Le gaz comme moyen de pression de la Russie sur l‘Europe dans l’affaire ukrainienne vient nous le rappeler sérieusement, tout comme ce que la France semble prête à accepter de ce qui se prépare dans la négociation commerciale Europe USA : la politique n’est rien sans les moyens de son indépendance. Et un Etat sans liberté de décision pleine et entière de sa politique n’est pas libre de son destin économique et social.
C’est pourquoi l’appel de Bruno Rebelle à une transition énergétique ambitieuse, dans son livre « Libérons les énergies », que vient de publier ‘’Lignes de repères’’, est à lire d’urgence.
Bruno Rebelle, notoirement reconnu pour les conseils qu’il prodigue aux entreprises et aux régions en matière de développement durable et le rôle qu’il a joué dans le Comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique, montre dans son livre que transformer profondément notre système énergétique est un enjeu social, économique et politique primordial. Un enjeu d’urgence qui, pour être compliqué, n’en est pas moins possible. A condition de se sentir concerné, de faire l’effort de s’informer, de se mobiliser tous ensemble, « tant les questions énergétiques irriguent l’ensemble de notre société ».
L’énergie est le « sang de la société ». Elle est présente à tous les instants de notre journée, nous dit l’auteur. Sous forme de différents services. Dont la qualité, le coût et la permanence nous concernent avant tout. Il nous faut donc concentrer notre attention sur le choix des systèmes les plus efficaces, techniquement, écologiquement, et économiquement. En réfléchissant aux priorités : l’indispensable, le nécessaire, ce qui relève du désir (Loisirs, etc.).
L’auteur a la volonté de proposer une vision politique et économique alternative à celle que portent nos élites aujourd’hui, tout en ne quittant pas le terrain des questions qui nous paralysent au quotidien ; l’emploi, la précarité, la croissance.
Car nous vivons en matière énergétique sous un modèle qui a été construit après la seconde guerre mondiale pour mobiliser les ressources nécessaires à la restauration d’un appareil industriel dévasté, un modèle qui se retrouve aujourd’hui en position défensive devant les défis de l’époque. Le défi principal étant l’épuisement des ressources fossiles et des matières premières.
Celui ci appelle pour nos économies mal préparées et trop souvent soumises, par ailleurs à quelques grandes entreprises transnationales, (dont l’objectif n’est pas la prospérité des nations ni l’intérêt général), des solutions qui sont une véritable remise en cause de positions dominantes et centralisatrices, du type EDF ou Gaz de France.
« L’Etat a perdu dans les décennies précédentes la maitrise de la politique énergétique, captée par les grandes entreprises du secteur et par leurs relais dans la haute administration » nous dit Bruno rebelle.
Et nos élus, députés et sénateurs, qui sont souvent les défenseurs d’installations implantées dans leur circonscription, ne sont pas prêts à remettre en cause le système. Mais il faut « qu’ils entendent ce que disent les entreprises, les collectivités locales et les citoyens ».
Tout comme nous devons entendre nous mêmes, car il nous manque aussi une analyse transversale et une mise en lumière de ce qui se fait en France et chez nos voisins européens, afin de voir ce qui marche. Et « le renouvelable ça marche ». Bruno Rebelle nous le montre, il n’y a pas de frein technique. Il nous faut mettre l’accent sur les économies d’énergie, la décentralisation, sur ce qui existe. Il faut nous pencher sur l’Angleterre et l’Allemagne qui se sont engagées dans des stratégies de transition énergétique plus tôt que nous, « pour nourrir notre réflexion des succès et des difficultés de ces expériences ».
Le problème n’est pas technique. Il est organisationnel. On s’en rend compte dans ce livre. D’où cet appel à plus de dialogue, à une logique d’acceptabilité sociale, à la place nécessaire à plus de déconcentration, de diversification, de décentralisation, à la mise en place d’une stratégie collaborative.
Et une fois informés, il nous faut contrer ceux qui nous désinforment, les lobbies des intérêts particuliers et ceux qui les relaient, qui nous disent que les énergies renouvelables « ça ne suffira pas, que ça coute trop chère, que ça ne marche pas tout le temps ». En essayant de nous faire oublier que le renouvelable c’est un ensemble, que la biomasse peut nous « procurer en toute circonstance production de chaleur, d’électricité et de gaz, que les courants marins sont une source permanente d’énergie, que la géothermie profonde elle aussi ne varie pas dans le temps », etc.
Mais le virage se prend, m’a dit Bruno Rebelle, que je suis allé interviewer. « Atteindre le seuil de 60% de nos ressources en énergie renouvelable, c’est possible. La transition énergétique, c’est possible. Elle est déjà en route. Sur les territoires. Le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie, la région Rhône-Alpes, sont des exemples. Un projet de loi est en cours. Il faut être vigilant sur ce qu’il proposera. Mais je suis confiant ».
Suivez ce que fait le collectif « Acteurs de la Transition Energétique » a-t-il rajouté. Il réunit des collectivités territoriales, des entreprises, des associations, des ONG, des organisations syndicales, ainsi que plusieurs élus et personnalités. Il a lancé un appel posant la question du rythme, des étapes, des ambitions d’une transition énergétique qui touche l’ensemble des activités économiques.
Oui, 2014, qui verra la loi sur la transition énergétique votée au Parlement, devrait être une année décisive. Le livre de Bruno rebelle est indispensable pour comprendre et participer au changement des modes de production et de consommation entrainés par la révolution énergétique qui se prépare. Non. Qui est déjà commencée.
Et c’est grâce à notre indépendance énergétique retrouvée que nous reprendrons demain notre place dans le monde.
Bernard LEON
Secrétaire Général adjoint de l’AFITE.
« Libérons les Energies ». Ouvrage de Bruno rebelle. Editions Lignes et repères. 17€.