Alain Finkielkraut n’avait pas encore enfilé son habit d’académicien qu’Antoine Perraud lui taillait un costume dans Mediapart, comme peu de journalistes savent le faire. Coupé dans un lourd tissu de haine, d’une couleur noire comme une nuit des longs couteaux, Il a du rappelé à Finkielkraut celui que portait son père à son départ en déportation pour Auschwitz en juin 1942, avec la complicité de l’Etat français, comme il l’a rappelé dans son discours, lorsqu’il a pris séance à l’Académie.
La haine de l’autre a produit de tous temps des dérives et des textes insupportables. Les huit longs feuillets dérisoires de Perraud, qui n’ont pour but que de nous faire croire que Finkielkraut est « tenu par la vieille droite française », au prétexte que de la droite « l’Académie se révèle davantage que la dernière demeure : l’ultime bastion », sont de cette trempe là.
Pour arriver à ses fins, Perraud y va du vieux style démodé et désuet commun à l’extrême droite et à l’extrême gauche du bon vieux temps des Léon Daudet et des Maurice Thorez. Il pratique l’injure, l’insinuation, et l’amalgame. Ce que nous allons montrer.
C’est entendu, pour Perraud, il ne s’agit pas d’écrire un papier objectif sur l’élection de Finkielkraut, ni de parler de l’Académie comme tout un chacun. Il s’agit de poursuivre de sa vindicte haineuse le nouvel académicien, en commençant par se gausser de le voir occuper le fauteuil de Félicien Marceau, et d’en faire, comme il est de tradition, le portrait.
Aux yeux de Perraud, l’écrivain Félicien Marceau se résume en deux lignes, Finkielkraut le note dans son discours à l’Académie. « Il ne reste, en effet, rien de lui sur le site d’information Mediapart sinon cette épitaphe : « Félicien Marceau, un ancien collaborateur devenu académicien ».
En effet, Félicien Marceau fut dans sa jeunesse employé de la radio belge en 1936 et y retourne après la reddition. Mais la radio est alors sous contrôle allemand, et le futur écrivain et académicien français y reste de 1940 à 1942. Il est condamné à la fin de la guerre pour fait de collaboration. De façon « exorbitante », comme le relève Finkielkraut. Réfugié en France, c’est le général de Gaulle qui lui accorde la nationalité française, ce que se garde de dire Perraud mais qu’on trouve dans le magazine le Point, qui titre, « Le philosophe a prononcé un éloge très attendu de son prédécesseur Félicien Marceau ».
Mais de cela on ne trouve rien dans l’article de Perraud. Normal il a écrit son papier avant le discours de Finkielkraut. Restons en donc au texte.
Injure : D’entrée d’article, Finkielkraut est pour Perraud « Notre convulsionnaire national transformé en dindon de la tragédie… ». Admirez les points de suspension, une ouverture pour votre imaginaire.
Insinuation : « Finkielkraut sua sang et eau sur son panégyrique de Félicien Marceau, qui sent le souffre ».
Amalgame : « Finkielkraut… C’est alors qu’il tomba dans les rets de Renaud Camus. Un ancien décadent s’achetant aujourd’hui une conduite lepéniste ».
Insinuation : « Finkielkraut… esclave d’une France imaginaire où l’on n’est jamais sur qu’un juif puisse entièrement vibrer à un vers de racine ». Ce à quoi Finkielkraut a répondu dans son discours à l’Académie : « J’ai appris à honorer ma langue maternelle qui n’était pas la langue de ma mère… J’ai appris aussi à connaître et à aimer nos classiques ».
Insinuation injurieuse : « Alain Finkielkraut n'a guère vu plus loin que son épée en matière académique. La Coupole, pleine d'appeaux, recèle deux pièges aux mâchoires vivaces en dépit du temps : l'antisémitisme et le pétainisme ». Insinuation pour Finkielkraut. Injurieux pour l’Académie.
Insinuation, injure, amalgame : « Alain Finkielkraut se voudrait le résistant à la doxa sempiternelle d'une gauche hégémonique, alors qu'il s'est mis en position de réciter le catéchisme réactionnaire d'une droite française qui n'aura cessé d'imposer son discours dominant quai de Conti ».
Amalgame, cette succession de noms d’académiciens classés bien à droite, qui a pour but de renforcer l’idée que Finkielkraut est du même tabac: Paul Morand, Thierry Maulnier, Pierre Gaxotte, Jacques Laurent, Michel Mohrt.-, Michel Déon…
Insinuation. Lorsque Perraud est à court d’idées, il va puiser chez les autres. « Denis Olivennes vend la mèche, l'air de ne pas y toucher, au sujet de la galère académique dans laquelle Alain Finkielkraut s'est engagé : « J'aime bien l'idée que ce juif polonais devienne le nouveau Barrès, le chantre de la nation. »
C’est ainsi qu’on débat à Paris ces temps ci. Parfois aussi à Mediapart, ce qui est dommage. On en a connu meilleure époque.