de ces élections, nous sommes face à des menaces que vous devez nous permettre de surmonter en nous protégeant et en nous renforçant. Dans les centres urbains et dans les banlieues, votre politique doit permettre de nous libérer de la crainte et d’éradiquer la violence qui nous empêche de vivre pleinement dans nos villes. La violence n’est pas un projet de vie : elle est seulement une réaction face à l’inégalité, elle se réduit à manifester l’absence de parole, de langage, d’échanges les uns avec les autres. Chers partis de gauche, ne laissez pas la violence économique de la crise et des dettes, la violence sociale des quartiers de ville mal conçus, mal construits, mal entretenus, devenir des lieux qui nous oppriment et nous empêchent de vivre pleinement. Votre responsabilité est là : vous ne devez pas répondre à la violence par une autre violence, celle de la répression, vous devez faire en sorte, par votre politique, que les quartiers des villes et des banlieues soient enfin libérés de la violence.

Les élections municipales : un « avant-tour » de l’élection présidentielle

Mais ces élections, chers partis de gauche, ne sont pas seulement des élections municipales : elles se déroulent l’année qui précède l’élection présidentielle. C’est pourquoi elles n’ont pas seulement une signification locale, mais sont la promesse de l’élection nationale à venir. Cet « avant-premier tour » de l’élection présidentielle doit permettre de manifester un rapport de forces propres à assurer notre pays qu’il va connaître la solidarité et la sérénité du « vivre-ensemble » dès cette année, pour pouvoir être libre de choisir la candidate ou le candidat qu’il voudra vraiment choisir comme chef de l’État. C’est pourquoi, chers partis de gauche, vous devez offrir, lors de ces élections, le visage rassurant dont notre pays a besoin et le projet social et politique qu’il recherche.

L’union de la gauche dès le premier tour : un impératif

Pour toutes ces raisons, chers partis de gauche, je ne conclurai cette lettre que je vous adresse que par un mot : l’impératif de l’union Vous devez vous présenter unis dès le premier tour des élections municipales dans des listes communes pour que le mot « gauche » ait encore un sens, pour que nous, citoyennes et citoyens, puissions nous retrouver dans les mots de la solidarité que vous êtes seuls à pouvoir dire - à condition de le vouloir. Ne vous présentez pas en ordre dispersé lors de ces élections, rappelez-vous que vous devez recueillir notre adhésion à tous et nous permettre à tous de vous faire pleinement confiance. Pour cela, il doit n’y avoir qu’une seule gauche, qu’elle ait la force d’être unie dans la richesse de sa pluralité, au lieu d'être affaiblie par les petits jeux minables des appareils de partis et de l’absence de voix des candidats inaudibles et sans idées.

Merci, chers partis de gauche. Nous vous en serons tous reconnaissants.

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